Aux origines des déserts médicaux

Aux origines des déserts médicaux

Voici mon témoignage sur les « déserts médicaux ». Lors de mon installation, en 1954, nous étions 102 000 libéraux (dont 48 000 généralistes) ; je pense que nos confrères en activité sont plus nombreux ! A la fin des années 50-début des années 60 (il me faudrait déballer mes vieilles archives pour retrouver la date exacte), Giscard, ministre des Finances, avait dû céder à une grève administrative féroce (pas UN formulaire administratif rempli, tout sur papier libre, la SS avait mis des mois à s’en remettre) et justifiée. Furieux, il avait dit : « quand ils seront plus nombreux, ils gagneront moins et ne pourront plus faire grève. »

Arrivé au pouvoir, il avait utilisé la chienlit post-68 pour « lâcher les rênes » des examens des facs de médecine : on était « monté » jusqu’à « fabriquer » 12 à 13 000 médecins par an (au lieu des 2 à 3 000 habituels). Ce sont ces médecins qui arrivent à l’âge de la retraite et que l’on ne parvient pas à remplacer : lorsque les génies qui nous gouvernent s’étaient aperçus (trop tard !) que les médecins plus nombreux coûtaient plus cher à la Sécu, ils avaient, pour freiner le désastre, institué le numerus clausus et dans le même but, ils avaient allongé la durée des études médicales (je ne pense pas que nos jeunes confrères actuels, avec leurs 10 ans d’études, nous soient tellement supérieurs, avec nos 7 ans de fac : pendant leurs premières années de fac, il faut bien leur enseigner ce qu’ils auraient dû apprendre au lycée…). Et à la vue du désastre qui s’annonçait, personne, bien sûr, n’avait songé à supprimer le numerus clausus, ni les années d’études supplémentaires ; on en est donc réduit à essayer de remplacer des retraités trop nombreux par des diplômés trop rares (ajoutez à cela qu’un autre génie avait imaginé diminuer les dépenses de la Sécu en incitant de nombreux confrères à prendre une retraite anticipée…).

Pour corser le tout, il faut quand même se souvenir que les vieux c…s comme moi trouvaient normal de travailler 12 heures par jour, 6 jours (voire 7…) par semaine et 50 semaines par an, ce qui n’est plus la mode actuelle… Et, je l’écris au risque de me faire lapider, il faut bien prendre en compte la féminisation de la profession : dans ma promo, il y avait à peu près 10% de jeunes femmes, elles sont au moins 60 % de nos jours. Et il est évident qu’une femme avec mari et enfants ne peut absolument pas envisager un emploi du temps semblable à celui qui était le nôtre !

Dernier point que l’on ne peut pas ignorer : aucun médecin, qu’il soit homme ou femme (à moins d’avoir la vocation du martyre), ne peut accepter benoîtement de risquer sa peau tous les jours pour soigner ses semblables à certains endroits et à certaines heures ; mais là ,ce n’est plus un problème médical, mais bien un problème politico-juridico-policier.

On dit toujours que « Gouverner ,c’est prévoir » et c’est bien notre malheur : depuis 40 ans ,les génies qui nous gouvernent semblent incapables de voir plus loin que leur réélection, et encore !

Dr. J.D.

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Comments (7)

  • Daviet Répondre

    Je pense comme le docteur JD que commander c’est prévoir et que depuis Pompidou tous nos hommes politiques n’étant préocupés que de leur réélection. Aucune décision qui pourrait nuire a une éventuelle réélection ne saurait être envisagée même si cette décision, ils le savent , les conduit a terme droit dans le mur. La charge présidentielle devrait être de sept ans non renouvelable.Ce qui obligerait a une décision sans recours et a sa prise en charge assumée par le décideur.

    26 décembre 2012 à 0 h 35 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      ” commander ” peut être pas et même sans doute pas , mais ( bien ) gouverner certainement !

      26 décembre 2012 à 14 h 39 min
  • Lach Répondre

    Dans cette profession, comme dans quelques autres, la féminisation n’a apporté que la dévaluation. Il est désolant d’avoir à le dire, sinon à le répéter car c’est interdit au risque de se faire lyncher, mais que ce soit dans l’enseignement, la Justice, juges et avocats, tout ce qui concerne la Santé en général, la médecine en particulier, etc, partout où elles ont mis les pieds, et au fur et à mesure qu’elles y devenaient majoritaires, les métiers, les professions se sont peu à peu dévalués. Là où en 1960, par exemple, l’instituteur, en particulier à la campagne, et le professeur, le juge et l’avocat, le médecin étaient des “notables” reconnus, appréciés et respectés, tout ce petit monde, à l’heure actuelle, n’est considéré qu’à sa juste valeur = zéro pointé … ! Vous aurez, de plus, tous remarqué qu’avec l’arrivée des femmes en politique, où on nous avait dit qu’elle changerait car ces dames y apporteraient plus de douceur, de compréhension et de pragmatisme, le résultat est exactement l’inverse et que je ne serais pas loin de penser que la Politique aurait très bien pu se passer des Royal, Guigou, Aubry, Dati, Yade, NKM, Bachelot et autre Morano … Mais bon, il faut paraît-il vivre avec son temps, et que ça n’est pas fini, tellement que certains veulent instituer des quotas là où elles n’ont pas encore tout démoli. Et sur les ruines viendront s’installer nos immigrés qui parachèveront le boulot…

    25 décembre 2012 à 15 h 34 min
    • Dr H. Répondre

      En général, les professions se féminisent, puis se prolétarisent, et enfin “s’immigrationisent”…

      26 décembre 2012 à 0 h 48 min
  • Saint Pierre Roger Répondre

    Bon article. Et, comme toujours, les socialistes veulent résoudre le problème des “déserts médicaux” en distribuant de l’argent public. Or, ce n’est pas un problème d’argent. Les médecins qui s’installent dans des zones rurales sont assurés de bien gagner leur vie. Mais il faut en accepter les contraintes. Vivre dans des zones peu peuplées, déplacements, disponibilité et surtout, le fait d’être seul. La plupart des jeunes médecins préfèrent désormais exercer en cabinet afin d’avoir une couverture pendant leurs vacances et partager une secrétaire pour prendre les rendez-vous et faire de l’administratif.

    25 décembre 2012 à 9 h 10 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    L’exposé des causes [ de la ” désertification médicale ” ] par le Dr J.D. , qui semble d’ailleurs surtout préoccupé par l’avenir du financement de SA retraite , sont typiquement ” corporatistes ” et du genre ” ah ! c’était autre chose de mon temps ” en plus qu’elles ne sont certainement pas les causes véritables ( ou en tout cas essentielles ) du problème actuel
    J’ai le souvenir d’avoir créé un cabinet en campagne , à mon retour d’Amérique du Nord , et d’avoir trouvé un canton où la grande majorité des médecins s’ils travaillaient beaucoup , exerçaient l’art comme des ” officiers de santé ” au mieux ou comme des pharmaciens et pour certains ,exceptionnellement il est vrai , comme le docteur Knock ; sans parler de l’hostilité corporatiste ouvertement ou sournoisement exprimée au nouvel installé qui venait leur ” prendre,” LEUR clientèle , ce qui était relativement facile au regard de leurs ” compétences”
    La nostalgie d’un passé ” franchouillard ” n’est pas une explication sereine et les ” 4 V ² ” auraient du nous épargner ces ” aigreurs ” médicales ! ( comme bien d’autres )
    Je souhaite un bon Noël au Docteur J.D.

    24 décembre 2012 à 18 h 12 min
    • Dr H. Répondre

      Un peu sévère quand même pour Dr J.D., le collègue Quinctius…
      Mais sur le fond de la question, trois points dont on ne parle pas : 1°) dans les régions “désertées”, ce ne sont pas vraiment les médecins qui manquent, mais surtout les taxis ; 2°) ceux qui sortent de la fac’ aujourd’hui sont nés sous Mitterrand, donc formés à la mentalité de fonctionnaire ; 3°) les tarifs médicaux fixés par l’état n’ont aucun sens, et ne respectent aucune des lois de l’économie. Les vies en ville ou à la campagne ont chacune leurs coûts et leurs avantages, et il ne serait pas anormal que la médecine soit plus onéreuse là où elle est plus pénible à exercer…

      25 décembre 2012 à 10 h 46 min

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