Le réformisme de Fillon à l’épreuve des populistes

Le réformisme de Fillon à l’épreuve des populistes

L’opinion publique développe une défiance généralisée à l’égard des élites autoproclamées et de la « classe parlante » : journalistes, politiques, syndicalistes, cultureux… dont le point commun est de vouloir sans cesse dire au peuple ce qu’il doit dire, faire ou penser. Avec de l’argent le plus souvent pris dans nos poches !

Le temps de l’élection présidentielle est le moment le plus propice pour exprimer cette défiance. C’est ce que nous voyons. Mais, évidemment, le danger est grand que cette révolte soit finalement captée par de plus démagogues. La faillite du système représentatif, perverti par sa captation par une caste, risque partout d’être récupérée, pour ce qu’il en reste, par des démagogues, de gauche, de droite ou même du centre.

Et la démagogie paye presque toujours électoralement : on vient de le voir avec la victoire de Benoît Hamon au 1er tour de « La Primaire citoyenne », grâce à sa proposition parfaitement utopique de revenu universel.

Dans ce contexte, les propositions raisonnables paraissent bien fades à une majorité d’électeurs bercés par l’illusion que les hommes politiques ont le pouvoir de créer de l’emploi, de la richesse, de la sécurité et de la prospérité, bref du bonheur, sur simple ordonnance.

Tout programme simplement réformiste, comme celui du candidat des Républicains, suscitera naturellement moins d’applaudissements que celui d’un autre, tout aussi raisonnable, mais délivré dans une forme d’exaltation spectaculaire, comme le fait Emmanuel Macron.

Pour le dire plus clairement, le réformisme aura du mal à figurer au deuxième tour de l’élection présidentielle française.

François Fillon a été plébiscité par les électeurs de droite parce qu’il est apparu à la fois le plus sincère et le plus radical.

Prenons l’exemple du temps de travail. Alain Juppé disait : Je ne toucherai pas à la durée légale du travail. François Fillon dit : Je reviendrai aux 39 heures. C’était statu quo contre réformisme. Mais, revenir aux 39 heures est de nature à susciter les blocages habituels, organisés par des syndicats stipendiés, dont il n’est pas question de rogner les prébendes.

Or, au temps de l’économie numérique, la réglementation par l’État de la durée légale du temps de travail est tout à fait archaïque. Y renoncer, c’est-à-dire déclarer que la durée du travail sera décidée, si besoin, au sein de chaque entreprise ou administration aurait été à la fois plus clair, plus simple, et sans doute plus facilement accepté. Le débat aurait alors porté sur le principe : qui est légitime pour établir les éléments d’un contrat de travail ? Les parties au contrat, ou bien l’Etat-papa ?

D’autres exemples viennent à l’esprit : sur l’éducation, sur la Sécu… Il y a toujours des solutions de liberté, alternatives aux solutions administratives, fussent-elles réformistes.

Bien sûr, le 23 avril, la désignation des deux finalistes se fera principalement sur les thèmes de la sécurité et de l’immigration, lesquels demeurent l’apanage du FN.

Mais la vie politique est également faite de rapports de forces, qui évoluent lentement.

La gauche n’a pas disparu. Elle est simplement éclatée en trois morceaux. Le mieux placé dans les sondages est le trotskiste Mélenchon soutenu discrètement par les communistes. Que le vainqueur de la primaire socialiste les rejoigne, et leur candidat peut se rapprocher de la deuxième place, en devançant Macron, et avoir François Fillon dans sa ligne de mire.

En étant réformiste, François Fillon l’a emporté le 27 novembre. En le demeurant, tel qu’il l’a été depuis trois ans, pourra-t-il arriver en tête ou simplement deuxième dans trois mois ? Ce n’est pas certain.

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Comments (3)

  • Hilarion Répondre

    Mon bon Jaurès. Nous eûmes, l’an passé un débat sur le populisme. Vous ne manquâtes point de ranger dans le tiroir des idées “populistes” les projet du FN concernant la retraite à 60 ans, l’augmentation du Smic et je ne sais plus trop quelles autres propositions me laissant je l’admet, moi aussi dubitatif. Mais comment alors qualifier cette idée du nouveau héraut de la gauche avec son revenu universel ? Voilà que durant toute une vie, un zombie aura couvert mis sans avoir à seulement jeter un oeil hors de la couette. Voilà qui dépasse de très loin les propositions du FN. La gauche vallsienne elle même dénonce ce projet en raison de l’impossibilité à le financer. Alors Benoît Hamon populiste…de gauche ? Peut être fume t-il une moquette de qualité exécrable qui finira par lui ruiner la santé. Il est vrai ,aussi, que depuis cent ans le slogan de la gauche ne nécessite guère de se faire des noeuds au cerveau puisqu’il se résume à ce slogan “Y qu’à prendre aux riches”. La gauche ne véhiculerait-elle pas des idées populiste sans le savoir comme Monsieur Jourdain la prose ?

    31 janvier 2017 à 19 h 43 min
    • Jaures Répondre

      Cher Hilarion, l’idée du revenu universel n’est absolument pas une idée de Hamon. Elle date du XVIIIème siècle, tout comme le libéralisme (“De la richesse des nations”, 1776). Les socialistes y réfléchissent autant que les libéraux. La question n’est pas tant celle du revenu garanti que de la lutte contre la grande pauvreté. Hamon propose de s’y attaquer par étapes, d’abord en étendant le RSA revalorisé aux jeunes de moins de 25 ans. La mesure aurait l’avantage de lutter contre la pauvreté qui s’étend chez les jeunes. Il existe un minimum vieillesse, pourquoi pas un minimum jeunesse ?
      Je comprends que l’on ne soit pas convaincu a priori mais le fait est que l’on a pas trouvé de remède à la grande pauvreté dans les pays industrialisés. La mesure mérite donc d’être expérimentée selon les priorités énoncées. Le CICE a coûté 45 milliards. Pour combien d’emplois créés ? Le problème des entreprises n’est pas tant celui de la fiscalité que du carnet de commande. Une politique de l’offre n’a pas de sens si la demande ne suit pas. Une aide massive aux jeunes peut avoir un réel impact économique par la demande relancée et la confiance de cette part de la population très consommatrice.

      31 janvier 2017 à 21 h 57 min
  • Jaures Répondre

    “des élites autoproclamées et de la « classe parlante » : journalistes, politiques,…” Il sait de quoi il parle, Dumait, qui fut lui-même journaliste et homme politique. “L’élite autoproclamée”, c’est toujours l’autre quand on ne considère légitime que l’élite porteuse de ses propres idées. Dumait oublie que la seule élite légitime est celle qui a fait ses preuves par une réussite arbitrée par les urnes ou l’épreuve des faits.
    Ensuite, Dumait confond réforme et contre réforme. Autrefois il n’existait pas de durée légale du travail. Il faut attendre le milieu du XIXème siècle pour que le temps de travail soit limité pour les enfants puis pour les femmes. La réduction du temps de travail a été le fruit de luttes âpres. Revenir sur ces lois serait régresser. Si la limite légale du temps de travail est supprimée, ce sont les plus faibles, ceux qui n’ont pas de moyens de pression qui en feront les frais. Cet état est celui des travailleurs du tiers-monde. La négociation du contrat n’est pas égale. Le patron détient un pouvoir de subordination qui doit être encadré si l’on ne veut pas retrouver les conditions de travail du début du siècle dernier.
    On voit que le terme de “réformisme” est ici dévoyé: le but n’est pas de réformer pour aboutir à un progrès, mais pour revenir à des temps plus difficiles pour les salariés et leurs familles tout en améliorant les profits des plus riches.
    Le programme de François Fillon est à cet égard éloquent: on augmente la durée légale du temps de travail ce qui fait mécaniquement baisser la rémunération des heures supplémentaires, on supprime des postes de fonctionnaires (enseignants, policiers, personnel hospitalier,…) en sachant que ce sont ceux qui ne peuvent se payer un recours au privé qui en pâtiront, on augmente de deux points la TVA, on baisse les allocations chômage,…
    Parallèlement, on baisse les impôts des plus riches: suppression de l’ISF, baisse de l’IRPP, baisse des frais de succession,…
    L’idée est bien de transférer la part de richesses des salariés vers les actionnaires, les héritiers, les rentiers et les notables.
    Et ce serait cela la modernité contre “l’archaïsme” ?

    28 janvier 2017 à 11 h 15 min

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