Jonas ou le désir absent

Jonas ou le désir absent

Jonas TanouarnDu prophète Jonas, l’on sait ordinairement, pour peu que l’on ait un jour ouvert la Bible, qu’il fut jeté à la mer lors d’une tempête par des marins désireux d’apaiser les dieux, et gobé par un poisson dans le ventre duquel il subsista trois jours avant d’être recraché sur le rivage. On pense non moins ordinairement, pour prêter plus de vraisemblance quelque peu insolite, que ce Schéol était une baleine, voire plus précisément un cachalot.

L’abbé Guillaume de Tanoüarn, qui consacre à ce livre de la Bible une réflexion inspirée, entraîne son lecteur infiniment plus loin dans l’intelligence de ce texte. Il accompagne son travail d’exégèse d’une méditation sur le désir, moteur indispensable des actions humaines.

Jonas, explique-t-il annonce le Christ, parce qu’il est le seul des prophètes de l’Ancien Testament à annoncer l’universalité de l’amour de Dieu, répandu non pas sur le seul peuple élu, Israël, mais étendu à l’ensemble de l’humanité, symbolisé par Ninive, la grande cité assyrienne, qui préfigure la chrétienté.

Cette analogie avec Jésus, que le Christ Lui-même indique dans l’Evangile selon saint Matthieu, s’exprime aussi à travers la symbolique du poisson, image des enfers où Jonas, ayant accepté de se sacrifier pour sauver les marins, reste trois jours, comme Notre Seigneur, avant d’en être libéré sur sa propre prière.

L’Apocalypse, c’est maintenant !

Elle trouve également ses limites dans la personnalité même du prophète, qui, s’il annonce le Christ, l’annonce en quelque sorte "en négatif" et à son corps défendant, au sens propre du terme : personnage à la tête dure et à la nuque raide, Jonas tente de fuir la mission qui lui a été confiée – avertir Ninive de l’imminence de sa destruction à cause de ses péchés –, s’y résout de mauvaise grâce après avoir été recraché par le poisson infernal, obtient par sa prédication minimale la repentance des Ninivites, se scandalise de la miséricorde que fait Yahvé-Dieu à cette ville pécheresse, ennemie d’Israël, et se retire dans un sommeil amer, sans avoir rien compris, semble-t-il, au projet du Dieu d’amour qu’il sert presque malgré lui. On a vu prophètes mieux inspirés…

L’abbé de Tanoüarn tire de cette aventure des vues fulgurantes sur la pénitence et la Miséricorde. Car « la prédication de Jonas est plus d’actualité que jamais » écrit-il, en ajoutant : « L’Apocalypse, c’est maintenant ». Il ne s’agit pas là d’une prophétie à la Paco Rabanne ou tirée des prédictions mayas, mais de cette évidence : chaque génération connaît sa propre Apocalypse, puisque que chaque génération connaîtra la mort.

Mais chaque génération, pour peu qu’elle se convertisse, comme Ninive sauvée, et se repente de ses fautes, se voit aussi offrir la Miséricorde, « puissance nouvelle, disponible pour qui veut s’en saisir ». C’est ce désir de Miséricorde, le désir de Dieu qui sauve l’homme en définitive. « Sans désir, pas de rédemption. Le désir absent ? Mais c’est l’enfer… », écrit l’abbé.

Ce petit livre propice à la méditation est si intelligent qu’on le ferme en ayant l’impression de l’être un peu soi-même. A découvrir, absolument.


Pierre Champenois

Guillaume de Tanoüarn, Jonas ou le désir absent, Via Romana, 112 pages, 14 euros.

À commander auprès de notre service abonnements :

(+5.50 € de port)
4 Vérités-DIP 18 à 24,
quai de la Marne
75164 Paris Cedex 19

Partager cette publication

Comments (1)

  • VILLEMIN Répondre

    Le 31/12/1999, j’ai fait paraitre dans le Bien Public, quotidien de la région Bourgogne, l’article ci-joint. Aujourd’hui, 10 ans plus tard, je laisse les lecteurs méditer sur son contenu quelque peu "prémonitoire"

                                              Age d’Or ou Apocalypse ?

         A l’approche des festivités de cette fin de siècle, transformées pour la cause en gigantesque foire commerciale, il serait bon de laisser une petite place à la raison, à la sagesse.                                A l’aube du XXI siècle, sommes nous heureux en tant que rationnels ?  Malgré les progrès considérables réalisés jusqu’alors, notre société actuelle ne sait plus garder la tete froide et se laisse dominer par la technologie .Certes, nos conditions de vie se sont améliorées, mais en meme temps nous nous sentons plus vides, plus seuls. Nous avons beau etre abonnés à Itinéris, à Canal Satellite ou internet, nous sommes beaucoup plus coupés du monde que dans n’importe quelle époque de l’histoire humaine. Nous sommes devenus une société synthétisée dans notre empressement à vouloir éprouver la prochaine sensation provisoire. Notre univers politique n’est qu’un vaste camp de concentration, ou le pouvoir de l’argent s’exerce de mille façons. Alors que le clivage entre riches et pauvres ne cesse de se creuser, les puissants du monde, aux seuls intérets commerciaux, sont très occupés en ce moment à se disputer l’un, l’autre pour s’assurer la meilleure place dans le grand match du prochain millénaire.

         La tare de notre société,  c’est de s’imaginer que nous vivons dans un climat de liberté. Nous ne serons libres que lorsque nous aurons rejeté tous les marchands de soupe qui nous séduisent pour mieux nous dévorer. Façonnée par des apprentis sorciers pour maintenir le système, notre conscience doit réagir. Alors que nous n’en sommes qu’à l’age des robots, il faudra bien arriver un jour à l’age de l’intelligence. Une nouvelle façon de vivre, une vision du monde moins égocentrique, avec un besoin de justice sociale et de solidarité universelle.

         Le vrai danger n’est-il pas dans le gachis de la jeunesse ?

         Age d’Or ou Apocalypse …?    Tout dépend du prix que les hommes d’aujourd’hui sont prets à payer pour ceux de demain…

                                                                                                           

            

                                                   

         

                                          

    19 novembre 2009 à 10 h 11 min

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Vous venez d'ajouter ce produit au panier: