La botte secrète de Sarkozy

La botte secrète de Sarkozy

Personne n’a encore compris, semble-t-il, la botte secrète par laquelle Nicolas Sarkozy triomphe de tous ses adversaires. Elle est pourtant d’une simplicité extrême, comme toutes les bonnes recettes.

L’échec de ses deux prédécesseurs tient à leur incapacité à résoudre correctement la classique contradiction entre le discours de campagne bâti pour séduire et l’action au pouvoir qui s’inscrit en faux avec les promesses électorales. Chirac et Mitterrand sont apparus comme des renégats et sont devenus impopulaires parce que, ne voulant ou ne pouvant appliquer leur programme, ils y ont un jour renoncé explicitement. Certes, ils ne l’ont pas avoué crûment, mais ils ont changé de discours en même temps que de politique.

Sarkozy n’est pas tombé dans ce piège. Plus jamais ça ! nous a-t-il dit pendant sa campagne : « Je dis ce que je ferai et je ferai ce que je dis. » De fait, on l’aura constaté, il ne change pas de discours.

Mais c’est pour une raison simple : chez lui, les mots et les actes mènent leur vie propre, séparément, sans jamais influer les uns sur les autres. Il y a les mots de Guaino, sa plume souverainiste et antilibérale, et puis les actes qui sont grosso modo giscardo-balladuriens. Appelons cela la technique du pile et face. Le calcul est simple : il y a ceux à qui les mots suffisent ; et ceux qui veulent des actes. Aux uns, côté face, il prodigue des discours ; aux autres, côté pile, plus discrètement, il offre les faits. Simultanément.

Là est sa botte secrète : dans la simultanéité de la contradiction entre les paroles et les actes. Ainsi, ce qui était clairement un reniement chez ses prédécesseurs apparaît chez lui comme une synthèse, un dépassement des clivages. Chacun est satisfait – du moins pour un temps, car il n’y a pas synthèse mais supercherie : discours populiste pour le bon peuple, politique de pensée unique pour les élites ; discours de droite quand la mesure est de gauche, discours de gauche quand la mesure est de droite. L’un équilibre l’autre. Le discours camoufle l’action ; il est, au sens militaire du terme, un leurre.

Sarkozy a expérimenté la formule au ministère de l’Intérieur en accouplant abolition de la pseudo « double peine » pour satisfaire la gauche bien-pensante et discours musclé contre la « racaille » à usage de Monsieur Toutlemonde. On l’a vue à l’œuvre au moment de ses déboires conjugaux avec son clérical discours au Pape pour les cathos ; et, en regard, sa vie privée plus que dissolue, pour les bobos. Au même instant. L’un et l’autre s’équilibrant en se contredisant parfaitement. Dans chaque secteur de son action, il en est de même.

Ne développons qu’un exemple, celui de la politique européenne. Pendant sa campagne, Sarkozy morigène la Banque centrale européenne, accuse l’euro, annonce qu’il faut entendre le message des nonistes – voilà pour les mots – et il annonce un mini-traité qu’il ne sera point besoin de ratifier par référendum – voilà pour le concret. Les souverainistes entendent « traité » au lieu de constitution, « mini » comme synonyme de « au rabais ». Ils sont satisfaits. Les européistes comprennent qu’il s’agit de resservir la Constitution giscardienne sous une autre forme. Satisfaits eux aussi, ils laissent dire. On voit là que la technique du pile et face fonctionne même en campagne.

Une fois Sarkozy élu, le traité se fait, sans référendum, comme annoncé, et il reprend toute la Constitution européenne rejetée, sauf les mots qui fâchent – toujours les mots puisque les naïfs y accordent de l’importance. Dans le même temps, Guaino rédige toujours les discours présidentiels, qu’il alimente en remontrances contre Bruxelles et Maastricht ; et Sarkozy les prononce avec la même conviction. Le bon peuple, sous le charme, laisse faire : « Avez-vous vu comme il les remet en place ! » Et les européistes laissent dire car ils sont dans la confidence : les algarades qu’ils subissent sont le prix à payer, finalement très faible, pour l’application de leur politique.

Parfois, il est vrai, les actes de Sarkozy ne contredisent pas ses paroles, mais ils sont largement en retrait, ou il ne se passe rien. La technique est la même. Moins il en fait concrètement, plus il crie fort sa volonté d’agir, comme pour le « paquet fiscal », ou à propos du refus d’aider ceux des constructeurs qui délocalisent « en Tchéquie » alors qu’il sait bien que les règles de l’UE l’empêchent de faire quoi que ce soit dans ce sens…
Je vous conseille d’appliquer cette grille de lecture, à partir de maintenant, à chaque déclaration présidentielle. Elle vous ouvrira bien des horizons.

Voir aussi : http://choisel.info/

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Comments (14)

  • jules Répondre

    Enfin un vrai Président qui agit avec détermination et constance, bien qu’il ait eu la malchance de se voir donner le pouvoir par le peuple français juste avant la crise. Je ne me sens pas l’âme d’un psychiatre et j’observe que le génie de nos concitoyens semble de nos jours se restreindre à la diatribe. Nous sommes bien le seul peuple du monde par exemple à huer son équipe dans les stades, de l’entraineur au dernier des footballeur malchanceux.

    Soutenons l’équipe France au lieu de faire l’intelligent en se moquant.

     

     

    14 avril 2009 à 22 h 06 min
  • IOSA Répondre

    Hans@…..

    Ce qui me fait penser à la plus grosse pagaille dont M.Sarkosy en est le père fondateur en tirant ses propres leçons du passé……Les mêmes bourdes, les mêmes erreurs mais en bien plus grosses.

    IOSA

    12 avril 2009 à 13 h 42 min
  • Guillermo Répondre

    C’est pas mal vu du tout.  C’est synthétique et ça s’attache à montrer les ficelles de l’artiste en scène.  Donc ça peut éclairer tout un ensemble de choses et non un discours isolé.

    De cet article je retiens deux traits principaux de Sarko.

    D’abord il a l’art de présenter la camelotte de multiples façons.  SAS a une perception semblable à son propos lorsqu’il parle de "boutiquier oriental". 

    Le second trait marquant de Sarko c’est qui aboie très fort quand il veut faire oublier qu’il en fait très peu.  En ce sens il illustre de façon inverse les paroles qu’avait prononcé Gémayel interrogé sur le terrorisme.   "Face au terrorisme il faut parler à voix très basse, et se promener avec un très gros baton".  En somme ce qu’il décrivait c’est exactement le contraire de la méthode Sarko.   

    Bref on en revient toujours au fait que notre président est un maître baratineur alors qu’il nous faudrait surtout un batisseur et que les deux sont plutot incompatibles.

     

     

    12 avril 2009 à 12 h 03 min
  • Magny Répondre

    Bien vu l’article , et sans me vanter (quand même si un peu ) je suis content de l’avoir percé à jour du temps qu’il était ministre de l’intérieur . Même si le fait d’avoir eu raison ne me procure pas une joie infinie ( c’est plutôt désolant pour mon pays ) .

    Iosa : ce n’est pas Nez Rond , il ne s’agit rien moins que de la réincarnation de Bonaparte que nous avons à  l’Elysée .

    Successeur du débonnaire Chirac-Louis XVI , usurpateur du gaullisme , couronnement au Fouquet’s , divorcé de Cécilia-Joséphine , marié à Carla-Marie-Louise , Austerlitz en écartant Villepin , Tilsit en 2007 en pérorant devant Poutine-Alexandre : tout y est .

    Et même l’équivalent de la guerre d’Espagne avec le plan de relance qui va anémier nos forces économiques .

    Vivement la campagne de Russie ( 2012 ) , et Waterloo ( 2015 ) …

    11 avril 2009 à 19 h 59 min
  • HansImSchnoggeloch Répondre

    Iosa <<Turkish ship?>>

    non plutôt en "NSS -Tax Inferno Cruiser"

    Wilkommen an Bord.
    Welcome on board.
    Welkom aan boord.
    Välkomnende ombord.
    Bienvenue à bord.

    NSS=Nicolas Sarkosy’s ship

    Iosa <<Le passé est bien mort >>

    Le passé n’est jamais tout à fait mort, il sert de fondation au présent et permet de s’élancer vers l’avenir. Celles et ceux qui l’oublient ou qui ne le respectent pas n’ont justement aucun avenir, d’après le célèbre motto des hippies:  "syringe your sorrow, there is no tomorrow"

    11 avril 2009 à 10 h 51 min
  • IOSA Répondre

    Hans@…..

    Le passé est bien mort et le contempler d’un oeil morne, alors que le présent agit directement sur notre futur et ne rien dire, ne rien faire pour que ce futur soit un tant soit peu,  plus (+) en harmonie avec les désirs de la grande majorité des Français ( et non de la majorité des élus), ne sert à rien d’autre qu’à dresser un auto-portrait……….le ressassement d’un égo blessé.

    Mais, il y a du vrai dans vos propos…M.N Sarkosy ne fait qu’enfoncer davantage le clou que ceux de la gauche avaient planté dans la langue de bois de la fonction présidentielle et donc dans le derrière des 53% des désespérés en 2007.

    Et comme c’est Nico alias le Grand Timonier qui tient le gouvernail de paquebot France, il y a lieu de croire que bientôt le navire va changer de nom…..et peut être en plus exotique ? Turkish ship?

    10 avril 2009 à 16 h 43 min
  • HansImSchnoggeloch Répondre

    Iosa <<Voilà la politique actuelle de la Droite au pouvoir, sauf que pour les pays voisins on passe pour des cons, parce que notre Chef est ………?>>

    Ne vous en faites pas pour cela, déjà au temps de la gauche au pouvoir, les pays voisins pensaient la même chose. Dans le camps de gauche, la cruchitude du Poitou-Charente contribue elle aussi à cette excellente réputation. Cet ectoplasme tout de blanc vêtu n’a t’il pas fait le tour du monde en 80 bourdes?
    Comme on dit si joliment dans un des pays voisins "la France n’a pas toutes ses tasses dans l’armoire".

    10 avril 2009 à 10 h 47 min
  • IOSA Répondre

    Mais ?….. on déblatère allègrement sur notre Président qui pourtant se démène en tous sens pour que passe en douce son augmentation (deuxième augmentation en deux ans, c’est un peu beaucoup pour un mec qui ne dépense rien du tout, même pas le PQ) et qui dans le même temps refuse l’augmentation du smic, tout en distribuant l’argent public aux plus-que-riches.

    Et puis ses vacances coûtent pas chère aux contribuables, puisque ses cops fournissent yatch et autres babioles clinquantes et chatoyantes qui lui ont valu le surnom de "Blingbling".

    Que dire sur cet article qui rassemble la personnalité éclatée de monsieur Sarkosy en quelques phrases bien étalées sur la tartine des ex-53% des Français qui ont commis l’erreur irréparable d’avoir intronisé un  boni-menteur bipolaire?……

    Sa politique ? ….. C’est " Je fais ce que je veux" & " Ca passe ou ca casse" que d’autres de son aéropage suivent en le prétendant être un "homme avec des couilles" parce qu’il avait osé insulté comme un grand, un vieux ammaigrit esseulé ( sur la vidéo, on voit pas vraiment l’armée de  Gozilla qui accompagne le Boss à la foire des bestiaux, mais le vieux était bien tout seul) .

    C’est comme dans les dessins animés, le Big Boss est toujours tout petit avec des simplets tous costauds….mais revenons plus tôt vers "l’homme qui a des couilles" et la cause de cette phrase de ses partisans bardés de mandats politiques, mais parce que tout simplement en glorifiant le chef de "ceux qui ont des couilles" on se glorifie aussi….

    Hé oui ! Quand on s’apercoit que son chef est le plus nul des nuls (donc le chef des nuls) et pour ne pas paraître plus nul que son chef, il n’y a pas d’autre choix que de le suivre à fond en détournant la vérité première et avec une image de chef du clan de "ceux qui ont de couilles" toute erreur future ne pourra faire ébranler la caste…parce que eux ils auront osés le faire.

    Voilà la politique actuelle de la Droite au pouvoir, sauf que pour les pays voisins on passe pour des cons, parce que notre Chef est ………?

    D’ailleurs, il me fait penser à cet empereur romain…Nez Rond.

    IOSA

    10 avril 2009 à 0 h 52 min
  • HansImSchnoggeloch Répondre

    Je pense que Sarko adopte là une stratégie bien difficile et peu claire. Ménager le choux et la chèvre n’a jamais été qu’un pis aller.
    Mieux vaut ne pas faire de promesses du tout s’il faut ensuite manoeuvrer comme il le fait en ce moment. Les résultats de ces manoeuvres babord / tribord sont d’ailleurs décevants!
    Au lieu de n’avoir que la gauche sur le dos, il s’aliène en plus ses Alliés de Droite.

    9 avril 2009 à 22 h 34 min
  • Ben Répondre

    Bref Sarkozy ne sait que mentir. Un seul talent suffit à faire carrière.

    9 avril 2009 à 18 h 05 min
  • Daniel Répondre

    Excellent article qui nous rapelle que N. Sarkosy fait ce que son métier lui a appris à faire. C’est à la droite ce que Miterrand a été pour la gauche.  

    Espérons d’autres articles de cet auteur.

    8 avril 2009 à 22 h 16 min
  • HEFF Répondre

    Immigration-invasion, laxisme républicain, culture de l’excuse, c’est la haine du blanc et de la France :

    http://fr.novopress.info/?p=16281

    http://www.bivouac-id.com/2009/04/07/une-agression-filmee-qui-resume-toute-la-gravite-de-la-situation-francaise/

     

    8 avril 2009 à 20 h 21 min
  • Florin Répondre

    C’est de la politique, et Sarko est un fin politique : il donne un os à ronger à chaque clébard qu’il croise.

    Cela ne lui évite pas les aboiements, mais au moins les morsures …

    8 avril 2009 à 3 h 19 min
  • Luc SEMBOUR Répondre

    Excellent article. Il n’était pas si simple d’analyser puis de formuler clairement la description de la technique de prétoire de l’avocat Sarkozy.

    LS 

    8 avril 2009 à 1 h 31 min

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