Maroc : une monarchie démocratique

Maroc : une monarchie démocratique

Christophe Boutin
Professeur de droit public à l’Université de Caen

Le projet de constitution présenté le 17 juin 2011, à la suite des travaux de la commission instituée par le Roi Mohammed VI, projet qui a été largement adopté par le référendum populaire du 1er juillet, est le fruit de la volonté d’un souverain qui, depuis le début de son règne, met en œuvre des réformes institutionnelles majeures.

La nouvelle constitution marocaine parachève en cela les chantiers déjà ouverts. Dans le domaine des droits individuels, c’est la constitutionnalisation de nouveaux droits, ou leur présentation plus explicite, concrétisant l’existence d’un État de droit.

Corrélativement, le nouveau texte affirme une plus grande indépendance du pouvoir judiciaire. Dans le domaine des rapports entre pouvoir central et pouvoirs locaux, il s’agit de garantir dans le texte suprême cette décentralisation avancée qui sera mise en œuvre dans les prochaines années.

Mais cette révision constitutionnelle majeure pose aussi les bases d’un nouvel équilibre institutionnel. Elle le fait par la place plus importante accordée à l’ancien « premier ministre », devenu « chef du gouvernement », dont les pouvoirs de direction de l’exécutif sont revus pour en faire le chef de l’équipe ministérielle. Elle rend plus nécessaire encore la collaboration entre pouvoirs exécutif et législatif en renforçant les pouvoirs du Parlement, ce qui se traduit notamment par l’extension du domaine de la loi.

Elle affirme enfin les droits de l’opposition, un instrument né­cessaire au bon fonctionnement d’un régime démocratique, dans lequel il importe que les textes de lois soient véritablement dé­battus par les représentants et que tous puissent disposer des moyens nécessaires pour formuler leurs propositions.

Une constitution, c’est bien sûr un texte, mais c’est aussi une pratique et un esprit.
Il appartiendra à la cour constitutionnelle, qui pourra, non seulement exercer un contrôle a priori des textes de loi, avant leur promulgation, mais aussi un contrôle a posteriori, par la voie de l’exception, d’en garantir le respect.

Dans ce cadre, le souverain continue, enfin, de jouer un rôle majeur. Par les pouvoirs qui lui sont conférés dans le texte, du droit de demander une seconde lecture des projets de loi à celui de dissoudre les chambres pour renvoyer les représentants de­vant les citoyens, le souverain marocain est clairement défini comme étant l’arbitre du nouveau jeu institutionnel.

Sa légitimité, à la fois comme Amir Al Mouminine (commandeur des croyants) et comme représentant suprême de l’État, puisque ces deux facettes font maintenant l’objet d’articles différents (articles 41 et 42), lui permet de jouer pleinement un rôle fédérateur.
Chef des armées, acteur majeur des relations internationales, le roi est ainsi le garant du bon fonctionnement de cette « mo­narchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale », comme de l’intégrité territoriale du Maroc, apparaissant comme le dernier recours en cas de circonstances exceptionnelles.

La révision établit donc les bases de nouveaux rapports institutionnels et de nouvelles garanties pour les citoyens, sans rien renier des spécificités du Maroc, mais en les assumant pleinement dans le cadre d’une évolution tranquille.
Une évolution qui tranche avec les crises et les désordres qui agitent les autres pays de la région et que le président Sarkozy a été le premier à saluer, en faisant part au roi Mohammed VI « du plein soutien de la France au processus exemplaire par lequel le Maroc poursuit résolument et pacifiquement son approfondissement démocratique ».

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Comments (2)

  • albert Répondre

    Excellente analyse qui montre que la dérive bers l’aventure gaucho-totalitaire ou extrémiste religieuse n’est pas une fatalité si un peuple sait être fidèle à ses grandes constantes historiques et si un régime a l’intellligence d’être réformiste. La monarchie marocaine est un exemple à suivre.

    14 juillet 2011 à 11 h 14 min
  • Adil Répondre

    J’aimerai bien voir Sarkozy nommé par Dieu " Commandeur des croyants " français …  arretez de prendre les marocains et les français pour des imbéciles, cette constituition cocote-miniutes ne change absoluent rien dans la vie des marocains et consacre l’absolutisme et la dictature comme les autres constitutions depuis 1962.

    13 juillet 2011 à 15 h 58 min

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