En finir enfin avec la représentativité syndicale

En finir enfin avec la représentativité syndicale

Les élections prud’homales ont eu lieu dans l’indifférence générale, mercredi 3 décembre. Indifférence des médias, bien sûr. Mais surtout indifférence des principaux intéressés : les électeurs. Le taux d’abstention a atteint un nouveau record : après 36,8 % en 1979, 41,3 % en 1982, 54,1% en 1987, 59,6% en 1992, 65,6% en 1997, 67,3% en 2002, nous voici désormais à 74,3 %. Malgré la possibilité, nouvellement installée, de voter par correspondance et par internet, à peine plus d’un salarié sur quatre a participé à ce simulacre de démocratie sociale !

Car c’est bien de simulacre de démocratie qu’il est question, puisque nous continuons à subir le système dit par antiphrase de la « représentativité syndicale », mais je vais y revenir dans un instant.

En attendant, essayons de donner les informations que nous n’avons pas trouvées dans la « grande presse ». Tout d’abord, à quoi servent les élections prud’homales ? À élire les 15 000 conseillers prud’homaux représentants des employés et des employeurs au tribunal des prud’hommes, chargé d’arbitrer les litiges sociaux. En particulier, en matière salariale ou en matière de rupture de contrat de travail. Chaque tribunal comporte un nombre égal de représentants des employés et de représentants des employeurs. Les prud’hommes cherchent d’abord à concilier les intérêts en présence (un représentant salarié et un représentant employeur constituent le bureau de conciliation). À défaut de conciliation, l’affaire est transmise au bureau de jugement (quatre membres). Et, à défaut d’accord à ce niveau, on passe à ce qu’on appelle le « départage », avec intervention d’un juge professionnel. Depuis 1982, les conseillers sont élus pour cinq ans. Mais, l’élection de 2007 a été reportée à 2008 pour cause d’année électorale déjà bien chargée.

Venons-en à présent aux résultats. La CGT stalinienne reste largement en tête (elle progresse même par rapport aux dernières consultations), avec 33,8 % des suffrages exprimés. Derrière vient la CFDT, principale perdante, avec 22,1 %. Puis FO (15,9 %), la CFTC (8,9 %), la CGC (8,9 %). Et, encore derrière, les syndicats « non-représentatifs » : notamment l’UNSA (6,2 %) et Solidaires (3,8 %).

Du côté des employeurs, la participation est un peu meilleure : 31,2 %. L’UDE (regroupant le Medef, la CGPME, la FNSEA, l’UPA et l’UNAPL) emporte 72,16 % des suffrages. Loin derrière vient l’AEES (employeurs de l’économie sociale) qui réalise un très honorable 6,52 % des voix.
Mais ce qui reste le plus important dans cette consultation est évidemment ce par quoi nous avons commencé : l’abstention. Les électeurs ont massivement voté avec leurs pieds contre cette parodie de démocratie que constituent les élections prud’homales.

Parodie pour au moins deux raisons. La première est partagée avec les élections politiques. Les listes qui remportent le plus de suffrages bénéficient d’une sorte de prime au vainqueur qui transforme leur petit avantage électoral en massif avantage en sièges. Ainsi la CGT, avec 33,9 % des suffrages obtient 39,3 % des sièges, quand la CFTC (8,7 % des suffrages) n’en obtient que 5,3 %. Un rapide calcul montre qu’une voix donnée à la CGT comptait pratiquement deux fois plus qu’une voix donnée à la CFTC. Pour le collège employeur, c’est encore plus fort : une voix donnée à la liste vainqueur « valait » plus de 3,5 fois une voix donnée à la liste AEES ! Autant dire que les voix dissidentes ont fort peu de chances de se faire entendre dans ce contexte…

Mais le plus grave reste évidemment le scandale de la « représentativité syndicale », que nous avons souvent dénoncé dans ces colonnes. Depuis 1945, cinq « centrales syndicales », supposées s’être bien comportées sous l’Occupation, se partagent le monopole de la représentation syndicale. Ce qui leur donne un énorme avantage sur les autres organisations : elles peuvent, en particulier, siéger au sein des organismes paritaires (caisses de retraite ou autres), ce qui leur procure des mandats juteux et leur permet de confisquer le débat sur toute réforme de la Sécurité sociale ou des retraites.

Un léger progrès a été offert par la loi de 2008 : il est désormais possible de reconnaître que d’autres organisations sont représentatives dans une société, si elles réalisent un score supérieur à 10 % aux élections de comités d’entreprise.
Il serait cependant urgent d’en finir avec l’idée même de syndicat représentatif et de laisser les employeurs et les salariés se faire représenter par qui bon leur semble. Alors reverrons-nous peut-être des taux de participation satisfaisants…

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Comments (9)

  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    <<…plus de monopole de la sécurité sociale en France…>>

    Bien dit Heff, sur le site de Claude Reichman on peut lire les détails sur la réglementation européenne concernant ce monopole. Sa fin approche, la crise actuelle sera le révélateur de la faillite du système….

    14 décembre 2008 à 16 h 53 min
  • HEFF Répondre

    C’est l’occasion de rappeler qu’il n’y a plus de monopole de la sécurité sociale en France depuis 1992, selon les directives européennes 92/49/CEE et 92/96/CEE, tout ceci est parfaitement légal, mais le système politico-médiatique français refuse de briser la loi du silence. De haut en bas le mensonge est roi.

    Pourtant Guillaume Sarkozy, frère aîné du président de la République, délégué général de Malakoff Médéric, le plus important des 23 groupes agissant dans le cadre de l’AGIRC et de l’ARRCO, annonçait déjà en octobre 2007 que la sécurité sociale est ouverte à la concurrence.

    Encore un petit effort, et les Français vont finir par savoir qu’ils peuvent s’assurer librement, en toute légalité …….

    14 décembre 2008 à 4 h 08 min
  • UN chouka Répondre

    Il m’a meme semblé lire que le ("PS") voulait  obliger les travailleurs a adhérer a un sydicat :-D

    C’est dire que ce" parti" qui devrait etre occupé a défendre les intérets financiers de travailleurs, avait  tout compris a la machine ultra friquée d’en haut ,ensouahaitant  créer une nouvelle taxe générale sur le travail :-D

    Malin, non ?

    13 décembre 2008 à 19 h 15 min
  • Magny Répondre

    Quand le mois dernier j’ai dit à un de mes collègues que l’on pouvait voter par correspondance j’ai eu l’impression qu’il découvrait la Lune , d’ailleurs il s’en foutait royalement ( avant et après mon intervention , qui ne l’a soustrait à son univers mental qu’à peine 10 secondes ) .

    Tout le monde s’en tamponne , la musique joue , chacun pense qu’il y aura un gilet de sauvetage rien que pour lui au moment où le bateau coulera … mais le problème c’est que dans une eau à 1 degrès on ne survit pas longtemps .

    L’un des plus graves fléaux de l’humanité c’est l’anarchie mais dans cette société j’ai l’impression de côtoyer des morts-vivants qui n’ont plus que des occupations à mettre à la place de véritables aspirations . Une nécrociété ?

    12 décembre 2008 à 15 h 27 min
  • Pat Répondre

     

    j’esprere qu’aucun de vous n’aura un jour besoin de prud’hommes!!

    les élus qui y siègent sont compétents et régulierement formés parce que faisant parti d’organisations syndicale importante et aillant les moyens de leur donner et de maintenir cette compétence.

    L’indifférence générale s’arrete à la demande devant le conseil de prud’hommes.

    Les médias ont fait plus de place à l’election de la 1ère secrétaire du PS qui ne concernait que quelques centaines de milliers d’adhérents PS alors que les prud’hommes concernent des millions de salariés!!

    l’indiférence…

    12 décembre 2008 à 7 h 32 min
  • sas Répondre

    la representation syndicale en france , vaut la représentation legislative et parlementaire……2 partis……fausses elections…..faux débats……fausse opposition etc,etc,etc

    c’est ca le modèle français

    sas

    11 décembre 2008 à 14 h 36 min
  • vitruve Répondre

    AVE

    Mrs les syndicalistes, assez de blablas autosatisfaits, jamais la participation n’a été aussi faible et le "gros" syndicat CGT ne rassemble que 7% des travailleurs si on calcule bien. Les salariés attendent tous des syndicats à l’allemande , trés puissants, avec un maximum d’adhérents et surtout débarrassés de la scorie marxiste, mais il ne faut pas rêver! Le patronat hexagonal n’en veut surtout pas! Aussi nul que son adversaire syndicaliste, il n’aurait plus rien à dire!

    VALE

    11 décembre 2008 à 11 h 43 min
  • Anonyme Répondre

    Syndicaliste à l’Unsa (fédération des Cheminots), je partage l’analyse de l’article et témoigne des difficultés que nous avons à être "reconnus". Grâce aux combats des militants, nous avons encore progressé aux Prud’homales. Cela met du baume sur la blessure, même si ce n’est pas mirobolant ! Dans une entreprise comme la SNCF, les Cheminots votent à au moins 70 % aux élections prof. Une chance ! Nous sommes la 1ère OS en collège Cadres. 3ème tous collèges confondus. Cependant, il faut regarder de plus près comment nous sommes traités. Pas de la même manière que les OS confédérées.

    Mes mandats (CE et DP) s’exercent en directions centrales où la partition des collèges est inversée par rapport à l’Exploitation (Régions SNCF) donc 2/3 de Cadres, 11 % d’execution. La CGT cartonne pourtant en DP avec un nb de sièges importants acquis grâce aux collèges Maîtrise et Exécution. L’UNSA y tient sa place, sans trop subir de pression, sinon dans les réunions table ronde locale, avec l’aide de la CFDT, ils s’arrangent… En CE, leur nombre de sièges est à une unité près supérieur à celui de la CFDT. Là, cela va mal, même entre-eux ! Le secrétaire est un autoritaire qui ne connait pas le mot "démocratie". Pour les AS, nous avions la présidence, ce fut "niet" aux demandes des commissions par exemple. Nous avons fini par démissionner ! La CFDT avait rendu le tablier, avant nous pr la trésorerie.

    En but aux pressions (personnelles parfois), aux attitudes de la direction qui joue sur cet état de fait, nous devons avoir encore plus de conviction, d’exemplarité dans notre syndicalisme indépendant et moderne, pour prendre le dessus sur ces OS historiques qui fonctionnent à l’image, aux croches pattes envers les nouveaux entrants ! Ils n’acceptent pas la concurrence et une répartition de leur puissance aux profits des électeurs qui sont notre raison d’exister. Voilà, pourquoi il y a tant de non votants.

    10 décembre 2008 à 17 h 11 min
  • Yves Répondre

    Syndicaliste à la CFTC, je ne peux qu’être d’accord avec la conclusion de cet article. Par contre, je tiens à rappeler que la loi du 10 août 2008 sur la représentativité syndicale est mise en place par la CGT, la CFDT et le MEDEF qui veulent bouter hors du paysage du monde du travail les plus petits syndicats.

    Je m’explique donc d’avantage ce manque de participation par une résignation des travailleurs qui risquent désormais de ne pouvoir s’adresser qu’à deux syndicats, un des deux étant en opposition systématique, l’autre signant tout et n’importe quoi.

    Je suis malade en voyant le score de la CGT, ce syndicat du non permanent, véhiculant des idées qui ne correspondent plus du tout au monde actuel. Les gens votent pour eux en ayant l’impression d’être défendu par un syndicat puissant, mais en fait tout ce que j’entends, c’est non, non et encore non. Aucune force de proposition. Le pire étant qu’ils sont bien contents que d’autres signent des accords finalement pas si mauvais…

    10 décembre 2008 à 10 h 45 min

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