Chesterton, les chiens et la permanence historique du politiquement correct

Chesterton, les chiens et la permanence historique du politiquement correct

Certains, dont moi, font mine de s’étonner de leur temps et de ses misères. En réalité il n’est aucune misère qui n’ait été présente depuis très longtemps dans nos sociétés développées, matérialistes et démocratiques. Il n’est que de relire Chesterton qui défendait en catholique fervent et provocant une orthodoxie presque onirique face au tiers-monde envahissant des idées modernes. Mais Chesterton, qui savait l’histoire, savait que l’on peut dater le végétarianisme – qui devient une obsession – de la philosophie pythagoricienne ; ou bien le puritanisme de la pensée cathare ou de la Renaissance. Il savait, en d’autres termes, que l’hérésie est permanente.

Chesterton voit ainsi poindre à l’orée des années post-victoriennes un révisionnisme militant, à la fois historique et philosophique : « on » dénonce l’âge victorien, le mensonge victorien, l’impérialisme victorien, l’ordre moral victorien ; et on impose sa conception de l’Histoire : le grand auteur du Nommé jeudi (certainement le chef-d’œuvre du fantastique chrétien) voir déjà poindre le bout du nez des historiens à la Braudel qui liquéfient le temps, l’argent, le monde, et nient l’importance des hommes ou des spiritualités. A la même époque, on se met à juger rétrospectivement les temps anciens. Ici Chesterton applique sans le savoir l’observation de son ennemi apparent Nietzsche qui dénonçait dans sa très brillante et seconde considération inactuelle le fait que le monde moderne tentait de projeter sa trivialité dans les temps anciens, travestis en carnaval historique : il n’est que de voir ce qu’on a fait de la littérature et du cinéma en costumes.

L’ordre moral historique est aussi un ordre moral médical et thérapeutique. Dans L’Auberge volante, Chesterton voit poindre un islamique post-historique qui va interdire la viande et surtout l’alcool dans sa chère Angleterre médiévale. La volonté de purifier l’espèce humaine victime d’épidémie, d’épizootie, d’épiphénomènes, de je ne sais quoi encore, annonce là aussi notre bonne société qui se croit si nouvelle, son interdiction de tabagisme, son alcooholimètre et tout le reste. Il est vraisemblable que pour des raisons écologiques on nous interdira prochainement la viande. Le journal Le Monde ne nous conseille-t-il pas d’absorber de la vermine, comme le petit roi-lion de Walt Disney ?

La puissance du puritanisme millionnaire et de la philanthropie. Chesterton voit poindre l’ordre moral ploutocratique et politiquement correct, celui des Rockefeller, des Bilderbergs et de la Trilatérale : les riches nous construisent un monde où l’on aura le droit de penser ceci et pas de faire cela ; même les riches n’auront finalement que le droit d’être riches (voir Berlusconi). C’est l’ordre que l’on voit poindre avec le gouvernement pleurnichard de Monti en Italie qui va bientôt naturaliser tous les Africains nés sur le sol italien. Et là, génie du paradoxe, Chesterton défend la Renaissance païenne et libertaire des papes contre celle des puritains anglo-saxons qui prennent le pouvoir dans le monde un siècle ou deux plus tard bible et fusil en main.

Le déni de nationalité. Déjà sous le joug de l’impérialisme britannique et du Commonwealth Chesterton voit un déni de la nationalité britannique ou même anglaise. Il n’en aime que plus la France, qui reste à un siècle de là le seul pays ayant gardé un parti national-contestataire ! Il disait que Kipling n’aimait pas l’Angleterre parce qu’elle était anglaise mais parce qu’elle était puissante. L’empire britannique est la matrice du monde post-américain dans lequel nous vivons, où les nations sont niées comme les hommes au nom du tiroir-caisse et de la machine à sous. La théorie du genre, très bien défendue sur son site par la banque Goldman Sachs, illustre ce monde de consommateurs indifférenciés. La race à prix unique dont parlait Bardèche est aussi ce sexe à prix unique que promeuvent les ordinateurs, LVMH et les publicitaires.

L’évolutionnisme : je constate qu’il devient obsessionnel, agressif, tyrannique et qu’il est par exemple impossible de voir un reportage animalier à la télé sans se voir asséner les vérités plurielles et monotones du darwinisme hypothétique. C’est l’une des clés pour comprendre la dégénérescence culturelle occidentale. Mon maître Jean Servier disait déjà qu’il est plus facile de se croire le descendant d’un singe qu’un ange déchu. Et Chesterton ajoute d’un ton amusé dans un article dont il a le secret que son chien sait, lui, mieux faire la différence entre un singe et un homme qu’un évolutionniste. Mais jusqu’à quand ? Un beau jour, même nos toutous ne nous reconnaîtront plus pour maîtres.

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