L’Europe et l’ONU : Pour un accord franco-britannique

L’Europe et l’ONU : Pour un accord franco-britannique

La crise irakienne a mis en exergue une nouvelle fois les lignes de fracture qui traversent notre continent. Que les orientations de politique étrangère des pays européens, héritées de leur histoire et de leur tempérament, soient différentes n’a rien que de très normal. Mais il est non moins certain que l’absence de représentation de l’UE au sein des organisations qui structurent l’ordre international fait échec, faute de mécanismes institutionnels efficaces, à l’expression de positions communes autres que rhétoriques.
Pourtant, s’il est souhaitable que l’UE dispose d’un siège de membre permanent, le temps n’est pas venu où elle disposera d’une capacité diplomatique et militaire opérationnelle propre. La présence au Conseil de sécurité, des membres européens actuels qui disposent d’une influence internationale et de capacités militaires utilisables pour des opérations de maintien de l’ordre international, continuera de se justifier encore pour de nombreuses années.
C’est pourquoi, pour avoir une chance de déboucher sur une représentation de l’UE au Conseil de sécurité dans un délai raisonnable, il convient de disjoindre cette innovation d’une refonte d’ensemble du Conseil de sécurité et ne pas dépouiller les membres européens de leurs prérogatives.
Une telle réforme a minima devrait s’appuyer sur deux principes : 1) la stabilité du nombre des voix au Conseil de sécurité ainsi que du nombre de membres permanents disposant du droit de veto – la réforme serait donc neutre pour les autres membres du Conseil de sécurité ; 2) une incitation forte à la convergence des positions entre l’UE et ses deux États-membres présents au Conseil de sécurité.
Le dispositif retenu pourrait être le suivant : le Royaume-Uni et la France conserveraient chacun leur siège de membre permanent mais ne disposeraient plus que d’une voix à eux deux ; la voix ainsi libérée serait attribuée à l’UE qui disposerait d’un siège de membre permanent de plein exercice. Il y aurait donc 16 sièges au Conseil de sécurité, dont 6 sièges de membres permanents, mais le nombre de voix resterait inchangé (respectivement 15 dont 5 avec droit de veto).

Un siège chacun, une voix pour deux, deux voix pour trois

Lors d’un vote, le Royaume-Uni et la France ne verraient leur unique voix prise en compte que s’ils s’expriment dans le même sens, indépendamment du vote exprimé par l’UE. S’ils expriment des votes différents, seul comptera (pour une voix complète) le vote exprimé par celui des deux pays qui aura exprimé le même vote que l’UE. Si l’UE, le Royaume-Uni et la France expriment trois votes différents (oui, non, abstention), alors seule comptera la position exprimée par l’UE qui comptera pour deux voix. Dans tous les cas, les trois membres permanents européens ne disposeront donc au total que de deux voix comme aujourd’hui.
Ceci créerait une puissante incitation à la convergence des positions : s’ils veulent conserver un leadership en politique étrangère, le Royaume-Uni et la France devront s’entendre sur des positions communes, sauf à rallier une majorité qualifiée de leurs partenaires de l’UE sur leurs positions. Celui des deux pays qui s’éloignerait du consensus avec l’UE ou avec son binôme se verrait marginalisé et ne pèserait plus sur les décisions. Enfin l’UE récolterait les fruits de la division de ses deux champions au Conseil de sécurité.
Ce dispositif serait susceptible de réduire les lignes de fractures et de donner enfin un ancrage concret à la PESC. Il aurait le mérite d’internationaliser le débat européen au sein des instances de l’UE – ou dans le tête-à-tête franco-britannique – plutôt que de le porter sur la place publique. Il laisserait néanmoins à la France et au Royaume-Uni la possibilité de faire valoir des positions, éventuellement divergentes, au Conseil de sécurité.
L’axe franco-allemand, moteur du fonctionnement interne de l’UE, serait ainsi doublé par une étroite concertation diplomatique franco-britannique, débouchant sur des positions communes qui serviraient de point de ralliement aux autres pays de l’UE. L’évolution de leur statut au Conseil de sécurité pourrait être l’occasion pour ces deux pays d’exercer un leadership sur la politique étrangère de l’UE.
Un tel arrangement serait dans l’esprit de la construction européenne qui a favorisé les coopérations concrètes par le biais de mécanismes institutionnels incitatifs. Il pourrait servir de modèle – mutatis mutandis – pour la représentation de l’UE dans les institutions financières internationales et faire l’objet d’une initiative franco-britannique qui permettrait de dépasser la crise irakienne et de donner un nouvel horizon à la PESC au moment où l’adoption de la Constitution européenne et la création d’un ministre des Affaires étrangères de l’UE ouvrent de nouvelles perspectives.

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Comments (5)

  • Nemesis Répondre

    “Le problème n’est pas de s’opposer ou non aux USA pour tenter d’exister” Moi, je veux bien accepter une idée comme celle-là… “Le problème […] c’est d’avoir une politique conforme à ses intérêts et pas trop éloignée de la morale” Là encore, pourquoi pas, surtout si l’on met l’accent sur la première partie de la phrase (à laquelle la seconde partie serait subordonnée). J’aurais voulu vous citer une phrase d’un article du Figaro de la série sur l’identité française ; mais j’ai malheureusement perdu la référence. Cela disait en gros que quelque soit la position qu’aurait pu prendre la France, l’Amérique nous aurait haï de toutes façons. L’auteur considérait que la haine de la France (plus développée dans les pays anglo-saxons) était inexplicable rationnellement, et qu’elle ne dépendait pas de sa politique étrangère. Il rapprochait cela du phénomène de l’antisémitisme. Sans le suivre forcément jusque là (pas de concurrence victimaire !), il faut rappeler que les USA n’ont pas toujours été aussi démocrates et universalistes qu’ils le prétendent. Ils ont longtemps privilégié, pour leur peuplement, les apports des pays nordiques et germaniques. Dans l’affaire irakienne, l’Allemagne a d’ailleurs été beaucoup moins conspuée que la France. La communauté conservatrice juive américaine joue de cet inconscient nordiciste pour attiser le vieux fond de mépris germanique de certains américains contre un pays méditerranéen (“surrender monkeys”). Curieusement, cette communauté attise sciemment les vieux stéréotypes anti-méditterannéen et anti-orientaux dont elle a elle-même souffert (un comble pour des gens obsédés par la Bible et le proche-orient). Evidemment, l’idéologie américaine n’est pas raciste, loin de là. L’Amérique est plutôt universaliste de manière roublarde, comme l’est la France d’ailleurs. Jamais la droite américaine n’aurait osé agiter des stéréotypes aussi raciste contre les noirs et les latinos que ceux qu’elle a employés contre les Français. Mais évidemment cette étiquette de “collabos” que l’Amérique prétend nous faire porter depuis la dernière guerre permet de dénigrer une nation en toute bonne conscience “antinazie”. Si l’on s’était abstenu, les néoconservateurs auraient dit “Vous voyez, on vous l’avait bien dit : les Français sont lâches ; il suffit de les brusquer et ils obéissent !”. Car cette expédition irakienne était un test pour imposer “un nouvel ordre” ; les néoconservateurs étaient très clairs à ce propos. Depuis 1992, ils se préoccupent de contrer l’émergence de blocs géopolitiques qui pourraient concurrencer l’Amérique, et la construction européenne (au coeur de laquelle se tient la France) était dans leur collimateur. Chirac avait prévenu Bush qu’il ne pourrait pas accepter sa résolution à l’ONU et invité les USA à contourner le Conseil de Sécurité comme l’Amérique l’avait fait avec la Russie pour attaquer la Serbie. Ce scénario n’a pas eu lieu car Blair voulait passer par l’ONU pour calmer sa majorité. Mais le clash entre Europe et USA aurait eu lieu de toutes façons, un peu plus tôt ou un peu plus tard. Ce n’est pas tellement de l’Irak qu’il s’agissait. Quant au fait qu'”une grande démocratie voulait mettre un terme à une dictature implacable”, n’oubliez pas, puisque vous êtes libéral, j’imagine, qu’avec le libéralisme, la démocratie est problematique : en effet, une majorité peut opprimer la minorité. Les néoconservateurs sont bien conscients de cette difficulté et c’est pourquoi ils se réclament du machiavelisme et d’un certain cynisme, au delà de leurs protestations “démocratiques” politiquement correctes de surface. Ils entendent plutôt instaurer un “état de droit” favorable à “la liberté” et un gouvernement “décent” capable d’instaurer “the rule of law” (Surtout depuis qu’ils ont pris conscience que la démocratie pouvait déboucher sur une majorité islamiste, mais ils n’ont jamais été si naïfs que cela vis-à-vis du principe démocratique ; ils étaient seulement trop confiant dans la capacité américaine à “formater” un pays moyen-oriental). Les libéraux n’aiment pas tellement la France parce que les Français utilisent la démocratie afin de taxer les productifs au profit des oisifs (mais c’est le choix du “peuple”…). D’où les réflexions des libéraux sur la “dérive totalitaire”, la “dictature molle”, etc. En effet, on comprend qu’un régime n’a pas besoin d’être dictatorial (bolchévique, fasciste, etc) pour être antilibéral. Donc, il ne s’agit pas d’opposer les “vraies démocraties” (USA, RU…) aux “pays complaisants avec les dictatures”, puisque le libéralisme lui-même se méfie de la démocratie et qu’il veut la subordonner au règne du Droit (contrôle de constitutionnalité, etc). Les Américains sont favorables à la démocratie à condition qu’elle soit la plus libérale possible (même si les deux notions se combattent). Quant aux Français, ils perçoivent que derrière le prétexte de la démocratie, les USA cherchent à promouvoir des idées (“état de Droit”, “Liberté”…) qu’ils ne veulent pas voir triompher dans le monde. Si les Français paraissent dénier aux Américains le droit de greffer leur “démocratie” sur les pays du proche-orient, quitte à préferer le maintien des dictatures, c’est parce qu’ils imaginent que des démocraties émergeant “spontanément” seraient moins “libérales” que ce que les USA pourraient souhaiter. Mais ce n’est pas parce qu’ils s’opposent au principe même de la démocratie. Bien au contraire, puisque ce régime leur convient très bien pour se voter à eux-mêmes des prestations sociales, etc. La cohérence dans la démocratie non-libérale à la Française réside en ce que l’on interdit aux gens d’échapper à la coercition (inhérente à la dictature “démocratique” de la majorité). Le fait que l’évasion fiscale bénéficie aux pays plus “libres” n’est pas un argument, puisque justement c’est cette liberté qu’une démocratie anti-libérale voudrait supprimer. D’où les tentatives de la France d’harmoniser la fiscalité en Europe et de bâtir une “Europe puissance”. Et même si les Français font parfois rire, ils échouent moins dans leur desseins que ce que votre mouvance libérale veut bien admettre. La France ne serait pas aussi haïe, sinon. Les Américains ont, en effet, bien pris conscience que la France parvient, petit à petit, à bâtir son Europe-Puissance. Les néoconservateurs prétendent empêcher l’émergence d’un gouvernement mondial mais se réservent le droit d’intervenir dans les “pays voyous” (les pays “dictatoriaux” mais aussi, un jour, les “démocraties à la Française”, puisque le libéralisme doit impérativement animer toute démocratie, pour qu’elle soit “décente”). Donc cela revient à revendiquer un gouvernement “censitaire” mondial, pour éviter que le Gulliver américain soit enchaîné par les lilliputiens d’Europe et du tiers-monde. Certains libéraux, il faut le reconnaître, se méfient, pour ne pas dire plus des néoconservateurs, pour ce genre de raison, justement. Car il est difficile de demander le démantèlement de l’Etat et d’accepter l’émergence d’un empire mondial (or, les néoconservateurs ont raison, pourtant, de considérer que, tôt ou tard, les populations du monde chercheront à s’en prendre à la “réussite” américaine : car une telle réussite attire les capitaux que les populations moins performantes souhaiteraient taxer). Donc, désormais, de nombreux libéraux prennent leurs distances avec les néo-conservateurs, jugés trop “irréalistes”, “idéologues”, etc. Mais cette réserve récente ne vaut à la France aucune indulgence, aucune circonstance atténuante, bizarrement. Non, le gouvernement américain peut se tromper, mais, par principe, l’Amérique est le pays “leader” de l’Occident, donc la France doit rester bien sagement à sa place, et il ne lui appartient pas de critiquer la “Grande démocratie américaine”. C’est l’opposition démocratique de ce pays qui est qualifiée pour le faire, éventuellement. Venant de la part de l’extérieur, ce serait de l’antiaméricanisme “primaire”. Le problème, c’est que les “libéraux pragmatique” se résignent aux contradictions et aux risques de la démocratie (qu’ils admettent bien voontiers) lorsque il s’agit de la sage démocratie américaine, mais pas tellement de la part des “incorrigibles” Français, toujours “séduits” par les idées “de café du commerce”. Donc, lorsque vous dites que “nos intérêts” nous auraient conduits à respecter une certaine “morale” (en fait la déférence envers les USA) et que nous allons nous mordre les doigts de notre fanfaronade, je prétends qu’en réalité vous SOUHAITEZ qu’il en soit ainsi parce que les Etats-Unis sont un meilleur vecteur de vos idées que la France sur ce que devrait être une “démocratie” : un régime qui ne se laisse pas guider par de supposés penchants “liberticides”. Seulement, comme vous êtes tous, ici, des libéraux “réalistes”, vous devez prendre soin de vous inscrire dans un un courant “de Droite”, donc ménager “l’intérêt national”, les idées d'”honneur”, etc. En prétendant qu’en ne suivant pas les USA, la France trahit son propre intérêt éclairé, vous énoncez une affirmation “performative” : vous espérez qu’en la répetant, les Français s’en persuaderont et irons vite implorer le pardon des Etats-Unis (le pays qui incarne le moins mal vos idées). En cela vous me paraissez prendre un parti anti-français (et je ne cesserai jamais de m’étonner du dédain de certain pour leur propre pays…) : – Parce que comme je l’ai dit plus haut, la haine de la France est une réalité aux USA, depuis bien avant l’affaire irakienne, même si le différend sur le proche-orient l’a accentuée ces dix dernières années (exemple : les diatribes anti-françaises d’un Howard Stern, animateur de radio pourtant anti-puritain et donc anti-Bush). Davantage d'”obéissance” envers les USA n’entrainerait pas de leur part plus de “respect” à notre égard, bien au contraire. Comme disent les néo-conservateurs, “la faiblesse est provocative”. – Parce qu’en s’opposant aux USA, la France n’a pas grand chose à perdre. Sous le “gentil” Clinton, les USA et la France se livraient déjà une sévère guerre froide en Afrique. Madeleine Allbright disait à son “ami” Hubert Védrine : “Voyons Hubert, tout le monde hait les Français !”. La compétition (pour ne pas dire la guerre) économique fait rage depuis longtemps et nos économies sont tellement imbriquées dans l’économie mondiale qu’aucun pays ne peut interdire son marché à l’autre en vue d’éventuelles représailles (sauf en respectant les protocoles de l’OMC). Mais en imaginant que cela arrive, les USA exportent plus en Europe et en France que celles-ci n’exportent en Amérique. Donc, il n’est pas dit que l’Amérique ait intérêt au déclenchement d’une guerre commerciale (guère favorable aux idées libérales, soit dit en passant). Alors, puisque les USA ne peuvent attaquer la France directement, ils essaient de tisser autour d’elle un cordon sanitaire. “Désormais le couple franco-allemand ne pourra plus diriger l’Europe comme avant” dit-on souvent. Or, JM Aznar, l’élément le plus hostile de ce cordon, est parti. S’agissant de l’Italie de Berlusconi, étant donné ses résultat économique, dignes d’un pays de la “vieille Europe” au “socialisme sclérosé”, elle est bien obligé de faire “ami ami” avec la France, c’est-à-dire de lui pardonner ses déficits publics pour qu’elle lui renvoie l’ascenseur. S’agissant des pays ex-communistes, eux aussi, s’ils veulent rejoindre l’Euro (comme ils ont l’air de vouloir le faire), sans qu’on les force à adopter des politiques de rigueur génératrice de populisme (exemple : ce gars en Pologne admirateur d’Hitler ; ça fait tache pour un gentil pays pro-américain), ils seraient bien inspirer d’accepter une harmonisation raisonnable des impôts avec les pays de la vieille Europe. Harmonisation souhaitée par Nicolas Sarkozy (pourtant dernier espoir des libéraux pour sauver la France de sa “dérive socialiste”), lequel Sarkozy prend parti pour un renforcement de l’Eurogroup, cadre approprié pour une telle harmonisation. L’Eurogroup : le voilà, le fameux “noyau dur” que la France cherchait à bâtir. La Grande-Bretagne, qui en est exclue lui préférait un directoire à trois avec la France et l’Allemagne, lequel directoire avait le don de paniquer les autres “grands” pays. La France s’est toujours méfiée d’un tel ménage à trois, et depuis notre réconciliation avec l’Italie (moyennant la livraison de Battisti, ce qui n’est pas cher payé), un tel “directoire” avec la Grande-Bretagne, censé nous sortir de notre “isolement”, ne présente plus beaucoup d’intérêt pour nous. Tout ça ne nous rapproche peut-être pas beaucoup de “l’Europe-Puissance” dont rêvent les pro-européens, et Eric Zemour, par exemple défend avec de bons arguments la thèse inverse de “l’Europe piège à cons pour la France”. Mais au moins les pro-européens croient bien faire, et ne sont pas animés par la francophobie qui caractérise les “atlantistes” même Français. Les pro-européens essayent de prendre en compte le déclin (qu’ils croient inévitable) des Etats-Nations dans le cadre de la mondialisation pour envisager leur dépassement dans un cadre nouveau, mais dont le but n’est pas de léser les intérêts des populations qui y participent. S’agissant du siège au Conseil de Sécurité, on peut compter sur la France pour reporter l’examen de cette question à “plus tard” quand “le moment sera venu” (malgré le rigide cartésianisme français prétendument opposé au bon sens empiriste anglo-saxon). Donc ce “projet européen”, pour hasardeux qu’il soit, n’est pas aussi dangereux pour la France que cette place de docile goumier du monde anglo-saxon qui lui est réservée dans votre “Occident libéral”. Si une “communauté atlantique” avait été possible, les USA aurait accepté l’émergence d’un pôle européen structuré et cohérent au lieu de rechercher sa dislocation, notammant en sapant sa volonté de maintenir sa propre industrie de défense (exemple : vente de F18 à la Pologne au détriment de Dassault). Et après ils se plaignent que les Européens n’investissent pas dans leur propre défense… Pour de toute façons ne pas être souverains ? Défendre l’empire d’autrui ? Tout cela n’est cohérent que si les USA considèrent l’Europe comme un rival potentiel, dont il faut empêcher l’émergence. Ce qui signifie peut-être quelque chose du point de vue américain, mais, s’agissant des atlantistes en Europe, on ne voit pas sur quoi ils se basent pour affirmer que “prendre en compte les intérêts” américains peut nous être d’une quelconque utilité. “Ne nous y trompons pas, il n’y a que du mépris dans ces applaudissements là, car chacun sait que l’attitude de la France n’était, en la circonstance, que dictée par la peur (des attentats sur son sol) et par la haine (de l’Amérique).” Si la France a agi par peur des attentats, c’est une mauvaise raison, mais, s’agissant des 90% de Français qui n’ont pas soutenu l’intervention, je ne pense pas qu’il s’agisse de cela. Vous êtes davantage dans le vrai lorsque vous mentionnez la deuxième raison : “la haine (de l’Amérique)”. Disons “défiance” pour être plus “correct”. Pour les raisons que j’ai évoquées plus haut, une telle défiance me paraît justifiée, car, longtemps, les Français ont naïvement cru que les Américains sinon les aimaient, en tout cas ne les détestaient pas. Le “mépris” envers l’Amérique dont on accuse les Français concernait plutôt le système économique américain (les Français n’aiment guère le libéralisme, c’est un fait) et il était plutôt reproché aux américains, de manière un peu paternaliste, d’être “de grands enfants”, de ne pas “comprendre” les inconvénients de leur “libéralisme sauvage”. Bien sûr dans le cadre d’une vision “classiste” de la société, il existe un certain ressentiment latent contre “les patrons”, et les Français, voyant qu’en votant pour des politiques “redistributives”, ils ne pouvaient pas maîtriser les conséquences de leurs choix sur “la contrainte extérieure” d’un système centré sur les Etats-Unis, fatalement, ils en sont venus à reporter une partie de ce ressentiment sur les USA (C’est d’ailleurs plus cohérent que de tout mettre sur le dos du “baron Seillère”, puique nous sommes dans un monde “complexe”). Mais ce ressentiment a longtemps été encadré par le souci “politiquement correct” des idéologues de gauche de réprimer toute “tentation de repli sur soi” et autres “dérives identitaires” (c’est un peu moins vrai désormais, mais c’est récent). Rien à voir avec la haine soudain exprimée par de nombreux Américains contre les Français, remplaçant tout d’un coup une supposée indifférence à notre égard. J’ai le sentiment bien établi que cette haine était toute prète à sortir sous le premier prétexte venu. Alexandre Adler dit “Quand on te crache dessus, ne prétend pas qu’il pleut”. Je comprends ça, mais la France pourrait reprendre à son compte une telle expression. Enfin s’agissant des dictateurs africains que la France a “achetés”, puisque vous êtes “conservateur” et “pragmatique”, vous n’êtes pas sans savoir que nous vivons dans un monde d’Etats et non pas dans une compétition loyale d’individus souverains, comme le souhaiterait un libéralisme intransigeant. Lorsque les USA donnent des cadeaux aux princes saoudiens (par exmple), ne s’émerveille-t-on pas en constatant que les Américains “savent parfaitement concilier un messianisme naïf et idéaliste avec le cynisme calculateur de la réalpolitique” ? C’est très bien tout ça ! La France aussi, mais là, par contre, il s’agit de “calculs mesquins de la part d’une nation donneuse de leçons, que plus personne ne prend au sérieux”… L’amour est aveugle ! En résumé, les libéraux conservateurs s’indignent que la France “trahisse” une certaine notion, “l’Occident”, chimère encore plus problématique que “la Liberté”. Pourtant, les USA se réservent le droit de défendre avant tout leurs intérêts nationaux (et ils n’en font pas mystère) persuadés que les pays européens les suivront quoi qu’ils fassent, au nom de ce fameux “Occident”. A côté de cette notion d’Occident, “l’Europe” en paraîtrait presque une évidence du bon sens paysan ! Si votre libéralisme est rigoureux, parlez de “liberté”, et non pas d'”Occident” ni de “démocratie” (notions concurrentes). Si votre libéralisme est “utilitaire”, à quoi vous proposez-vous d’être “utiles” ? A “l’Occident” ? Sous prétexte d’êtres “utiles” à une chimère, n’êtes vous pas “nuisibles” à quelque chose de plus tangible, la France ?

    6 juillet 2004 à 21 h 16 min
  • Fils de Parques Répondre

    A Nemesis… Le problème n’est pas de s’opposer ou non aux USA pour tenter d’exister, bref, de gesticuler, comme l’ont fait Chirac et de Villepin en 2003 à propos de l’affaire irakienne. Le problème, c’est d’avoir une ligne directrice pour son pays, de savoir pourquoi on fait telle ou telle chose, d’avoir une politique conforme à ses intérêts et pas trop éloignée de la morale. et il ne faut pas se tromper, car chaque aiguillage détermine implacablement l’avenir. Sur ce plan là, en 2003, en manipulant les dictatures africaines présentes au Conseil de Sécurité, marionnettes subventionnées par les contribuables français, pour tenter d’empêcher une grande démocratie de mettre un terme à une dictature implacable pour son peuple et dangereuse pour ses voisins, le gouvernement français a commis à la fois une mauvaise action et une imbécillité. Or, l’Histoire nous enseigne que les mauvaises actions idiotes se paient toujours au prix fort. Il est évident que notre politique étrangère n’est qu’esbrouffe et soumission vis à vis des tyrannies, qu’on s’efforce de prendre dans le sens du poil pour ne pas trop les indisposer. Les applaudissements des représentants des dictatures à l’ONU à son discours anti-américain ont enchanté notre naîf ministre des Affaires étrangères, qui a sans doute cru ainsi être populaire, mais sont très inquiétants pour la suite. Ne nous y trompons pas, il n’y a que du mépris dans ces applaudissements là, car chacun sait que l’attitude de la France n’était, en la circonstance, que dictée par la peur (des attentats sur son sol) et par la haine (de l’Amérique). Quant on mécontente ses amis et ses alliés sans satisfaire ses ennemis, on a perdu sur toute la ligne. Quand au siège de la France au conseil de Sécurité, il est déjà perdu : lisez la future constitution européenne et vous comprendrez.

    5 juillet 2004 à 22 h 42 min
  • Nemesis Répondre

    “J’ajoute que, du fait de son attitude indigne lors de l’affaire irakienne, le régime actuel a lourdement obéré les chances de la France de conserver son siège en cas de redistribution des cartes, ce qui va inévitablement arriver un jour au l’autre.” Etant donné qu’on mettra notre veto à toute proposition qui nous désavantagerait, je ne vois pas comment… Il faudrait que les USA sortent de l’ONU et proposent aux autres de les rejoindre dans une nouvelle organisation plus “éprise de Liberté”. Je doute que beaucoup de pays veuillent les suivre, mais si l’Amérique pouvait utiliser ce moyen d’isoler la France, pourquoi ne le ferait-elle pas dès aujourd’hui ? Croyez-vous que d’autres pays comme l’Inde ou le Brésil, auxquels pourrait profiter une nouvelle “distribution des cartes” accepteraient de valider un précédent en vertu duquel les pays qui s’opposent aux USA perdraient le droit de s’exprimer ? Allons, allons… Si la mouvance politique des “4 vérité” ne commence pas par respecter le pays auquel elle propose ses idées, il y a peu de chance que ce pays soit loyal à son tour envers “l’Occident” auquel elle semble attacher tant de prix. Une des causes de la “décadence” que vous semblez diagnostiquer sur ce site réside en l’excès de désobéissance et d’initiatives inopportunes émanant de personnes qui se croient fondées à se plaindre de ce qu’elles nomment le “joug étatique” ; alors qu’au contraire c’est bien plutôt l’obéissance inconditionnelle et la déférence envers l’Etat qu’il faudrait encourager (de la part aussi bien des banlieues que des beaux quartiers). Puisqu’ici vous ne prônez pas, comme certain, l’abolition intégrale de l’Etat, mais qu’au contraire vous souhaitez promouvoir un “modèle démocratique” inspiré par les Etats-Unis, ne pensez-vous pas que le premier devoir de ceux qui se réclament de cette démocratie consiste à respecter le résultat des urnes, même s’il se traduit par la victoire des sociaux-démocrates (voire des “gaullistes sociaux”), des souverainistes ou de l’extrême-droite ? Qui êtes-vous pour vous opposer au souhait de la majorité alors que vous prétendez défendre la civilisation actuelle, fondée sur l’obéissance aux “représentants du peuple” ? Que vous puissiez regretter le choix de cette majorité populaire ne devrait pas vous encourager à vous complaire dans la haine de votre pays ! Aucune nation n’a d’indulgence pour ceux de ses membres qui la méprisent. La France, aimez-là ou quittez-là, au lieu de profiter des libertés qu’elles vous offre pour la trainer dans la boue… Tous ceux, ici, qui pleurnichent sur le manque de “libertés” mériteraient de subir le joug d’un vrai régime dictatorial ; comme ça, ils comprendraient pourquoi ils pleurent !

    4 juillet 2004 à 23 h 52 min
  • PRINCE DE BENEVENT Répondre

    “Lors d’un vote, le Royaume-Uni et la France ne verraient leur unique voix prise en compte que s’ils s’expriment dans le même sens, indépendamment du vote exprimé par l’UE. S’ils expriment des votes différents, seul comptera (pour une voix complète) le vote exprimé par celui des deux pays qui aura exprimé le même vote que l’UE. Si l’UE, le Royaume-Uni et la France expriment trois votes différents (oui, non, abstention), alors seule comptera la position exprimée par l’UE qui comptera pour deux voix” (sic). Ce système est inaplicable. 1/ parce que le Royaume-Uni ne l’acceptera jamais, 2/ parce que, dans le système préconisé, le Royaume-Uni et la France deviendraient les otages des autres pays de l’UE, c’est à dire en fait de l’Allemagne, qui aurait ainsi deux voix en cas de désaccord des deux autres, un comble pour un pays qui n’a pas de siège permanent au Conseil. J’ajoute que, du fait de son attitude indigne lors de l’affaire irakienne, le régime actuel a lourdement obéré les chances de la France de conserver son siège en cas de redistribution des cartes, ce qui va inévitablement arriver un jour au l’autre.

    4 juillet 2004 à 11 h 04 min
  • pantagruel Répondre

    C’est marrant votre truc… Vous l’avez inventé tout seul ou cela vous a été inspiré par les reflexions de personnes très impliquées dans ces questions ? Et pensez-vous que cette solution ait une chance de voir le jour ?

    4 juillet 2004 à 0 h 40 min

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