Un peu de bon sens à propos du protectionnisme !

Un peu de bon sens à propos du protectionnisme !

De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer des mesures protectionnistes. Sans vouloir clore un débat complexe, j’aimerais rappeler ici quelques principes de bon sens.

Tout d’abord, la plupart des politiciens distinguent mal entre protectionnisme européen et protectionnisme français. Il est, à cet égard, paradoxal que bon nombre de souverainistes, qui réclament une sortie de l’Union européenne, réclament en même temps un protectionnisme européen. Je suppose que cela tient à l’idée généralement répandue selon laquelle la France serait un trop petit marché pour le monde actuel. C’est bien possible, mais il me semble difficile de dire à la fois que la France peut se suffire à elle-même et qu’elle est un trop petit marché…

Le deuxième point qui me semble évident, c’est que les autorités européennes en général, et françaises en particulier, font preuve d’une naïveté confondante dans les négociations commerciales.

Nous nous battons trop souvent avec une main (voire les deux !) attachée dans le dos et nos entreprises sont soumises à des normes draconiennes, sans rapport avec ce qui existe ailleurs.

Ceci nous amène à un troisième point : existe-t-il une guerre économique ? Pour moi, la réponse est clairement positive. Le Qatar ou la Chine, qui rachètent bien des entreprises florissantes dans le monde et en France, ne le font pas uniquement selon une logique d’investissement économique, mais aussi selon une logique d’influence politique.

La Chine, les États-Unis, la Russie, toutes les grandes puissances du jour, ont une politique de protection de leurs marchés et d’implantation sur les marchés émergents.

Face à ces arguments favorables au protectionnisme, il faut rappeler, à temps et à contretemps, que nous nous enrichissons tous à ouvrir les frontières. À force de ne regarder que les fermetures d’usine, on oublie de constater qu’un smicard d’aujourd’hui a un train de vie bien supérieur à celui d’un seigneur médiéval.

Toute la question est donc de favoriser l’ouverture des frontières, sans donner dans la naïveté criminelle de nos dirigeants.

Cela nécessite au moins deux choses.

Tout d’abord, nous devons contester avec force l’équivalence toujours assénée entre capitaux, biens et services, d’une part, et hommes de l’autre. Que les frontières soient ouvertes pour une mobilité accrue des capitaux et des biens et services est, globalement, une excellente chose pour tous – même si cela n’empêche pas de graves inconvénients individuels. Mais, à la différence des capitaux, les hommes sont enracinés. Il est plus difficile de transférer des ouvriers de Brest à Strasbourg que des capitaux de Hong Kong à New York ! Et je ne parle pas ici des ravages de l’immigration en Europe…

Par ailleurs, nous devons également nous débrouiller pour faire payer les « externalités négatives » de la mondialisation à l’ensemble des biens et services achetés sur notre territoire. Il est insensé que les citoyens français soient soumis à une sorte de double peine : ils sont mis au chômage par les délocalisations et doivent, en outre, payer seuls les cotisations alimentant l’assurance-chômage. Ce ne serait que justice que les produits étrangers contribuent, pour leur part, au financement de ces nuisances, très réelles – par exemple par un mécanisme de « TVA sociale ».

Il reste que notre principal problème n’est pas la mondialisation des échanges, mais notre attitude : nous refusons de choisir entre l’ouverture des frontières et le protectionnisme. Pour ma part, je dis tout net que je préfère cent fois un choix clair pour le monde contemporain… mais avec pour corollaire impératif un abandon tout aussi clair du socialisme qui nous paralyse.

Je ne vois, certes, aucun inconvénient à ce que nous protégions, dans certains cas, notre marché. Notamment pour être autonomes dans les secteurs vitaux pour notre survie (je pense, en particulier, à l’industrie d’armement, dans laquelle nous perdons chaque année de nouvelles compétences : quand nous devrons acheter l’ensemble de nos matériels militaires aux Russes ou aux Amé­ricains, aurons-nous encore une politique de défense et, par conséquent, une politique étrangère autonomes ?).

Mais je crains, dans l’état actuel de l’opinion publique, que ce protectionnisme ne soit, en réalité, la « protection » de toutes nos faiblesses et de tous nos vices, à commencer par notre absurde Code du travail.

C’est la raison pour laquelle je regarde toutes les revendications protectionnistes avec beaucoup de méfiance…

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Comments (6)

  • jms49 Répondre

    En politique, ce qu’il y a souvent de plus difficile à apprécier et à comprendre, c’est ce qui se passe sous nos yeux.
    (Al.de Tocq)

    20 mai 2013 à 9 h 50 min
  • BRENUS Répondre

    L’idée qu’il serait impossible de pratiquer un protectionisme raisonnable est absurde. Dès l’instant où vous taxez a fond un produit de dumping, il devient moins dangereux et vous permet de respirer. Naturellement, cela ne peut se faire qu’en accompagnant la mesure d’une bonne dose de pédagogie. Par exemple : bien faire comprendre qu’il est fnalement plus avantageux, élégant et agréable de porter un vêtement de qualité fabriqué a coùt de travail plus élevé que stocker des montagnes de frippes minables mises une seule fois et que l’on n’ose plus ressortir tellement elles sont tartes.

    17 mai 2013 à 20 h 37 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      à quoi les consommateurs lambdas vous répondrons : nous n’en avons pas les moyens, et les ” addicts à la Mode ” qu’ils ne peuvent en toute fierté porter toujours le même habit !

      18 mai 2013 à 19 h 52 min
      • quinctius cincinnatus Répondre

        j’en veux pour preuve cet exemple pris dans mon voisinage:
        une militante du F. de G. élue municipale de ma petite ville, assimilée fonctionnaire du Conseil départemental, achète ses chaussures made in R.P.C. ou Viètnam ) dans des boutiques low-cost, alors qu’elle souffre atrocement des pieds pour des raisons anatomiques; elle dit ne pas avoir les moyens financiers d’ acheter de ” bonnes “chaussures françaises qui lui feraient comme disait ma grand-mère ” de l’usage ” … ce qui est surprenant quand on constate si ce n’est son train de vie, du moins sa façon de vivre !

        22 mai 2013 à 9 h 22 min
  • Hommet Répondre

    Fallait-il un prix Nobel d’économie comme Maurice Allais pour comprendre que frontières absentes toute notre industrie disparaîtrait si elle était confrontée à des coûts de main d’oeuvre entre 10 et 30 fois inférieurs à ce qui est pratiqué dans les pays du tiers monde. Le désastre du Bangladesh, vient de le rappeler, ou plus de 1000 personnes qui travaillaient 60 heures par semaine pour 30€ par mois dans un bâtiment aussi branlant qu’insalubre viennent de mourir dans des condition atroces. Retrouver des emplois dans le textile en France dans de telles conditions de concurrence…qui s’y colle ?

    16 mai 2013 à 16 h 56 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    ” je regarde etc …. ” et vous avez raison … la ” ligne Maginot ” n’est pas plus sûre en stratégie économique qu’elle ne l’a été en stratégie militaire … comme il en est de l’eau, les hommes trouvent toujours un autre lit pour écouler leurs marchandises

    15 mai 2013 à 13 h 41 min

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