Olivier Bertaux : l’Etat invente l’impôt-fessée

Olivier Bertaux : l’Etat invente l’impôt-fessée

Juriste et fiscaliste, Olivier Bertaux vient de publier « Au nom du fisc, enquête au pays de l’impôt » (éditions du Cri). De lecture agréable, et même amusante (un tour de force sur un sujet pareil) abondamment illustré par Miège, ce livre nous explique ce que nous payons et nous prévient de ce qui nous attend. Olivier Bertaux a bien voulu répondre à nos questions

Vous expliquez dans votre livre que le fisc nous plume en quatre phases. Quelles sont-elles ?

Olivier Bertaux : Il y a quatre grands moments au cours desquels le fisc nous ponctionne : quand nous gagnons de l’argent ; quand nous possédons de l’argent : chaque année il regarde ce que nous avons et nous en prend une partie, par l’ISF, la taxe foncière, etc. ; quand nous vendons quelque chose : il en profite pour nous imposer sur la plus-value ; et quand nous dépensons ce qu’il a bien voulu nous laisser, par le biais des impôts sur la consommation : la TVA, la TIPP et à partir de l’année prochaine la future taxe carbone.

En cinquième ressort, il nous impose aussi sur le lieu où nous habitons : les impôts locaux représentent aujourd’hui le premier impôt que paient les Français, surtout avec l’augmentation en flèche de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Avec la réforme de la taxe professionnelle, la hausse risque de s’accentuer encore pour les ménages.

Le SDF qui ne gagne pas d’argent et vit dans un carton paie-t-il lui aussi un impôt ?

Il ne paiera pas d’impôt locaux, ni d’impôt sur le revenu, mais il va bien falloir qu’il achète quelque chose pour se nourrir et peut-être pour s’habiller… Il paiera donc forcément la TVA. En allant plus loin, on peut considérer que, même s’il vit de la charité publique, les dons qu’il reçoit proviennent de l’argent que le fisc aura bien voulu laisser aux donateurs. Directement ou indirectement, il paie donc des impôts en aval ou en amont. Tout le monde paie des impôts, même ceux qui croient ne pas en payer parce qu’ils ne sont pas imposés sur leurs revenus.

Les impôts d’Etat ne grimpent plus, mais que les impôts locaux explosent. L’Etat ne se défausse-t-il pas de ses responsabilités sur les collectivités locales, de manière à ne pas être accusé de la hausse des impôts en général ?

C’est tout à fait cela. L’impôt sur le revenu, qui était le plus emblématique et le plus symptomatique, tend effectivement, sinon à diminuer, du moins à stagner, mais ça ne signifie pas que les Français paient moins d’impôts, car l’Etat se défausse en effet sur les collectivités locales. En outre, la CSG, qui est un impôt sur le revenu élargi à destination des prestations sociales, continue elle aussi à augmenter.

Vous évoquiez la taxe carbone. Vous consacrez un chapitre de votre livre aux nouveaux impôts environnementaux, la « fiscalité durable ». Ne visent-ils pas surtout à influer par l’impôt sur le comportement des citoyens ?

En effet, on a expliqué que ces impôts « nouvelle génération » n’enrichiront pas le Trésor public. Cet impôt d’une nouvelle génération n’est pas fait pour remplir les caisses de l’Etat mais pour influer sur le comportement des contribuables, citoyens, en les incitant à se comporter et à consommer de telle ou telle manière, afin de moins polluer et d’ améliorer le sort de la planète. L’impôt avait jusqu’à présent pour objet de financer les missions régaliennes de l’Etat, ce qui était en soi assez logique. Désormais, il devient un impôt sanction, que l’on vous fera payer un impôt parce que vous vous serez mal comporté : C’est ce que j’appelle dans le livre « l’impôt-fessée ». J’y vois un aspect moral assez contradictoire avec la véritable raison d’être de l’impôt.

Vous dites que l’impôt continue d’avancer, c’est le titre d’un chapitre. A quoi faut-il s’attendre pour le proche avenir ?

Sans doute à de nouveaux impôts, qui seront en contradiction avec le principe fiscal essentiel de non-affectation, selon lequel l’Etat recouvre des impôts sans prévoir que tel impôt sera affecté à telle destination. Nous paierons de plus en plus de micro-impôts pour des micro-missions d’un macro-Etat. Pour augmenter les impôts sans que nous ne nous en apercevions, on ne touchera pas à l’impôt sur le revenu, qui est emblématique, mais on augmentera discrètement la CRDS. Le fisc créera sans doute des niches fiscales à l’envers, en quelque sorte ; et utilisera abondamment la retenue et le prélèvement à la source, beaucoup plus indolores.

Olivier Bertaux, Au nom du fisc, éditions du Cri (Contribuables Associés, 42 rue des Jeûneurs, 75002 Paris) 240 pages, 15,90 €.

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Comments (1)

  • X Répondre

    Mais non, cela ne restera pas un impôt fessée !
    Cet impôt moralisateur n’existera dans le discours que le temps qu’il soit mis en place avec l’appui des "idiots utiles" qui sont sensibles à cette vocation moralisatrice. Des laïcs parfois plus religieux que les religieux….
    Après, par ici la bonne soupe pour les caisses de l’Etat (moins les coûts de collecte etc). Moins aussi les rentrées d’argent d’autres impôts qui ne rentreront plus parce que la perte de compétitivité de notre territoire aura fait migrer quelques poules aux oeufs d’or

    23 novembre 2009 à 22 h 48 min

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