Le cinéma et Gary Cooper

Le cinéma et Gary Cooper

Gary CooperQuelqu’un a dit un jour : « le cinéma c’est Gary Cooper à cheval ». Pour moi, le cinéma  c’est Gary Cooper tout court, et j’espère bien le montrer en quelques lignes.

De tous les acteurs de l’âge d’or, Cooper est le plus complet, bien plus par exemple que John Wayne ou Cary Grant. Seuls peuvent lui être comparés Gregory Peck ou Kirk Douglas, mais il les écrase. Gary Cooper incarne l’homme parfait, le père idéal (et non le gendre), on ne l’imagine pas commettre un acte mauvais. Il est ce château de pureté dont parle Mallarmé.

1935 : en quelques mois, Henry Hathaway,  de son vrai nom marquis Henri Léonard de Fiennes, dirige Gary Cooper dans les deux plus beaux films du cinéma : Les Trois lanciers du Bengale et Peter Ibbetson, inspiré du roman de George du Maurier, lui aussi d’origine française (à cette époque, comme disait Nietzsche, tout ce qui était d’essence aristocratique était d’origine française).

Les Trois lanciers du Bengale est le plus beau film de guerre de tous les temps ; il évoque en outre la guerre éternelle contre les musulmans, mais des musulmans respectables, commandés par un chef afghan, Mohammed Khan (qui a dit que l’histoire ne se répétait pas ?). Cooper incarne un saint à cheval, un vrai templier qui veut à tout prix sauver le fils inexpérimenté de son colonel désespérément british. La camaraderie militaire, pour ceux qui l’ont connue, est sans égale. On l’a faite disparaître d’ailleurs.

La scène centrale du film est d’une portée symbolique incroyable : la chasse au sanglier, animal druidique entre tous, pig-picking en anglais, qui constitue bien sûr dans ce cadre précis une insulte aux musulmans (la révolte des cipayes n’est pas loin). La chasse au sanglier, comme celle à l’ours ou au cerf, a toujours eu une portée royale, alchimique presque.

Quant à la fin du film, elle est tout simplement géniale : Cooper va mourir, et il doit lancer une fusée pour faire sauter le dépôt de munitions ; il lui faut un mot pour sauver le monde. Et il le trouve : Poésie. Il lance et il meurt. Le film vaut aussi pour l’interprétation de l’extraordinaire Franchot Tone, lui aussi d’origine française.

L’autre chef d’œuvre d’Hathaway est Peter Ibbetson, film-culte des surréalistes et des cinéphiles d’élite. Il vaut pour son symbolisme (tout tourne autour des wagons et des maisons), pour son incroyable histoire d’amour, pour la lumineuse photographie, pour la présence de Cooper, bien sûr, et aussi d’Ann Harding, blonde sublime sortie d’un poème de Gérard de Nerval.

Le film célèbre l’amour onirique, la vraie vie située ailleurs, celle dont parle Rimbaud, dont parlent tous les génies. Les deux êtres enchantés s’y retrouvent jusqu’à leur mort, alors que Cooper est emprisonné et paralysé, avant de gagner justement le paradis.

Mais tout le film vaut : les enfants du début jouent comme jamais on n’a vu jouer des enfants, et la scène du dîner infernal avec le mari est d’une intensité supraterrestre.

Je pourrais parler d’autres films de Cooper : l’inoubliable Sergent York, qui narre une rédemption par la guerre et l’amour (encore) ; ou bien sûr le Westerner (ou cavalier du désert) du grand William Wyler, où l’on assiste au plus beau plan-séquence du cinéma : le dialogue de Cooper avec le juge Roy Bean, joué par l’inimitable Walter Brennan, d’ailleurs oscarisé pour ce rôle (tout arrive), est sans équivalent. Ici encore, on parle d’amour, on parle d’une Dame que l’on ne verra jamais.

On ne reverra jamais un Gary Cooper. Pour nous autres libertariens, il importe aussi de rappeler le film de King Vidor, The Fountainhead  (pitoyablement traduit le Rebelle en français), inspiré de notre maître (de notre maîtresse ?) Ayn Rand, romancière d’origine russe, et qui avait su magnifier dans cette œuvre l’esprit de liberté et de royauté qui doit être le ressort de tout individu, de génie ou non, en cette heure où le système nous écrase de toutes parts. Cette œuvre admirable montre à quel Gary l’exemplaire reste en tout état de cause un modèle à suivre, un presque Perceval, qui ne laisserait pas échapper le Graal.

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Comments (2)

  • mag Répondre

    Très bon article, il y a aussi un très bon film que j’ai en dvd et que j’adore de Gary Cooper , c’est ” le rebelle ” ! y-a-t-il encore de nos jours des hommes qui ressemblent à cet architecte qu’il interprete ? j’en doute ….

    24 novembre 2009 à 12 h 27 min
  • Anonyme Répondre

    Gary Cooper est effectivement une des plus grandes figures du cinéma de son temps.

    Toutefois, moi-même passionné de cinéma (projectionniste dans les années 50), je pense qu’il n’est pas nécessaire de chercher à réduire l’image de certains acteurs pour élever un piédestal à un seul d’entre eux. Certains le valent, chacun dans son genre, dans son charme, et même dans son universalité. Cette manie du classement est vraiment regrettable. Il est normal que la préférence des uns ne soit pas celle des autres, et réciproquement.

    Je rends hommage au passage à Clint Eastwood, qui perpétue si bien cette image inimitable et impérissable du cinéma américain (que certains détestent probablement, ce qui est leur droit).

    24 novembre 2009 à 10 h 41 min

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