Ubériser l’économie pour sortir de l’austérité

Ubériser l’économie pour sortir de l’austérité

S’il est vrai que la France n’est pas la seule, parmi les nations européennes, à vouloir sortir de l’asphyxie qui paralyse notre économie depuis la crise de 2007, il n’en reste pas moins que les dispositifs mis en place par les pouvoirs publics français sont insuffisants.

Toutes les faiblesses hexagonales ne peuvent certes pas être interprétées uniquement par les analyses de Moody’s, agence de notation qui a dégradé la note de la dette souveraine de notre pays, mais il convient de comprendre les conséquences de l’abaissement d’un cran, à Aa2 contre Aa1, de la France.

Plus que jamais, les contraintes politiques et institutionnelles pèsent sur nos finances publi­ques, entraînant « un défaut de compétitivité du pays et une réelle difficulté à le réformer ». Les rigidités, accumulées depuis trois décennies, permettent à peine d’envisager une hypothèse de croissance après 2017, alors même que la France dispose pourtant d’une économie diversifiée, d’une démographie favorable et d’un accès aux financements à faibles coûts.

Les professionnels de la finance et de la gestion de patrimoine que nous représentons s’inquiètent légitimement. En effet, les sociétés qui ont refinancé par anticipation l’essentiel de leurs besoins de liquidité en 2015, adopteront pour l’année à venir, une stratégie d’investissement prudente au regard des faibles perspectives de croissance.

Du côté des établissements bancaires, nous observons, malgré les dispositifs mis en place par l’Union européenne pour financer l’économie réelle, un man­que d’appétence de leur part. Quant à l’épargne, elle ne s’inscrit pas assez durablement pour amorcer la relance attendue. Plus globalement, la chaîne de financement subit la pesanteur législative et la frilosité des épargnants.

Quant à notre modèle social et à notre rapport au travail, il y a tout lieu de tirer les mêmes enseignements.

Il est temps de libérer les énergies pour sortir de l’austérité, non plus par le recours à l’emprunt par nos institutions qui ont grevé les déficits publics, mais bien par un recentrage des missions de l’État sur ses fonctions régaliennes. Ce serait déjà une forme de courage, mais n’est-il pas trop tard, au regard de ce qui s’annonce comme le tournant économique du siècle : « l’ubérisation » ?

Si la fameuse société de transport californienne a été condamnée par la justice française, l’ubérisation s’empare tout de même de toute la société française : transport, numérique, hôtellerie, conseil juridique… La liste est non exhaustive, mais prouve à quel point la mutation des modèles commerciaux et de services est profonde.

La planète finance n’échappera pas, elle non plus, à ce phénomène. Il faut nous tourner désormais vers la digitalisation du conseil.

En effet, avec le projet de directive européenne de l’union des marchés de capitaux, s’exprime la volonté de favoriser le financement de l’économie à partir de tous les dispositifs captant des flux, notamment ceux des épargnants, à partir d’une ap­proche par le numérique.

Naîtraient alors des prestations de conseil et d’investissement sur les différentes classes d’actifs, sans intermédiation, avec des conditions de frais d’entrée et de gestion faibles, pour le plus grand nombre.

L’ubérisation de l’économie et de la finance est donc une solution d’avenir à moyen terme.

Certes, elle nécessitera sans doute de se concentrer sur une clientèle plus haut de gamme, tout en disposant des outils et des moyens pour exercer son activité dans le cadre d’une prestation personnalisée.

On pourrait objecter alors une concentration des acteurs financiers. Mais les récentes dispositions réglementaires MIF 2, DIA 2, PRIIPs qui ont remis en cause nos modèles économiques l’envisageaient déjà.

La démarche des conseillers en gestion de patrimoine (CGP) est donc aujourd’hui menacée par deux tendances opposées :
– Le conseil de très haut niveau, qui impose des compétences accrues et conduit à un phénomène de concentration ;
– Le conseil vers une clientèle plus traditionnelle, qui sera de plus en plus sollicitée par des offres nouvelles nées de la numérisation et l’ubérisation de l’économie.

Ainsi, les récentes dispositions réglementaires, non seulement remettent en cause nos modèles économiques, mais encore incitent à l’émergence d’initiatives qui rechercheront des voies directes échappant à l’arsenal normatif.

Didier Kling
Président de la Chambre nationale des Conseils Experts Financiers

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