Les 800 ans de la Magna Carta

Les 800 ans de la Magna Carta

Les invitations se multiplient des deux côtés de l’Atlantique pour célébrer les 800 ans d’un texte quasi-sacré : la Grande Charte, arrachée à l’odieux Jean sans Terre par les barons anglais le 15 juin 1215. Et aussi pour en rappeler la signification dans le contexte actuel.

Un an après sa défaite à Bouvi­nes, le moins glorieux des Plan­tagenêt, malgré ses innombrables exactions, était de nouveau « à court de l’argent des au­tres » et réduit à négocier.
En toute mauvaise foi, car il n’avait aucune intention de l’honorer, il signa à Runnymede le document qui allait devenir le socle fondateur de la monarchie parlementaire anglaise et de la république des États-Unis. C’est même dans la constitution américaine que la Magna Carta trouve sa forme la plus aboutie.

Reconnaissance par le souverain que l’exécutif doit se partager avec les élites nobiliaires et le droit avec les plus humbles des « hommes libres », en vertu de la « suprématie de la loi » (rule of law), née elle-même du droit coutumier issu du peuple, au cours des siècles, d’où son autre nom « loi du pays » (law of the land) qui atteste de son caractère organique et national et donc de sa légitimité. Tous les autres droits chers aux vraies démocraties en découlent.

Bien sûr, il fallut des siècles pour que l’abolition de l’absolutisme comme forme de gouvernement se mette en place. Les Anglais n’y parvinrent qu’en 1688, alors que les colons américains avaient pris de l’avance en rédigeant des constitutions sur le modèle de la Magna Carta dès 1637 (Maryland)…
S’ils se révoltèrent contre George III, c’est parce que celui-ci bafouait leurs droits en tant que citoyens anglais.

C’est aussi tout le sens du Tea Party contemporain qui n’accepte pas les transgressions constitutionnelles d’Obama, ou l’impudence d’Hillary Clinton qui, à chacun de ses scandales financiers ou diplomatiques, nargue ses accusateurs, chargés de trouver les preuves qu’elle a fait disparaître, donc la loi du pays.

La Magna Carta est aussi à la source du désir de nombreux Anglais de quitter l’Union européenne dont le droit, parce que supranational, « créé » artificiellement par des technocrates et imposé du haut avec quelle morgue, est forcément inférieur au droit d’une nation qui a « inventé la liberté » (lire le livre de Daniel Hannan).

Et cela nous force à constater à quel point nous sommes désarmés, nous, Français conservateurs, de n’avoir ni socle fondateur qui fasse l’unanimité, ni aucun homme (ou femme !) politique crédible qui puisse organiser une renégociation de notre appartenance à cette monstrueuse entité, à défaut d’une sortie. L’idée seule est taboue.

Nous avons bradé notre souveraineté, notre monnaie, nos libertés et ne sommes pas aidés par notre système juridique étatiste, héritage de notre abominable révolution et d’un tyran.
Et, pourtant, nous pourrions revendiquer, nous aussi, la Magna Carta car, comme Margaret Thatcher le concède (Statecraft, 2002) : « Ces barons à Runnymede étaient plus français qu’anglais, leur langue n’était pas l’anglais »… mais le bas latin qui allait devenir le français.

Ils surent reconnaître le bon qu’il y avait dans ces « vieilles libertés anglaises » surgies de ces « parlements dans les bois », comme les appelait Montesquieu. Il semble que le peuple français abrite une dualité persistante, l’aspiration à la liberté et une inclination pour l’absolutisme, et que la seconde finisse toujours par triompher de la première. Nos penseurs libéraux-conservateurs sont plus honorés dans les pays de l’anglosphère que chez nous. Cherchez le malaise !

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Comments (1)

  • Jacky Social Répondre

    Mme Joslayn, J’admire tous vos articles et ceux de Guy Milliere car je pense pareil depuis longtemps, tout ceci n’étant pas nouveau. La propriété privée n’est plus respectée. Ni la vie privée d’ailleurs. Les prochaines années vont voir la propriété privée assaillie de toutes parts. C’est le dernier bastion encore debout. Tout cela se fera au nom de principes mensongers tels que l’égalité et la justice sociale et autre blabla pour petits enfants immatures et autres losers. La Magna Carta, comme la Constitution US, est un document moderne car il est intemporel. C’est un peu un prolongement des Evangiles sans la lecture gauchiste de l’Eglise catholique.

    17 juin 2015 à 21 h 01 min

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