Libéral et conservateur : comme George Bush !

Libéral et conservateur : comme George Bush !

Longtemps, « Les 4 Vérités » (titre créé en 1973) ont privilégié les réflexions à caractère économique. D’une part, parce que nos premiers abonnés furent, principalement, des « patrons » et aussi parce que c’était le terrain de prédilection des rédacteurs-fondateurs. Aujourd’hui, nous avons largement étendu le champ couvert par nos réflexions. La politique internationale nous interpelle chaque jour. Les faits de société font la « Une » de l’actualité. Les questions d’ordre moral sont déterminantes. Comme nous nous voulons ouverts à tous les courants qui traversent la droite politique, aussi divisée celle-ci soit-elle aujourd’hui, nous accueillons dans nos colonnes une diversité de points de vue. Y compris des positions qui ne sont pas forcément, intrinsèquement, celles de la rédaction elle-même. Gérer la diversité est toujours un peu compliqué et parfois source de confusion. C’est pourquoi, de temps à autre, il est utile de s’expliquer.
Vous êtes nombreux à m’interroger pour savoir si, personnellement, je suis 100 % d’accord avec Guy Millière, si j’approuve totalement les positions athées de Pierre Lance ou si j’encourage les « provocations anti-chrétiennes » de Jean-Pierre Pagès-Schweitzer…
Mon point de vue personnel, vous le trouvez chaque semaine à cette place, dans les colonnes de cette chronique. Évidemment, compte-tenu de la place réduite dont je dispose, je ne peux souvent traiter qu’un seul sujet. Je le fais toujours le plus franchement possible, indépendamment des positions de nos autres rédacteurs. Pour reprendre la terminologie employée par Jean-Pierre Pagès-Schweitzer (page 5), je suis un libéral conservateur (et je précise, pour plusieurs de mes correspondants, d’éducation et de tradition catholique) mais ouvert à beaucoup d’autres courants de la droite, que ce soient les athées spiritualistes, façon Pierre Lance, ou les libéraux libertaires, façon Pagès-Schweitzer. Car l’entente à droite, dont nous sommes aujourd’hui si éloignés, mais dont nous sentons bien en même temps qu’elle est si nécessaire, exige non seulement que les chefs politiques se parlent, que les organisations se rencontrent, mais aussi que les cultures s’affrontent, que les croyances se confrontent. Il me semble que les bons chrétiens doivent aussi savoir écouter les mécréants. Surtout quand ils sont intelligents !… C’était, en tout cas, jusqu’à présent, le comportement du plus grand nombre des intellectuels chrétiens.

Une horreur sélective

Il ne fait pas bon ces temps-ci, afficher quelque solidarité que ce soit avec le gouvernement américain de George Bush. Nos abonnés, néanmoins, ne seront pas surpris de voir Guy Millière, une fois de plus, se placer résolument de ce côté-là, au nom de la défense des valeurs d’un Occident chrétien de plus en plus menacé, notamment du fait de sa désunion.
Qu’il y ait eu plusieurs dizaines de cas de mauvais traitements infligés à des prisonniers irakiens à Bagdad, à la prison centrale d’Abou Ghraïb, de sinistre mémoire, est un fait indiscutable : des photos numériques y ont été prises, apparemment par des soldats américains eux-mêmes, et envoyées à quelques correspondants, puis diffusées plus largement sur internet, y compris à destination de la plupart des médias. À noter : six mois au moins se sont écoulés entre les premières prises de vue et la diffusion des premières images, le 28 avril, par CBS.
On veut nous faire croire qu’il s’agit d’un comportement général, banalisé. Mais les faits précis indiquent le contraire. Qu’il s’agisse de brimades ou même d’actes pouvant être qualifiés de tortures, les faits sont limités. Ils donnent la nausée. Mais, osons le dire, ils sont, au total, d’une ampleur de l’ordre de ce qui est sans doute inévitable dans de telles circonstances. A-t-on jamais vu une armée d’occupation de 160 000 hommes, confrontée à quelques hordes de terroristes sanguinaires (allant jusqu’à mutiler leurs victimes après les avoir écartelés, comme à Faludja), être en mesure d’éliminer de son sein les inévitables sadiques ou pervers qu’elle compte forcément ? La réponse est évidemment non. C’est si vrai qu’aucun conflit important, à la connaissance de tous les historiens, n’a su éviter de telles bavures.
Il est facile d’ironiser une fois de plus sur « les forces du bien » et « l’axe du mal », si chers à la dialectique présidentielle américaine. Bien sûr, il ne faut pas trop idéaliser. Il n’y a pas que des saints dans le camp du bien. Et d’ailleurs, il n’y a pas que des diables dans le camp du mal. Mais, au-delà du scandale, la distinction demeure fondamentalement juste. Il y a certes des salauds dans l’armée américaine. Mais rappelons quand même que, du temps de Saddam Hussein, le dictateur donnait l’exemple et exécutait ou torturait lui-même ses opposants.
Comme nous l’écrivions déjà, ici même, le 17 avril dernier, c’est vraiment « le bon moment pour nous réconcilier avec les États-Unis ». Car la situation qui résulterait d’un départ précipité d’Irak de l’armée américaine serait pire, pour tout le monde, que le désordre violent, mais relatif, qui caractérise aujourd’hui ce théâtre d’opérations. v

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Comments (8)

  • chevalier de la Liberté Répondre

    Pierre Lance avait de mon point de vue raison, et ses articles étaient très intéressants sur tous les sujets, jusqu’à ce qu’il se mette à haïr le gouvernement américain davantage que les terroristes. Si l’islamisme tue physiquement, le politiquement correct qui sert de lit à l’islamisme assassine les esprits les plus brillants. A bon entendeur salut.

    22 mai 2004 à 16 h 00 min
  • LeNonce Répondre

    “Libéral et conservateur : comme George Bush !” Libéral, Bush fils ? Entre les dépenses militaires et les baisses d’impôts, voilà un gouvernement “libéral” qui utilise les finances publiques comme un gouvernement interventionniste king size. Car c’est un gouvernement interventionniste. Mais bon. Quand on ne comprend rien, hein…

    21 mai 2004 à 0 h 46 min
  • Guillermo Répondre

    Personnellement j’adhère très souvent aux opinions de Pierre Lance et je suis généralement de l’avis contraire de M. Millière. Néanmoins, même si je me scandalise assez souvent de l’extrémisme voire du fanatisme de ce dernier, j’apprécie que vous lui donniez également la parole : c’est un homme de talent, de conviction et il surtout il argumente très largement ses propos. Par contre je me suis profondément scandalisé à la suite d’un article récent (désolé mais j’ai oublié le nom de son auteur) suite à l’émission de TV « Faites entrer l’accusé » et dont le sujet était l’affaire judiciaire qui a vu la relaxe d’un prévenu surnommé l’ « Indien ». Cet article m’a scandalisé à plus d’un titre. D’abord parce qu’il attaquait une émission menée avec le plus grand sérieux alors que votre journaliste s’en est manifestement tenu à des ragots comme d’ailleurs un officier de gendarmerie ayant participé de près à l’affaire le lui a fait (indirectement mais très opportunément) remarquer. L’attitude de l’auteur de cet article m’a rappelé l’attitude infecte de l’académicienne qui s’était rendue sur les lieux de l’affaire Grégorie pour mieux « humer » l’événement et écrire un roman relatant tout ce qui avait du se passer dans la tête de la mère « pour avoir tué son gosse ». Ce parti-pris m’a aussi dégoutté parce que justement cette émission ne prend pas systématiquement position en faveur de l’accusé, ni contre le jugement ou l’instruction. Enfin comme plusieurs lecteurs l’ont relevé, ce n’est pas parce que dans cette affaire le prévenu était défendu par des gauchistes (ou présumé tels) qu’il était forcément coupable. Je ne commente même pas l’idiotie supplémentaire dans cet article qui a consisté à faire un calembour sur le fait que l’un des prévenus de cette affaire s’appelait « Gentil ». Donc M. Dumait, si vous donnez la parole à des opinions diverses je vous approuve, c’est à mon sens plutôt une bonne chose et courageux, mais si vous redonniez trop souvent la parole à quelqu’un au raisonnement aussi discutable et qui n’a manifestement rien à argumenter (pour ne pas dire bien plus) votre revue se mettrait rapidement au niveau de la plupart des autres revues de presse. Dans le prolongement de cet article, j’en viens à une critique plus générale : votre revue fustige très fréquemment les institutions publiques, … mais en oublie presque systématiquement l’institution judiciaire. Or c’est l’institution qui marche de loin le plus mal dans notre pays, et avec en plus des conséquences pouvant être gravissimes. L’émission « Faites entrez l’accusé » a le mérite de souligner des tas de dysfonctionnements ubuesques. Votre journal devrait s’en inspirer et avoir du respect pour des collègues honnêtes et compétents (fusent-ils de gauche). Il ne faut pas laisser des innocents croupir en prison des années durant suite à des enquêtes bâclées et ne pas broncher sous prétexte que la classe politique de gauche a fait preuve d’un laxisme criminel. Que cela ne vous empêche pas non plus de relater le laxisme lorsqu’il continue de se présenter, tout comme les relaxes et les peines exagérément modérées parce que les juges ou jurés ont peur (ils se rattraperont sur ceux qui sont moins menaçants), tout comme la détention préventive abusive du niveau de la Turquie (voyez la récente affaire d’Angoulème où l’on a mis en préventive pour viol supposé sur un mineur, l’adjoint au maire de la commune de Champniers, ceci, malgré les dénégations formelles de l’accusé et sur simple dénonciation d’un jeune maître chanteur, ceci pour des faits qui se seraient déroulés 17 ans plus tôt et qu’aucun témoin n’a pu confirmer !). J’en arrive à me dire que l’institution judiciaire nous menace de plus en plus – nous français moyen, citoyens ordinaires – et qu’elle nous protège de moins en moins.

    21 mai 2004 à 0 h 22 min
  • christophoros. Répondre

    la citation d’André Gide est bien mais j’en ai une autre moins “classe”. Interrogé sur le point de savoir s’il ne craignait pas les poursuites pénales ( à l’époque ! ) compte tenu de son attirance pour les jeunes garçons arabes. André Gide aurait déclaré ” mon prix Nobel, me protège !”… Aujourd’hui, son prix Nobel ne le mettrait pas à l’abri des poursuites, comme quoi il y a peut être un certain progrès…

    19 mai 2004 à 21 h 46 min
  • Adolphos Répondre

    ” il me semble que ce n’est pas la France qui est fachée avec l’Amérique, mais plutôt l’Amérique qui n’accepte pas la vision de la France ” Cette blague ! Et quelle est-elle cette vision de la France ? Obliger les américains à demander la permission aux Français avant de faire quoique ce soit. Comment voulez vous qu’un pays, n’importe quel pays ayant conscience de sa supériorité accepte un tel canular ?!

    19 mai 2004 à 7 h 38 min
  • Ryan Répondre

    Je suis abonné au 4v depuis plus d’un an et je le resterai. Les positions de Monsieur Millière et de Monsieur Lance sont par leurs différences un complément qui me convient parfaitement. Avoir des avis aussi divergents permet à mon sens d’élargir sa vision des faits et de ne pas rester enfermer dans ses convictions. Quant au différend entre les USA et la France, peu importe qui est faché avec qui. Le plus important est de pouvoir dépasser ce stade et en ce sens les efforts doivent être faits des deux côtés. Mais l’anti-américanisme si bien implanté chez nous restera un problème majeur, bien plus à mon sens que le sentiment anti-français actuellement en vogue aux USA.

    17 mai 2004 à 19 h 27 min
  • Marc DEBEY Répondre

    Vos acticles sont toujours très intéressants, et je vous soutien moralement pour votre travail sur l’union de la droite – soutien moral, car je ne supporte plus ni le pro-américain Guy Millière, ni l’anti-clérical Pierre Lance. Ils m’apparaisent comme des extrémistes fondamentalistes. Je ne me suis donc pas réabonné -. La conclusion de votre article ne me semble pas correcte : il me semble que ce n’est pas la France qui est fachée avec l’Amérique, mais plutôt l’Amérique qui n’accepte pas la vision de la France (ou plutôt la non soumission de la France). C’est donc à l’Amérique de se réconcilier avec la France et non l’inverse.

    17 mai 2004 à 11 h 30 min
  • Christophoros Répondre

    Fort bien. Mais, comment définissez-vous la notion de “libéral conservateur” il y a là une contradiction interne que je ne comprends pas ? Par ailleurs, je vous précise que les positions fortement anti-chrétiennes de Pierre Lance font que je ne m’abonnerai pas à l’édition papier de votre journal. Comme on le sait, on ne peut à la fois servir Dieu et Mammon. Cordialement.

    16 mai 2004 à 14 h 22 min

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