La faillite de la Grèce et ses responsables

La faillite de la Grèce et ses responsables

La plupart des éditorialistes admettent la situation désespérée de la Grèce, mais – et c’est un euphémisme ! – leur analyse des responsabilités et des conséquences ne me paraît pas complète.

La responsabilité « des Grecs » est incontestable. Les gouvernements successifs et leur administration falsifient les comptes depuis longtemps, et notamment depuis qu’ils les soumettent à l’approbation de Bru­xelles, c’est-à-dire depuis 1985 environ. De même, les grandes fortunes grecques échappent systématiquement à l’impôt en fraudant le fisc, au vu et au su de tout le monde, et avec la bénédiction des gouvernements de droite et de gauche.

Mais en quoi la population, sur qui vont peser les drastiques réductions de salaire, de retraite, de protection sociale et de pouvoir d’achat, en est-elle responsable ?

Qui recherche la responsabilité de la Commission et de ses membres qui, en toute connaissance de cause, pour des raisons politiques (faire plaisir au gouvernement qui avait renversé les colonels) et idéologiques (augmenter à tout prix – c’est le cas de le dire ! – le nombre des acteurs de la « construction européenne », plus tard ceux de la zone euro), ont accepté la Grèce dans ces deux organisations, la sachant structurellement et politiquement incapable d’en supporter les règles et la discipline ?

M. Delors lui-même, bien informé à l’époque de ces malversations et falsifications, a cependant consenti à jeter ce pays dans le piège européen ad majorem gloriam suam.

L’expérience a établi que la discipline financière et économique de la zone euro n’est supportable sans dommage que par l’Allemagne qui, grâce à sa structure économique spécifique, siphonne les excédents des autres.

Même l’économie française, qui perd 1 à 2 % de productivité et de croissance par an depuis 12 ans, ne s’en tirera plus longtemps : elle est sur la même trajectoire que la Grèce, avec un peu de retard.

La Grèce n’est ainsi que la dramatique conséquence d’une erreur : l’instauration d’une monnaie unique dans une zone monétaire non homogène.

Depuis que Robert Mullen a présenté cette théorie sérieusement argumentée en 1961, les doutes de succès étaient très forts. De nombreux économistes, hommes politiques et hommes d’affaires, et non des moindres, dont la voix a été systématiquement étouffée, ont publié en vain des mises en garde sévères dès le début de 1992.

Tout s’est passé comme ils l’avaient prédit, au contraire des annonces mirifiques : baisse de la croissance (passée de 3,5 à 2 %), augmentation du chômage (de 1,6 à 2,8 millions, en fait plus de 5 millions d’inactifs), stagnation du pouvoir d’achat, effondrement de la balance du commerce extérieur (d’environ 10 à 70 milliards d’euros), ex­plosion du déficit budgétaire (y compris en Allemagne) et de la dette intérieure et extérieure, augmentation continuelle de la pression fiscale.

Pour la paix, on en est maintenant aux émeutes (Athènes, Rome, Madrid) et à la résurgence de l’hostilité populaire à l’égard de l’Allemagne « prédatrice ». C’est tout de même un comble pour un système prétendument conçu pour instaurer définitivement la « Pax europeana » !

On attend en vain que des « responsables » politiques (toujours candidats aux avantages du pouvoir, mais de moins en moins responsables) préconisent enfin une sortie par le haut de ce système inepte et économiquement criminel. Des spécialistes, malheureusement sans pouvoir, le font, mais ils sont tout aussi systématiquement ignorés qu’il y a 20 ans. Normal, ce sont de vieux ringards !
Les politiques attendent que le toit tombe sur la tête des petites gens, sans lever la main pour l’empêcher.
Est-ce bien cela que l’on appelle « gouverner » ?

En fait, ils « administrent », ce qui n’est qu’exécuter les décisions de ceux qui détiennent le pouvoir.
Qui donc le détient ? Certains disent que c’est la Commission, d’autres les Américains (Gold­man Sachs, très lié à l’administration démocrate, qui aide à falsifier les comptes grecs de­puis longtemps et a parachuté les nouveaux patrons du gouvernement grec et de la BCE).
En tout cas, ce ne paraît pas être les Français.
Au fait, qui sommes-nous invités à élire en avril ?

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Comments (6)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    @ 3,14116 etc …

    très intéressant ce que disait l’homme à l’oreille coupée en 1863 !
    mais voyez vous "grâce" au système bancaire les dettes sont des actifs mais …pour les …banques uniquement !

    26 février 2012 à 14 h 18 min
  • Anonyme Répondre

    Relisons  "La Grèce contemporaine" de Edmond About, publié en 1863, disponible ici http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k28630w

    Page 258 on lit:

    La Grèce est le seul exemple connu d’un pays vivant en pleine banqueroute depuis le jour de sa naissance. Si la France ou l’Angleterre se trouvaient seulement une année dans cette situation, on verrait des catastrophes terribles : la Grèce a vécu plus de vingt ans avec la banqueroute.

    Tous les budgets, depuis le premier jusqu’au dernier, sont en déficit.

    Lorsque, dans un pays civilisé, le budget des recettes ne suffit pas à couvir le budget des dépenses, on y pourvoit au moyen d’un emprunt fait à l’intérieur. C’est un moyen que le gouvernement grec n’a jamais tenté, et qu’il aurait tenté sans succès.

    Il a fallu que les puissances protectrices de la Grèce garantissent sa solvabilité pour qu’elle négociât un emprunt à l’extérieur.

    Les ressources fournies par cet emprunt ont été gaspillées par le gouvernement sans aucun fruit pour le pays; et, une fois l’argent dépensé, il a fallu que les garants, par pure bienveillance, en servissent les intérêts: la Grèce ne pouvait point les payer.

    25 février 2012 à 22 h 42 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    Dans le casting de la tragédie grecque on oublie (  intentionnellement  ? ) deux premiers rôles :
    Gehrard Schroeder et Jacques Chirac qui , tous deux , ont pour une fois fait un usage diplomatique de la discrétion budgétaire . En effet ils ne pouvaient pas faire des remontrances à la Grèce puisque eux mêmes ne respectaient pas les contraintes budgétaires du Traité de Maaastricht  !
    Alors accuser uniquement les Grecs et la "Commission" n’est pas à proprement parler tout à fait honnête …

    25 février 2012 à 13 h 21 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    @ homère

    que voulez vous la démagogie* ( de droite comme de gauche ) séduira toujours le populo !
    * " éléments de langage " pour un pensée unique
    * manipulations des media  pour une pensée unique etc … etc …

    au XIX ième siècle  les ouvriers dijonnais manifestaient aux cris de :
                       "nous voulons des maitres"

    et depuis rien n’a changé n’en déplaise à @ Jaurès *

    *j’ai pu le constater ( hélas ) tout au long de ma vie professionnelle … l’homme aime être asservi  car s’il ne vit pas pour et par lui même "on" lui " assure " sa survie …

    24 février 2012 à 10 h 13 min
  • ozone Répondre

    Exemple a méditer

    http://blogs.mediapart.fr/blog/le-pere-vert-pepere/220212/crise-grecque-lexemple-argentin

    Ou la différence entre des gens qui ont une vraie notion de l’intérêt général et les escrocs…

    22 février 2012 à 22 h 01 min
  • HOMERE Répondre

    Le peuple aussi invente ou charge ses boucs émissaires….L’euro,les banques,les politiques….mais jamais eux mêmes qui sont les vrais responsables de la situation dans laquelle ils se sont mis…travail au noir, non déclarations de revenus,endettement massif,achats inconsidérés,fraudes à la TVA, fausses déclarations de patrimoines,embauches délirantes…bref….les Grecs ont été persuadés que l’Europe c’était le coffre fort dans lequel il suffisait de puiser…sans fin et sans fond….

    En France beaucoup y croient aussi !! la caverne d’Ali pour des Babas !!

    22 février 2012 à 11 h 20 min

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