Les meilleurs péplums

Les meilleurs péplums

La semaine sainte permet invariablement de revoir (puissé-je les découvrir pour la première fois avec les yeux émerveillés de l’enfance !) les films consacrés à Jésus, à la Bible, à l’Ancien Testament et sa sauvage vitalité, à l’empire romain enfin. Notre société déchristianisée ne se reconnaît certes plus dans le message du Christ, souvent maltraité à l’écran. On voit maintenant ces feuilletons fabriqués à la chaîne en Italie et ailleurs, et vendus sous le manteau à toutes les télés du monde pour remplir les grilles à la veille de pâques. C’est ainsi que l’on revêt les apôtres comme des bédouins, qu’on les emplit de bons sentiments, de politiquement correct, qu’on filme à l’épaule et qu’on nous abreuve de simagrées cinématographiques à la sauce bolognaise qui n’en finissent pas avec de veilles gloires (Omar Sharif, Franco Nero) qui ne veulent pas plus prendre leurs retraites que nos hommes politiques. On ne fait pas de bon cinéma avec de bons sentiments, dit l’autre, on n’en fait surtout pas sans talent.

J’en finis par regretter l’Evangile marxisant et surtout très rebelle de Pasolini, celui selon saint Luc, qui laissait l’initiative au texte le plus révolutionnaire de l’Histoire, pas aux directions de chaînes privées éprises soudain de bien-pensance le temps d’un indice d’écoute. Mais passons.

Beau genre illustré à l’époque du cinéma fasciste (voyez le très bel Attila de Gallone), le péplum me fascine. Comme il est en costume, il ne peut plus vieillir (alors qu’un film noir…). Comme Sénèque ou Juvénal, il parle de notre société, de ses pains, de ses jeux, de ses plèbes, de ses intrigues pourries, de ses guerres inutiles, de sa cruauté imbécile, de sa démagogie virulente. Il est inusable dans sa dénonciation d’un genre de vie où l’on vit mort au lieu de l’être, comme dit Sénèque. Je me draperai dons dans mon vieil humanisme et ma romanitude pour recommander chaudement quelques films éternels.

  • Quo vadis. C’est le grand opus de Mervyn Le Roy, le grand dénonciateur de l’univers concentrationnaire américain dans « Je suis un évadé ». Ici on est à Rome, avec un Néron en forme comme jamais, qui va inspirer tout un tas de sociopathes dans l’univers du cinéma. Mais si l’on peut trouver qu’Ustinov en fait trop (il parle même un peu le français dans le film, le bougre de russe blanc polyglotte qui savait ses dix langues sur le bout des doigts !), on peut adorer le couple chrétien formé à l’écran par Robert Taylor, doux dur au profil de médaille impériale, et Deborah Kerr, sans doute l’actrice la plus catholique qu’il nous ait été donné de voir (Narcisse noir, La sœur et le soldat, et bien sûr Elle et lui de McCarey). J’aime aussi beaucoup le grand vétéran écossais Linsay Currie, ancien organiste, qui incarne (et non pas joue) saint Pierre. Le film avait été tourné en Italie, et cela se sent. On est plus près de l’origine.

  • La chute de l’empire romain : dans ce film, le christianisme est invisible et donc la plèbe a le rôle principal puisque Commode veut lui plaire. Ici le tyran se confond avec la masse démocratique, et l’empire se confond avec civilisation et donc avec un système mondialisé d’organisation marchande (déjà…), dont on a peur qu’il s’écroule. Le message pessimiste du film est magnifiquement rendu, surtout dans sa première partie qui se déroule en Germanie (l’éternelle et justifiée peur de l’Allemand…). Alec Guinness est sensationnel dans le rôle de Marc-Aurèle crépusculaire. La perfection des cadrages, du graphisme et des rythmes me confirme dans mon impression : Anthony Mann est peut-être le meilleur cinéaste du monde. A noter que tout cela avait été comme toujours produit par Samuel Bronston et produit dans l’Espagne franquiste quand elle était le paradis du cinéma et d’Orson Welles.

  • Spartacus : le film est écrit par Dalton Trumbo, un des dix d’Hollywood, et réalisé par un Kubrick tout jeune qui a remplacé au pied levé… Anthony Mann. La star omniprésente est Kirk Douglas, qui voulait doubler la mise après sa géniale production des vikings. Cela rata, car l’opus est un peu trop pessimiste et trop marqué politiquement (le romancier HowardFast était communiste, mais son livre est très bon, implacable). Ici encore, on a la vision prémonitoire que toute civilisation termine en spectacle, comme dit Debord ; comme la monarchie, la théocratie ou notre ordre mondial postindustriel. On voit l’obsession du sport et du déduit, comme on disait jadis, poindre à l’horizon. La scène de mutinerie dans la villa de Capoue (avec toujours Ustinov aux commandes) est magnifique de montage et de dureté. La bon musicien Alex North a intelligemment plagié la grandiose symphonie N.7 de Chostakovitch, consacrée à la résistance de Leningrad.

  • Gladiator : ce film postmoderne que j’ai adoré à sa sortie (musique, images, décors, etc.) a recyclé tous les grands films que j’ai nommés. C’est un remix de La chute de l’empire romain et de Quo vadis, avec Phoenix qui pastiche Ustinov. La grand Christopher Plummer était trop beau pour bien incarner Commode ! Mais Gladiator nous rappelait, à l’orée de ce triste et aveugle millénaire, d’où nous venions et où nous allions : le sport, le marché et l’iPad. La pression du tyran s’y fait bien sentir grâce aux prétoriens superbement cadrés par Ridley Scott. On n’en sortira pas.

Pour terminer sur une note positive, je tiens à recommander encore Cabiria, chef d’œuvre absolu et millénaire du cinéma muet, du niveau de Griffith et des plus grands, avec une narration sensationnelle de notre génial d’Annunzio. Je ne l’ai vu qu’une fois, il est temps que j’aille le pirater quelque part… On m’enverra Pompée aux trousses me dire qu’il est défendu de…copier !

Partager cette publication

Comments (8)

  • De Chardat Répondre

    Sauf erreur toujours possible, le meurtre de Marc-Aurel par étranglement me semble hasardeux. Je crois bien que Marc Aurel ait été expédié ad patres par le poison. Cela dit, Joaquim Phoenix était un Commode assez fascinant,  et puis la fin de ce film qui apparaît comme une évocation d’un ailleurs New Age, qui se veut  Au-delà, n’est pas une reconstitution historique rigoureuse. Mais cela tient debout, et serait un rappel cruel que toutes les civilisations peuvent s’effondrer – rien de bien nouveau – et l’actualité, ramenée à des considération où la démagogie le dispute au pathétique, nous sommes bien placé pour le garder à l’esprit.
    Esprit, sentiments, qualité d’écriture et de pensée sont toujours de mise dans le site N.B. !

    4 mai 2012 à 15 h 20 min
  • Jaures Répondre

    Cher Quinctius, si pour vous Villon ou Rabelais sont des séries B de la littérature, alors j’en suis également un total fanatique.

    25 avril 2012 à 21 h 56 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    @ Jaurès
     
    Le goût c’est ce qui vous plait  en tant qu’ INDIVIDU LIBRE  pas parce qu’on vous dit que cela DOIT vous plaire si vous voulez être branché , dans les temps actuels , dans le sens de l’Histoire ( Télérama  ,Nouvel Obs , Libération , Le Monde etc …)
    Quant à certains films B  , ils sont  parfois esthétiquement , intellectuellement ( j’allais dire  sociologiquement ) plus intéressants que des films élevés à la caste des " AAA" par un petit monde d’intellectuels parisiens " tourmentés " , relativistes  et  vivant en "copinage "
    pour prendre l’exemple de V.H.. à celui ci je lui préfère Villion , Ruteboeuf , Agrippa d’Aubigné , Rabelais qui ont la verve sans avoir la "pompe"

    25 avril 2012 à 14 h 59 min
  • Jaures Répondre

    Cher Quinctius, je ne pense pas que mesurer la différence entre "Quo Vadis" et, par exemple "Citizen Kane" relève de l’élitisme. Il est vrai qu’il est commun que des intellectuels s’émerveillent devant des séries B comme autrefois certains autres défendaient les yéyés.
    Par ailleurs, on peut aimer la musique et être un abruti ou un tyran. On peut être également une sommité dans un domaine et un parfait ignare dans un autre. Berlioz se moquait de la cuistrerie de Victor Hugo en musique. Georges Brassens avouait ne rien connaître en peinture et s’interdisait d’en parler.

    24 avril 2012 à 11 h 01 min
  • IOSA Répondre

    "ni AUCUN de leurs successeurs n’aimait la musique "

    Ben justement il y en a un qui aimait les petits rats de l’opéra, je tais son nom mais il fut président en 1981.

    IOSA

    23 avril 2012 à 22 h 18 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    @ Jaurès

    Vous faites dans l’élitisme maintenant , ce n’est pas démocratiquement correct !

    un petit rappel qui souligne  la médiocrité de la haute caste politique
    ni  De Gaulle , ni  Pompidou , ni AUCUN de leurs successeurs n’aimait la musique !

    21 avril 2012 à 13 h 51 min
  • Jaures Répondre

    La prochaine page culturelle de Bonnal aux 4V sera consacrée aux westerns spaghetti !

    21 avril 2012 à 11 h 55 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    le meilleur peplum ne serait ce pas la Présidentielle : des "héroïnes " people , des démagogues ,des traites , des sicaires , des sénateurs et des consuls , des gladiateurs … du pain ( peu ) et du cirque ( beaucoup …trop ) et le cloaca maxima en prime !

    20 avril 2012 à 18 h 12 min

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *