J’ai fait un rêve (la France tend son arc)

J’ai fait un rêve (la France tend son arc)

On peut rêver de nuages, on peut aussi rêver d’une jeune fille ; pas forcément de sa femme, d’une jeune fille. Un peu guerrière, un peu mystérieuse. Une qui dirait non à leur bonheur de porc. D’une Antigone donc.

On peut dire que personne ne l’attendait elle, ni Jeanne d’Arc d’ailleurs. Personne ne demandait à Jeanne d’Arc de libérer la patrie et le vieux sol français. On avait bien pris ses raclées à répétition, en bon Français qui se respectent, à Crécy, Poitiers, Azincourt ou le reste, et on n’en avait rien retenu. On nous avait dit que l’on payait moins d’impôts avec les Anglois, alors on était content, et c’était tout. Payer moins d’impôts, c’est le vieux rêve français, non ? « Ils ne se préoccupaient pas d’idées, pourvu qu’on les accablât moins d’impôts », dit Flaubert en parlant de nos chers paysans. Le vieux rêve de la Droite enfin réalisé, le modèle anglo-saxon, le modèle libéral, le modèle libératoire…

Cela faisait cent ans qu’ils nous occupaient, et comme de toute manière les puissances mimétiques à venir, au nom desquelles nous sommes devenus l’Hexagonie, puis le Sarkostan, étaient l’Angleterre puis l’Amérique (en attendant la Chine de Jean Yanne), on n’allait pas trop résister, non ?

C’est là que vient une fillette qui entend des voix, qui veut prendre contact, qui veut prendre les armes, qui accepte d’avoir les mains souillées de sang, une fillette qui ne s’en laissera pas conter, sinon par Dieu. C’est là que vient une princesse thébaine qui accepte de se souiller les mains de terre pour enterrer son frère, et qui accepte d’être enterrée vive, pardon emmurée. L’une est livrée au feu, l’autre à la terre. Les deux glissent sur nos mémoires comme de l’eau, les deux s’élèvent dans les airs comme des anges, comme des elfes lisses.

Antigone et Jeanne d’Arc, tout le monde connaît, même ceux qui sont allés à l’école, c’est dire ; même ceux que l’on instruit (ranger en ordre de bataille, en latin) pour l’abattoir des idées et les cinq ans d’études rétribués 1 200 euros. Alors, il faut bien que la cause soit importante ; si les Grecs et les Chrétiens ont édifié la Femme, tandis que la Bible l’évifiait pour la culpabiliser et lui donner sa nécessaire dose de ressentiment, si les Grecs et les Chrétiens ont attendu de la Déesse ou de la nymphe, de la demoiselle ou de la sainte, un Eveil, une Manifestation, c’est bien parce qu’ils pressentaient, du temps de leurs misères ou de leur splendeur, qu’ils faudrait qu’elles reviennent là, ces filles, pour nous agiter, pour nous tirer de notre grand sommeil.

Le système a bien compris une chose : contrôler les jeunes filles; les priver de princes charmants, les priver d’enfants, d’idéaux, de guerres et de mission. Il veut les relier au réseau, les habiller chez Prada, les enfumer, les crétiniser, les influencer, les téléguider, les « blondifier ». Il est comme cela le système, on ne le refera pas. La presse féminine a été le plus grand oppresseur, que le mot est donc bien trouvé, de l’histoire des idées. Et pleurniche pour les afghanes, et achète-toi du Gucci, et tonne contre le Pape, et commande un sac Vuitton, et collectionne les godasses, et vire ton mec à bon escient…

Mais tout de même ; il y a de fortes têtes, il y a des résistantes. Il ne faudra pas trop compter sur les garçons à l’avenir, peut-être sur les jeunes filles, un peu moins distraites par les jeux vidéo, un peu plus responsables naturellement, en tant que femmes justement, un peu plus responsables aussi, puisque mères, souvent célibataires au demeurant…

Ma seule nostalgie des années 80 vient de ces voix féminines, celtes en général, Kate Bush, Enya, Loreena McKennitt, qui nous projetaient un peu dans un ailleurs absolu, un monde moins sot, moins livrés à la dame de fer et aux eaux glaciales du calcul égoïste… Il en faudrait des voix, il en faudrait des bras aussi, de monitrices endurcies et protectrices, qui pourraient ramener au bercail les enfants vieux du capital.

Ce sera cela ou la solution Eliot : l’extermination cool et consentie d’une humanité à la barbe fleurie devenue même trop vieille pour se défendre contre l’acharnement du capital et du juridique.

Je rêve ainsi d’un combat cosmique et sidéral, d’un bel Endkampf victorieux : Jeanne d’Arc contre leur Lara Croft, Antigone contre Britney Spears.

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Comments (3)

  • IOSA Répondre

    Certes qu’elle dira non au porc tout court….

    Comprenne qui pourra.

    IOSA

    27 janvier 2010 à 19 h 49 min
  • MOHAMED Répondre

    Jeanne d’Arc, Antigone, (Lara Croft non ? Elle serait pas mal dans le rôle)…

    Et Roselyne BACHELOT ? Bingo ! Non ? "Roselyne en burqa" peut être ?

    Ah non, raté, il faut : « une qui dirait non à leur bonheur de porc »…

    Allez on y croit, on s’accroche, on va en chercher une autre… Mais en 2010 en France, pas facile, facile… Ou alors une muslima ? Oui, c’est l’idée…  Elle au moins dira non, sinon au "bonheur de porc", du moins au porc tout court…

    Abdel MOHAMED

    25 janvier 2010 à 19 h 11 min
  • Anonyme Répondre

    Nicolas Bonnal n’a pas osé dire que la France bandait sont arc. Merci pour les jeunes filles dont il est beaucoup question dans son article.
    Il a préféré employer le verbe tendre, ce qui est moins osé mais aussi, hélas, sémantiquement moins juste. Sauf s’il faut comprendre "tendre" dans le sens de donner, comme l’arc ou l’épée que le vaincu tend au vainqueur en signe de soumission ou pour le moins d’abandon ; ce qui serait étonnant.

    25 janvier 2010 à 0 h 09 min

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