Bob Denard : le dernier des condottiere

Bob Denard : le dernier des condottiere

Le 15 mars dernier, s’achevait le procès de Bob Denard et de 26 autres personnes, poursuivies pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ». En l’occurrence, l’arrestation et la séquestration de Saïd Mohamed Djohar, président de l’ex-République des Comores, lors d’une tentative de coup d’État à l’automne 1995, baptisée opération « Eskazi » (du nom d’un vent chaud qui souffle sur les Comores). Ce procès repose la question du mercenariat et son rôle passé et présent dans les politiques extérieures de certains États.

Depuis le 3 avril 2003, le Parlement français catégorise le mercenaire comme un criminel passible de cinq ans de prison et d’une amende de 75 000 euros, peines aggravées pour les organisateurs du recrutement (sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende). Est dorénavant étiqueté mercenaire tout individu « spécialement recruté pour combattre dans un conflit armé », non-ressortissant d’un État partie à ce conflit ni membre de ses forces armées, qui « prend ou tente de prendre une part directe aux hostilités […] en vue d’obtenir un avantage personnel ».

Cette définition protège les Légionnaires, intégrés à l’armée française. Contrairement à la convention adoptée par l’ONU, le 4 décembre 1989, la loi française exclut également de son champ d’application les conseillers militaires et les techniciens recrutés dans le cadre d’accords de coopération ou de contrats industriels, qui n’ont pas vocation à combattre.
Bob Denard, de son vrai nom Robert Bourgeaud, est le dernier représentant de ces « chiens de guerre » des années post-coloniales qui se qualifiaient eux-mêmes « d‘affreux », tout comme les Français Trinquier ou Faulques, les Belges et Britanniques Schrame ou O’Hare. Ils ont écumé tous les conflits dans lesquels les puissances occidentales agissaient en sous-main contre la pénétration soviétique : Katanga, Biafra pour l’Afrique, Yémen pour le Moyen-Orient…

La plupart d’entre eux étaient des anciens militaires qui craignaient que les décolonisations des années 1960 n’ouvrent la porte à la soviétisation de l’Afrique, selon le mot de Lénine : « La révolution mondiale passe par l’Afrique ». Souvent mandatés par les gouvernements pour agir clandestinement avec les services secrets, parfois abandonnés par ces derniers, mais toujours animés d’un idéal qui, financièrement, leur rapportait assez peu quoiqu’en pense le grand public.

Or, avec la fin de la Guerre froide et la restructuration de nombreuses armées occidentales (carrière courte, mises à la retraite anticipée,…), beaucoup d’ex-militaires, souvent de qualité, se sont retrouvés sur la touche et vite récupérés par les Sociétés Militaires Privées (SMP) fournissant un service à un gouvernement lors d’un conflit armé. Ce service peut aussi bien être technique (construction et surveillance des installations, entraînement des troupes ou encore ravitaillement en vivres et matériel) qu’humain (interrogateurs, conseillers tactiques ou stratégiques, gardes du corps ou même de troupes participant aux combats).
Contrairement à nos condottieres, les SMP américaines pèsent plus de cent milliards de dollars par an et cela augmente chaque année. Le Department of Defense (DoD) prévoit de privatiser d’ici 2006 237 000 postes dans la logistique et le soutien. Cela fera certainement autant d’emplois de créés, du moins en partie, aux États-Unis. Les Anglo-saxons dominent ce marché florissant qui permet encore aux gouvernements de les utiliser à moindres coûts. Ainsi en Irak, leurs employés constituent le deuxième contingent engagé (15 000 hommes), devant l’armée britannique. Or, avec la loi de 2003, ces organismes sont passibles de justice s’ils agissent dans un conflit où leur pays n’est pas engagé : ainsi une société française ne pourra pas agir si nos intérêts ne peuvent être défendus ouvertement, laissant donc ce marché florissant largement ouvert à la concurrence étrangère !

Or, la valeur de ces « gens de guerre » se répercute sur plusieurs domaines : économique avec achat de matériels ultra-perfectionné ; diplomatique, derrière ces SMP, l’État pouvant agir sur les groupes ou États en jeu… Et, comme l’affirmait en 2004, le Général Bentegeat (CEMA) : « Cette question [des SMP] est assez délicate et évolue très vite. La plupart sont des sociétés qui ont pignon sur rue, qui sont contrôlables, contrôlées et qui peuvent rendre des services que les armées ne peuvent pas rendre pour des raisons diverses… »

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Comments (15)

  • MAJOREL Répondre

    Réveillez vous Soldats la France a besoin encore une fois de vous…je suis Le Vicomte de Saint Paul.Certains ont connu mon oncle:Antoine de Saint Paul..pas de plus belle recommandation pour “le boulot” que je veux accomplir..JC

    20 avril 2015 à 9 h 47 min
    • Clément Répondre

      Bonjour,

      Quelle surprise de tomber sur votre commentaine : Antoine de Saint Paul est également de ma famille (l’oncle de mon grand-père). J’effectue des recherches généalogiques, peut-être auriez vous des informations complémentaires où je serais ravi de correspondre.
      Cordialement

      7 juin 2018 à 11 h 55 min
  • jpkandani Répondre

    L’ association orbs patria nostra a la memoire du Colonel R. Denard et de ses hommes morts sur la piste , est nee.

    site internet ; http://www.orbspatrianostra.com

    15 juillet 2009 à 19 h 03 min
  • jeanpierre kandani Répondre

    L’ association orbs patria nostra a la memoire du Colonel R. Denard et de ses hommes morts sur la Liste , est nee.
    site internet ; http://www.orbspatrianostra.com

    1 novembre 2008 à 19 h 27 min
  • jeanpierre kandani Répondre

    bonjour

    pour information, une association "orbs patria nostra" est constituée, site internet prochainement en ligne..

     

    12 juin 2008 à 13 h 33 min
  • STAG Répondre

    Pour commencer le Général Bengeat a raison les SMP servent a quelque chose. Et puis le général nous connaît bien nous sommes patriote avant tout chose, nous oeuvrons dans l’intérêt National quand nous le pouvons, c’est malgré nous. Je suis convaincu que nous serions excellent dans l’humanitaire.
    J’ai bien connu Bob, c’était un bon Chef, paix a son âme. Lui nous a donné du travail, Lui nous faisait confiance, Nous le regrettons déjà.

    1 février 2008 à 20 h 53 min
  • Gazo Répondre

    eh si seulement ,octobre 1967 n’avait pas été gommé.

    Toi Bourgeaud ou Denard pareil a toi meme , Pourquoi ,après tant d’année .Meme ronger par une maladie féroce,as tu laissez l’histoire oublier certains de tes amis ,qui méritait mieux que d’etre laissez pour mort le long d’une route boueuse du Katanga.

    Deja trahis par toi , Denard,par ton décès jamais personne ne saura cette vérité de ce matin d’octobre 1967ou pour mort , moi , frère de pensée et rempli de loyauté t’ai désesperement attendu .

    Toi Denard ou Bourgeaud n’aurais tu pas eu le pouvoir d’attendre octobre 2007 avant de tenter de me rejoindre parmis les vivants de l’autre monde ,cela fait 40 années que je t’attend pour te rappeler cette matinée atroce .

    Moi , frère de celui qui a été abandonné par toi ,je m’étais promis d’attendre ton décès pour enfin éteindre cette flamme .

    Merci , a ton age qui a eu moins de scrupules que ces tribunaux .

    14 octobre 2007 à 20 h 35 min
  • lionel Répondre

    La France aime bien trahir ceux qui l’aiment . Dans le monde dur et compliqué que nous avons la France a besoin des ” Bob Denards ” . On se désarme , on trahi nos soldats ( Côte d’Ivoire ) . Bientôt la France ne représentera plus rien .

    6 mai 2006 à 0 h 44 min
  • Jean-Claude Lahitte senior Répondre

    Il se trouve que j’ai connu – c’était en 54 et 55 – celui qui n’était pas encore “Bob” Denard. A l’époque, il était simple sous-officier dans les CRS du Maroc (je crois me souvenir qu’on disait GSP*). Etant journaliste, couvrant tous les actes de terrorisme, même si je ne partageais pas forcément ses façons – parfois expéditives – de résoudre certains problèmes, j’avais compris que, contrairement à tous les donneurs de conseils (politiciens, philosophes, doctrinaires, théoriciens en tous genres, etc) qui laissent les autres se faire trouer la peau pour prouver la justese de leurs idées, il était, lui, prêt à payer de sa personne. Il devait le prouver. Non sans une certaine baraka qui lui aura permis, sinon d’éviter les foudres de la Justice (aux lieu et place de ses mandataires ou commanditaires !)du moins de ne pas se faire amocher comme j’en ai vu au Maroc, en Indochine ou en Algérie. Et pour ceux qui l’approchent dans sa fin de vie (on le sait gravement malade), même en comptant en anciens francs, il n’est pas devenu millionnaire. En tout cas, entre le multimillionnaire BHL (celui-ci tient une bonne part de sa fortune de l’exploitation** – au sens péjoratif du mode – de bois précieux en Afrique) en chemise de soie largement échancrée, qui se pavanais en Bosnie ou ailleurs, je préfère un Bob Denard en treillis. A chacun ses goûts. Et il serait bon de voir nos salonnards de gauche et de la fausse droite, BHL en tête, réclamer les services de mercenaires comme Bob Denard, le jour où certaines banlieues viendront les serrer de trop près… Même si je ne souhaite pas que cela se produise pour ceux de mes compatriotes qui, eux, ne font pas partie des autruches qui, d’élections en élections, nous ont amené et ramené l’UMPS et la chienlit qui va avec. Cordialement, Jean-Claude Lahitte senior P.S. Je remercie Philippe Sadot d’avoir évoqué la grande figure de B.D., véritable personnage de “B.D.” * comme Groupes Spéciaux de Protection, c’est à vérifier ** créée jadis par son père et qu’il vient de céder au Groupe Pinault, non sans avoir prpfité lui-même pendant quelques années

    5 mai 2006 à 22 h 17 min
  • Josh Répondre

    Tout ca c’est la faute a la testosterone !

    5 mai 2006 à 22 h 05 min
  • sas Répondre

    a lebegue…sache , ami , qu’il en est ainsi partout en france hexagonale et particulièrement aux antilles…la police et la justice noyautée par la maçonnerie qui l’asservie….instrumentalise à plus soif ces services institutionnels….donc aux prochaines elections vote juste et mobilise les tiens… Pour la différence entre un bod denard et un supermenteur: tout 2 acheté par le plus offrant, sans morale ni vertu….mais l’un ayant des couilles un peu plus développées que l’autre……trouvez qui est le plus couillus… sas qui se marre qu’on découvre des mercenaires au service de l’etat en 2006…

    5 mai 2006 à 14 h 03 min
  • lebegue Répondre

    de LUCIEN Si tu habites bordeaux, quand une société t’escroque et que ton Avocat est FRONT NATIONAL tu perdras automatiquement. La police nationale refusera d’enregistrer ta plainte. Et si le fonctionnaire,le prétendu commissaire, te demande si un de tes enfants ne peut pas t’aider, il ne faut surtout pas lui répondre qu’il est Commandant et travail à MOLSHEIM,vous aurez le droit à ce qu’il vous ouvre la porte de son bureau en vous dirigeant vers le couloir. Il est vrai la devise TRAVAI FAMILLE PATRIE ne plait pas ici et il ne faut pas dire qu’on est français d’ORIGINE. Lucien Bientôt 80 balais

    4 mai 2006 à 13 h 22 min
  • Un affreux Répondre

    Tu mets trois mercenaires à la terrasse d’un café aux “Champs”, et cinquante CPF en face. Après trois minutes, y plus que les trois premiers. Tu peux remplacer mercenaires par légionaires, c’est kif-kif bourricot.

    4 mai 2006 à 0 h 12 min
  • R. Ed. Répondre

    Une petite correction, c’est Gilbert Bourgeaud et Jean Schramme (fils d’un juge brugeois).

    3 mai 2006 à 18 h 55 min
  • R. Ed. Répondre

    Heureusement que je ne suis pas Français, que je n’habite pas en France et que je sois à la retraite, mais de toutes façons, je n’ai pas 75000 euro(500.000.000 d’anciens francs)pour pouvoir payer l’amende, alors ??? Une chose est sûre : un mercenaire vaut cinq cents millions de francs (anciens, mais quand-même !) Par hasard, la loi n’aurait pas d’effet rétroactif ?

    3 mai 2006 à 18 h 43 min

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