Les leçons du génocide arménien

Les leçons du génocide arménien

Nous commémorons, cette année, le centenaire du génocide arménien. Pour­tant, ce dernier continue à être nié par le gouvernement turc. Que répondez-vous aux négationnistes ?

L’empire ottoman n’était pas principalement peuplé d’Otto­mans. Minorité guerrière, les Ottomans ont dominé pendant plus de cinq siècles un ensemble majoritairement chrétien.Le sultan Abdul-Hamid II, monstre de cruauté sadique, haïssait les chrétiens et particulièrement les Arméniens. Avec lui, des traditionnels massacres de répression et d’intimidation, on passa (avec déjà plus de 300 000 victimes) à une claire perspective exterminatrice que ne remirent pas en cause les Jeunes-Turcs.

À partir de 1915, ce fut la mise en œuvre d’une extermination systématique planifiée. C’est en analysant cette politique d’anéantissement que le grand magistrat juif polonais Raphaël Lemkin élabora le concept de génocide. Les preuves du génocide arménien sont irréfutables et, d’abord, celles des ordres du Grand Vizir Jeune-Turc, Talaat Pacha. Mon livre n’est pas le seul à rappeler l’indéniable réalité du génocide. Seul le gouvernement turc persiste dans un négationnisme fanatique.

Mais votre livre est l’un des seuls à mentionner les sources jacobines et islamistes du mouvement Jeune-Turc. Comment des sources ap­paremment si différentes ont-elles pu cohabiter ?

Pour ce qui est du jacobinisme des Jeunes-Turcs, il suffit de se reporter à leurs écrits et aux jugements admiratifs, avant la guerre, de nos jacobins et, en premier lieu, de Jean Jaurès et Georges Clémenceau. Les Jeunes-Turcs n’étaient pas exactement des « islamistes », mais des nationalistes-im­périalistes voulant éradiquer toute autre identité qu’ottomane et donc musulmane.

Au traditionnel principe islamique du statut de dhimmitude, ils substituaient le principe d’une radicale épuration ethnico-religieuse, les chrétiens étant alors considérés comme des corps étrangers nuisibles, porteurs d’un « sang impur », à éliminer pour « régénérer » le peuple ottoman. Comme l’a fort bien décrite Gilles-William Gold­nadel, la continuité génocidaire des idéologies révolutionnaires est fascinante, des jacobins aux bolcheviques et aux nazis, en passant par les Jeunes-Turcs. Notons aussi que tous les dirigeants Jeunes-Turcs étaient des francs-maçons au point que l’on a pu parler « d’État maçonnique Jeune-Turc »…

Le génocide de 1915 n’a pas été la fin du calvaire des chrétiens présents dans l’ancien empire ottoman. Pouvez-vous nous parler de ce qui s’est passé ensuite ?
Le génocide des Arméniens ne s’est, en effet, pas terminé en 1916. Il a été parachevé sous Mustapha Kemal et continué en 1918 par celui des Grecs et des Assyro-Chaldéens. Mais le plus abominable, pour nous Français, ce fut, à cette époque, l’abandon de la Cilicie, qui relevait du « mandat français » sur le Levant. Là, dans les montagnes, des Armé­niens assez nombreux avaient pu échapper aux massacres.

La connivence entre le très habile Mustapha Kemal et nos dirigeants entraîna alors l’abandon odieux de milliers de rescapés. La responsabilité de nos dirigeants et aussi de certains généraux dans les massacres de parachèvement du génocide est, hélas, indéniable. Cela préfigurait nos abandons des populations du Tonkin et d’Algérie ayant cru en la parole de la France.

L’État islamique est en train de poursuivre l’œuvre gé­nocidaire des Jeunes-Turcs. L’histoire se répète-t-elle ?
Effectivement, l’État islamique poursuit très exactement, avec l’hypocrite complicité du gouvernement turc, l’œuvre génocidaire des Jeunes-Turcs. Dans le même déferlement d’horreurs. L’histoire se répète, en effet, et ce que certains croient nouveau, c’est tout simplement ce qui est trop oublié, et notamment le « modèle » de gouvernement qu’a été celui de Maho­met à Médine…

 

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Comments (1)

  • Feynaud Répondre

    Je pose une question : Ne sommes-nous pas sur le même chemin que les Arméniens ? Ne préparons-nous pas le même destin à nos enfants et petits enfants ? Hein ! ! !

    8 septembre 2015 à 17 h 11 min

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