Défense du protectionnisme

Défense du protectionnisme

Le chômage fait partie de la campagne. Aussi, chacun y va de ses promesses : réduction de charges sociales, simplification du Code du Travail, disparition des 35 heures, soutien fiscal aux investissements (crédit-recherche, réduction de l’impôt sur les sociétés)…

L’ennui est que les entreprises n’embauchent pas sur incitations fiscales, mais seulement lorsque leurs ventes augmentent.

L’augmentation artificielle du pouvoir d’achat n’y changerait pas grand-chose : l’expérience montre qu’elle profiterait à 80 % aux produits d’importation, meilleur marché.

Quant à diminuer les taxes et les charges, elles représentent environ 5 % des coûts. Contre une concurrence asiatique à moitié prix, quelle incidence ?

D’ailleurs, ces conditions défavorables n’ont pas empêché notre industrie de se très bien porter jusque vers 1990.

Depuis, on a perdu environ 3 millions d’emplois. Que s’est-il donc passé ?

Par « l’Acte unique européen » de 1986, puis le Traité de Maastricht, le grand marché européen s’est ouvert, les frontières ont disparu, la concurrence est devenue mondiale par libre-échange généralisé.

L’ouverture des frontières a mis nos industries européennes en concurrence avec des pays où les salaires sont dix fois moins élevés : concurrence entre salariés. Les productions à forte intensité de main-d’œuvre (textile, bois…) ont rapidement disparu ; les autres ont plus ou moins bien résisté.

À l’intérieur de l’UE, le blocage de l’euro a creusé les écarts entre les différents pays membres, en fonction de leur taux structurel d’inflation, taux qui varie d’un pays à l’autre en fonction de la répartition des secteurs (agriculture-industrie­services), du niveau de développement technologique, et de la structure des productions industrielles (produits courants, de luxe, biens d’investissement, etc.) dont la sensibilité au prix n’est pas la même.

Monsieur Trump qui, comme chacun sait, est un benêt ignorant, a fait le même constat dans son pays : la production automobile, fortune de Detroit, s’est effondrée, laissant la ville dans un état déplorable (une pancarte priait le dernier partant d’éteindre la lumière).

Dans sa bêtise et son ignorance, il a pensé que, s’il favorisait le redémarrage de cette industrie, il recréerait les emplois perdus.

Sitôt dit, sitôt fait, il taxe fortement les importations provenant du Mexique ; Ford renonce à y créer une nouvelle usine, et se réinstalle à Detroit. GM et le groupe Chrysler suivront.

À se demander comment on n’y a pas pensé plus tôt.

En fait, certains y ont bien pensé, mais cette suggestion a été jugée ringarde, en comparaison d’une mondialisation aussi heureuse que moderne.

Car il ne faut pas s’y tromper, l’important est d’être moderne. Fini le temps où l’on jugeait une méthode à ses résultats !

Maintenant, il faut être à la mode, et aller dans le sens du vent. Il est donc à craindre que l’exemple américain ne soit pas suivi chez nous.

On en revient, comme trop souvent, à l’idéologie : le protectionnisme, c’est vieux, pas bien gentil, et le signe d’un esprit étroit et frileux, alors que l’avenir, c’est l’ouverture et l’aventure.

Pour l’aventure, nous sommes gâtés.

Pour le reste, il est opportun de se référer à l’ouvrage trop oublié de Paul Bairoch (1993) qui montre que le protectionnisme a coïncidé avec la prospérité, sauf lorsque, au XIXe siècle, les pays industriels ont imposé le libre-échange aux pays sous-développés, pour les contraindre à acheter nos produits industriels. Tout l’inverse de ce que nous faisons.

Ne nous étonnons donc pas qu’en inversant la méthode, on inverse le résultat.

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Comments (3)

  • trividic Répondre

    Pour ma part je suis pour la souveraineté nationale.
    Je ne supporte plus que la mise sous tutelle de la France

    23 février 2017 à 14 h 45 min
    • Jaures Répondre

      Pour être économiquement souverain vous devez soit être totalement autonome (en énergie, matières premières, matériel industriel, informatique, télécommunications,…), soit proposer des produits que nous seuls sommes capables de produire et en valeur suffisante pour équilibrer nos échanges. Sinon, vous devrez drastiquement limiter les échanges et donc ressembler à une Albanie des années 1970.

      23 février 2017 à 17 h 09 min
  • Jaures Répondre

    Les choses ne sont pas si simples, ce serait trop commode. Si les voitures sont assemblées aux Etats-Unis, il faut bien importer tout ce qui n’est pas produit sur place. De plus, si les automobiles ont un coût de production supérieur du fait de la main d’oeuvre locale plus chère, les consommateurs américains devront renoncer pour leur voiture à d’autres types de consommation. Les emplois que gagnera l’industrie automobile seront perdus dans les services ou ailleurs.
    Si on prend le cas de la France, si le gouvernement taxe les produits importés, il y aura réciprocité et ce qui sera éventuellement gagné dans un sens sera perdu dans l’autre. Pire, si les investissements productifs conçus à l’étranger (machines outil, électronique, logiciels,…) sont taxés, les produits français perdront en compétitivité. Or, la France a des besoins en biens qu’elle ne peut produire elle-même: hydrocarbures, acier, appareils de télécommunication,… On peut concevoir que la France améliore son autonomie mais cela demanderait des décennies d’investissements onéreux sans assurance de devenir performant.
    Trump est au pouvoir depuis un mois. Avant de le glorifier (comme d’ailleurs de le condamner), il faut attendre les résultats concrets de sa politique.

    22 février 2017 à 11 h 23 min

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