Cannes ou le scandale permanent

Cannes ou le scandale permanent

Il y a quelques années, Jean-Jacques Annaud me disait que les Américains évitaient d’envoyer leurs grands films à Cannes, tellement ledit festival avait mauvaise image et mauvaise presse (ce n’est plus le cas maintenant). Vers la même époque d’ailleurs, Luc Besson disait qu’il n’y avait pas eu de bonne palme d’or depuis… Apocalypse now, en 1979.

C’est en 1980 que Gilles Jacob a pris les rênes du Festival et en a fait ce méchoui de snobisme culturel, d’ineptie professionnelle et de nullité artistique. Audiard disait que l’on pouvait présenter un film mal joué, mal éclairé et mal écrit, et que cela ferait un bon film d’art. Le film d’art, le film d’auteur, le film pour critiques de festival a tué le cinéma beaucoup plus que le commerce.

Le grand critique Jacques Lourcelles, auteur du merveilleux dictionnaire des films chez Robert Laffont, a bien vu la transition dans les années 60, lorsque les festivals ont pris le pouvoir culturel et précipité la disparition du grand cinéma traditionnel, qui conciliait le commerce et la qualité. Lourcelles dénonce des auteurs tels que Resnais, Godard, Leone ou bien Bergman et Antonioni. Depuis le cinéma a décliné et a perdu même pour notre auteur son innocence et sa candeur. Chaque année les jurys du festival de Cannes consacrent un film nul, politiquement correct jusqu’à la caricature, et oublié quelques mois plus tard, alors que toutes les vidéothèques familiales sont pleines de Walt Disney ou de westerns de John Wayne.

Qui se souvient en effet des palmes d’or des années 80 ou 90 ? Ou de Bill August, deux fois primé à Cannes ? Des trente dernières années, j’ai moi-même peu de souvenirs (la Mission, le Tarantino du début…). L’hypocrisie culturelle va de pair avec une trop grande quantité de films, des compliments trop faciles et un crépuscule de la sensation historique : car où sont les chefs-d’œuvre d’antan ?

Le plus grave est que le festival de Cannes de Jacob and co (lui dont le fils a été scénariste de Francis Perrin…) a déteint sur l’industrie américaine. Lorsqu’une andouille comme Sean Penn déclare à un journaliste du Monde en adoration que Cannes doit montrer l’exemple et lutter contre les oscars, il se moque du monde ou n’est au courant de rien. Car les oscars ont primé Sean Penn, ont primé Clint Eastwood (devenue vieille idole post-moderne) et ont primé l’ineffable Michael Moore, palme d’or à Cannes pour son pamphlet imbécile sur le 11 septembre.

De même, cette année, les oscars (avec une audience en chute libre) ont récompensé Paul Thomas Anderson, autre idole cannoise, et son brûlot sur le pétrole et la bible (cherchez la cible politique…). Les frères Coen, habitués du bunker cannois, ont aussi été couronnés pour un autre exercice de style : comme dans Fargo, l’Homme qui n’était pas là et une dizaine d’œuvrettes, les frères Coen délivrent jusqu’à la nausée le même message : les petits wasp, les petits blancs du Texas ou du Nord Dakota sont bêtes, brutaux, violents, et incurables.

On peut donc rassurer Sean Penn : les oscars ne sont pas si éloignés que cela du contenu politique du festival de Cannes. On rappellera qu’entre deux palmes d’or pour l’avortement en Angleterre ou en Roumanie, Cannes aura récompensé cette année un film sur la France plurielle, devenue enfin le vrai reflet de son équipe de football.

Il y a quelques années, le jury avait éloigné de la sélection française l’Anglaise et le roi du pourtant très prestigieux Éric Rohmer, estimant ingénument que ce film était trop à droite. Ni plus ni moins. On constate que la gauche fanatique, qui a pris le pouvoir économique dans le domaine culturel en 1981, ne fait pas dans le détail. Et que pour formater les jeunes générations elle ne s’embarrasse plus de principes.
Le plus drôle – ou le plus irritant – est que cette marxisation du cinéma et de son festival le plus célèbre est allée de pair avec la récupération par L’Oréal, l’explosion du nombre de cerbères et la flambée des prix. Cannes est devenue une cité pour oligarques de gauche. Pour paraphraser Édouard Herriot, on dira qu’elle a le cœur à l’extrême-gauche et le portefeuille à l’extrême-droite. Le cinéma n’a qu’a bien se tenir !…

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Comments (12)

  • Anonyme Répondre
    Notre gouvernement est celui d’une démocratie totalitaire pour lequel tout ce qui ne répond pas à la voie (pas d’erreur, merci) de son maître est honni, conspué, traqué. L’oeil du Mordor le promit, "je veux tout voir et tout savoir" surveillance et filtrage généralisé d’internet en vue. Là est le scandale.
    Cannes n’est qu’un reflet, tout à la fois amont et aval des torrents d’âneries vomies d’écrans multiples dans l’objectif unique d’abrutir et formater les esprits. Endoctrinement, surveillance, repression. Le viet minh a encore de beaux jours. 
    Ainsi nul ne s’offusque d’ingérence et menace turques dans nos projets de réformes constitutionnelles ni, quoi qu’on pense du sujet, de voir pour la troisième fois la voix d’un peuple européen en passe d’être étouffée.
    Mais qu’on se rassure un endoctrinement précoce devrait se faire sans trop douleur : pour info voici un extrait du BO de l’éducation nationale du 10 avril 2008 pour préparer la rentrée 2008.
     
    " Lutter contre toutes les violences et toutes les discriminations, notamment l’homophobie : 

    L’école doit offrir à tous les enfants des chances égales et une intégration réussie dans la société. Sa mission est donc aussi de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, de permettre une prise de conscience des discriminations, de faire disparaître les préjugés, de changer les mentalités et les pratiques. Au sein des établissements, une importance particulière devra être accordée aux actions visant à prévenir les atteintes à l’intégrité physique et à la dignité de la personne : violences racistes et antisémites, violences envers les filles, violences à caractère sexuel, notamment l’homophobie.
    Par tous les moyens, prévention et sanction, la lutte contre la violence dans et autour des établissements demeure une priorité absolue."

     
    Simple allégeance cannoise à l’air du temps.
     
    Les beaux jours de la farique du crétin sont révolus, à nous s’ouvrent les temps glorieux de la multiplication des orques rampants.
    14 juin 2008 à 22 h 33 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Réponse du berger à la bergère.

    Culture n’est pas synonyme de cinéma à ce que je sache. Le cinéma n’en est que sa composante péplum faite pour assouvir les passions et fantasmes des masses (et en passant remplir les poches des producteurs et acteurs…).

    Dieu soit loué il existe des pans entiers de la culture (musique, peinture, sculpture, littérature, sciences etc…) qui exigent un peu plus d’efforts intellectuels pour pouvoir les apprécier.

    14 juin 2008 à 11 h 16 min
  • SACCARD Répondre

    Le Festival de CANNES a commencé de changer quand des particuliers se sont appropriés (au sens propre et juridique ) la label "Festival de Cannes du cinéma" qui aurait dü rester une propriété collective de la Commune ou de l’Etat , pour devenir une  affaire commerciale(derrière le Festival il y a le marchè du film), et non plus une manifestation purement culturelle.

    C’est bien là le paradoxe,quand on se souvient des films primés jusqu’au années 80 ,ils demeurent dans les mémoires,ensuite ….pour le "Grand Public" …rien, l’écran noir. Pour les cannois,obtenir une place pour une soirée,se résume à une minute de vanité ,monter les marches….et deux heures d’ennui.Le Responsable de la selection ne semble pas sensible à  ces critiques….il n’a de compte à rendre à personne…dans un festival "public" il aurait été viré depuis longtemps.

    Curieux ce Festival privé qui se moque du public….mais ne nous faisons pas d’illusions, tous ces prébendiers de gauche ne demanderons pas pour une fois le "retour au service public menacé", la culture populaire et partagée, c’est bon pour Bobigny pas pour Cannes.

     

    14 juin 2008 à 10 h 46 min
  • Anonyme Répondre

    AVE
    Hans Im Schnogge Loch……
    Votre envergure culturelle est toute entière contenue dans votre pseudo!
    VALE

    13 juin 2008 à 18 h 18 min
  • isocrate Répondre

    "Le cinéma est une invention sans avenir"  (Louis Lumière). O! comme il avait raison

    12 juin 2008 à 19 h 43 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Je ne connais pas Jean-Jacques Annaud et ne tiens d’ailleurs pas à voir ses pseudo-oeuvres qui ébouissent tant de cervelles contaminées par le politiquement correct.

    Le festival de Cannes, à la prochaine mission martienne je propose de l’expatrier sur cette planète. Bon débarras!

    12 juin 2008 à 18 h 19 min
  • Rudy Répondre

    Il ne faut quand même pas exgérer et porter des jugements de valeur à l’emporte pièce. Je suis d’accord pour dire que nombre de films d’auteurs, d’art… etc sont vides et qu’avoir accordé la palme d’or à M. Moore pour un documentaire nul a discrédité à jamais Cannes – mais quand même – annoncer qu’ Antonioni, Resnais et Leone ont contribué au déclin du cinéma me sidère. Peut être que celui qui a écrit cela pense comme le président Sarkozy ( que je défends par ailleurs…) que le plus grand moment du cinéma français peut se résumer par le "Gendarme de St Tropez". A ce niveau là, j’ai envie de dire : parlez d’autre chose, laissez ce sujet aux personnes compétentes, ne faites pas l’étalage de votre ignorance. Merci !

    12 juin 2008 à 12 h 11 min
  • Luc SEMBOUR Répondre

     

    Personne, pas même le public n’est dupe. Tout le monde sait, comprend et admet que les récompenses sont presque immanquablement pour de "navrant navets", vite oubliés. Mais cela n’a aucune importance. Du moment que l’incidence financière est positive, tout le monde y trouve son compte.  Le coût de promotion des navets concernés est réduit d’autant. Et il est en général bien plus reposant, et facile, et bon marché, de faire un navet.

    La perte financière éventuelle correspondant à la promotion contre nature (et sans succès) d’un navet total conforme aux idées gauchistes qu’il est ardemment impératif de promouvoir, est considérée comme un don casher "pour la cause", un investissement politique "citoyen du monde", un sacrifice courageux, un beau geste des producteurs sur l’autel du tout puissant "politiquement correct universel".

    L’ensemble de la communauté saura leur renvoyer l’ascenseur une autre fois pour avoir consenti dette perte glorieuse.

    LS

    12 juin 2008 à 1 h 10 min
  • Jean-Pierre Répondre

    cette année nos pequenots du cinéma soviétisé franchouille se sont même tapé un péplum de 4h30 panégyrique du sanguinaire mythique bolchévique che guevara… quel pied!

    12 juin 2008 à 0 h 59 min
  • demaciado Répondre

    Mon pauvre ami… C’est vrai que Blanche-neige, c’est facile à comprendre. Quant à Jean-Jacques Annaud, son dernier film absolument formidable (et populaire…) a déplacé tant de foules de spectateurs éblouis, qu’il célèbre ce succès avec un dépit digne de la “reine” (dans Blanche-Neige) : “Miroir, dis-moi que je suis la plus belle”… Cher Monsieur, vous êtes impayable !

    12 juin 2008 à 0 h 46 min
  • alain Répondre

    très intéressante analyse
    même si je n’y souscrit qu’à 80%, mes 20% de gauche qu’il y a en moi…
    c’est superbe

    11 juin 2008 à 17 h 57 min
  • Anonyme Répondre

    “La France plurielle, devenue enfin le vrai reflet de son équipe de football.” Je vois que l’equipe de France est plutot noire et islamique, mais pas plurielle. Sinon il y a longtemps que je suis hermetique au cinéma tel qu’ils veulent nous l’imposer.

    11 juin 2008 à 16 h 50 min

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