Trotski, l’Amérique et la balkanisation de l’Europe

Trotski, l’Amérique et la balkanisation de l’Europe

Le trotskisme n’est évidemment pas ma tasse de thé et les trotskistes ont toujours beaucoup nui partout ils sont passés, partout aussi où ils se sont métamorphosés : en France en  suscitant l’antiracisme de masse puis en collectionnant les montres et les femmes de ménage, à Washington en collectionnant sous la forme néo-conne les interminables et ruineuses guerres néoconservatrices.

Mais je dois reconnaître que j’aime bien lire Trotski, parce qu’il me renseigne beaucoup mieux que les historiens sur son époque et son action, parce que, aussi, il a parfois diablement raison !

Voici ce qu’il écrit de Léon Blum, que l’on pourra appliquer aux insignifiants Obama et actuel résident hexagonal :

Il est difficile d’imaginer une occupation plus pénible que la lecture de Léon Blum. Cet homme cultivé, et intelligent à sa manière, on dirait qu’il s’est donné pour but dans la vie de ne rien dire d’autre que de plates inanités et de prétentieuses sottises. La clé de l’énigme, c’est qu’il est, politiquement, depuis longtemps périmé. Toute l’époque actuelle dépasse sa taille. Son tout petit talent, valable pour les couloirs, prend un air pitoyable et nul dans l’effrayant tourbillon de nos jours.

Sur l’actuel déclin de l’Europe, de plus en plus inféodée à l’Amérique et à ses folles interventions diplomatiques, on pourra lire aussi ces lignes, écrites et prononcées en 1924 au moment du plan Dawes (c’est l’excellent discours sur les perspectives de l’évolution mondiale) :

Le capital américain commande maintenant aux diplomates. Il se prépare à commander également aux banques et aux trusts européens, à toute la bourgeoisie européenne. C’est ce à quoi il tend. Il assignera aux financiers et aux industriels européens des secteurs déterminés du marché. Il réglera leur activité. En un mot, il veut réduire l’Europe capitaliste à la portion congrue, autrement dit, lui indiquer combien de tonnes, de litres ou de kilogrammes de telle ou telle matière elle a le droit d’acheter ou de vendre.

Comme s’il avait prévu la guerre du Kosovo et ses incroyables conséquences, la création de foyers islamistes en Europe, et l’état de guerre permanent contre les petits pays jugés récalcitrants, Trotski dénonce déjà une balkanisation de l’Europe…par les USA :

Déjà, dans les thèses pour le 3e congrès de l’I. C., nous écrivions que l’Europe est balkanisée. Cette balkanisation se poursuit maintenant.

L’Europe n’est plus l’Europe depuis Versailles en 1919. Si on le comprenait un peu mieux… Contrairement au général de Gaulle qui pensait que la Russie trahissait sa race, Trotski écrit que c’est l’Amérique des banquiers WASP et des tartufes humanitaires qui trahit sa race ; et voici comment :

Dès qu’elle sera en guerre avec l’Angleterre, l’Amérique fera appel aux centaines de millions d’Hindous et les invitera à se soulever pour défendre leurs droits nationaux intangibles. Elle agira de même à l’égard de l’Egypte, de l’Irlande, etc. De même que, pour pressurer l’Europe, elle s’affuble maintenant du manteau du pacifisme, elle interviendra, lors de sa guerre avec l’Angleterre, comme la grande libératrice des peuples coloniaux.

En s’affublant du manteau du pacifisme, on « produit » les guerres de Libye, de Syrie et la dictature ubuesque en Egypte ! Trotski sait évidemment que chaque invocation à l’abaissement des tarifs douaniers, dont le professeur Allais annonçait pourtant les ruineuses conséquences, sert un mot d’ordre plus obscur :

L’histoire favorise le capital américain : pour chaque brigandage, elle lui sert un mot d’ordre d’émancipation. En Europe, les Etats-Unis demandent l’application de la politique des ” portes ouvertes “… Mais, par suite des conditions spéciales où se trouvent les Etats-Unis, leur politique revêt une apparence de pacifisme, parfois même de facteur d’émancipation.

J’en passe et des meilleures. Trotski a surtout compris, et c’est là à mon sens son point fort, que le meilleur allié des Américains dans l’inféodation et la balkanisation de l’Europe n’est jamais la droite, quels que stupides que puissent être les politiciens de droite : le meilleur allié, c’est la gauche et c’est la social-démocratie. C’est quand même le plus grand révolutionnaire du siècle passé qui l’écrit :

Pendant ce temps, l’Amérique édifie son plan et se prépare à mettre tout le monde à la portion congrue… La social-démocratie est chargée de préparer cette nouvelle situation, c’est-à-dire d’aider politiquement le capital américain à rationner l’Europe. Que fait en ce moment la social-démocratie allemande et française, que font les socialistes de toute l’Europe ? Ils s’éduquent et s’efforcent d’éduquer les masses ouvrières dans la religion de l’américanisme ; autrement dit, ils font de l’américanisme, du rôle du capital américain en Europe, une nouvelle religion politique.

Eh bien, nous sommes toujours en plein rationnement, et en pleine américanisation ! Je lui laisse la conclusion, avec son grand élan révolutionnaire qui faisait bouger les masses populaires quand elles avaient encore un peu d’allant et de cervelle :

En d’autres termes, la social-démocratie européenne devient actuellement l’agence politique du capital américain. Est-ce là un fait inattendu ? Non, car la social-démocratie, qui était l’agence de la bourgeoisie, devait fatalement, dans sa dégénérescence politique, devenir l’agence de la bourgeoisie la plus forte, la plus puissante, de la bourgeoisie de toutes les bourgeoisies, c’est-à-dire de la bourgeoisie américaine.

J’oubliais ! Sur le problème de la dette qui m’agitait tant jusqu’à une date récente, je trouve ces lignes plutôt rassurantes :

La politique européenne de l’Amérique est entièrement établie sur ce principe. Allemagne, paye à la France ; Italie, paye à l’Angleterre ; France, paye à l’Angleterre ; Russie, Allemagne, Italie, France et Angleterre payez-moi. Voilà ce que dit l’Amérique. Cette hiérarchie des dettes est une des bases du pacifisme américain.

On constate en tout cas, en relisant Trotski, que la médiocrité et que l’aveuglement ont la vie dure ! J’en remets encore une couche pour rassurer une nouvelle fois mon lecteur :

L’Europe s’est appauvrie. La quantité de matières premières qu’elle travaille est inférieure de 10 % à ce qu’elle était avant la guerre. L’influence de l’Europe dans l’économie mondiale a considérablement diminué. La seule chose stable dans l’Europe actuelle, c’est le chômage.

Le chômage, la dette, l’intervention humanitaire… Comme on dit, rien de nouveau. C’est bien la peine d’aller voter !

Nous sommes en juillet 1924.

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Comments (3)

  • pi31416 Répondre

    Combien de ces prophéties du camarade Trotski se sont-elles réalisées? Quand l’Amérique est-elle entrée en guerre contre l’Angleterre? Quand les Hindous se sont-ils révoltés contre elle à l’instigation des Etats-Unis? Bravo Léon! T’es aussi fort que Paco Rabanne.

    20 décembre 2012 à 5 h 18 min
  • grepon Répondre

    Hmmm. Nous avons des sociale-democrates des deux cote de l’Atlantique. Notre deuxieme probleme le plus important qualitativement et quantitivement est le meme: impossibilite de tenir promesses de droits aquis faite par le passee, par politiciens soucieux de se faire elire par le passee, et a jouer avec les sous du contribuable. Alors ca va passer par inflation, debasement des monnaies, mais aussi simple defaut de paiement(voir la Grece, l’Espagne, Italie, divers villes americaines), VOL la ou l’etat peut trouver actifs a manger, et bien sur penurie de services(genre medicaux, police, education). Bref, expansion de la misere et croissance molle et souvent negative.

    MAIS, nos problemes d’ordre existentiels, nos problemes les plus severes, sont differents des deux cotes de l’Atlantique. Chez les europeens, les effets secondaires de decennies d’etatisme sans ame vous ont laisse avec un trou demographique insurmontable. Meme en lavant toutes les dettes accrus, l’Europe des europeens n’a pas le capital humain pour rebondir, et en plus est infectee d’une immigration porteur de tyrannie barbare, presque animale, mais tenace.

    Aux Etats-Unis notre demographie changeant a toute l’aire d’apporter des politiques demagogique un peu socialo-democrate, MAIS, ses politiques vont se planter tres bientot et non pas dans plusieurs decennies. La blame sera tres clairement chez les etatistes demagogue. Il y a alors espoir de voir une amerique, apres la grande deflation, apres la grande faillite, qui aura appris la lecon perdu aux europeens, que la planification centralisee, l’etat providence etc, est une mensonge, vendu par des malades.

    18 décembre 2012 à 21 h 38 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    je remet le couvert …de vermeille ! mais anonymement pour ne pas choquer certaines susceptibilités ! :

    W.A.S.P. ? vraiment TOUS …W.A.S.P. ?

    18 décembre 2012 à 18 h 32 min

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