À propos de la Passion

À propos de la Passion

Le film de Mel Gibson sur la Passion de Jésus aura eu au moins l’intérêt de placer le christianisme au cœur de l’actualité. Il faut en profiter pour répéter des vérités parfois oubliées. Nous connaissons Jésus par le Nouveau Testament et, accessoirement, par quelques brefs passages d’auteurs latins (Pline le Jeune, Suétone, Tacite). Les Évangiles ont été écrits en grec, langue alors couramment utilisée dans le bassin méditerranéen, comme l’anglais l’est aujourd’hui un peu partout. Cependant, de nombreuses tournures manifestement transposées de l’hébreu ou de l’araméen montrent ces langues derrière le texte grec. Aucun doute donc quant à l’enracinement du récit en Galilée et en Judée.
En ce qui concerne sa date de composition, les spécialistes que je trouve les plus convaincants le placent entre 50 et 70, 30 étant l’année de la mort de Jésus et 70 celle de la prise de Jérusalem et de la destruction du Temple par l’armée romaine. On voit que la durée n’a pas été très grande entre la vie publique de Jésus et le récit qui en a été fait. Cette durée a été occupée par la mémoire orale, très performante alors, et aussi, sans doute, par des notes qu’auraient prises les disciples et par une rédaction en hébreu, tout au moins pour l’Évangile selon Saint Matthieu.
L’ancienneté extrême des manuscrits en notre possession est un gage d’authenticité : deux passages de la Passion selon Saint Jean sont supportés par deux papyrus du début du IIe siècle, d’autres fragments, sur parchemin, sont du IIIe siècle, tandis que les deux copies complètes du Nouveau Testament les plus anciennes (le Sinaïticus, conservé à Oxford, et le Vaticanus) remontent au IVe. Cela paraîtra trop récent à certains profanes. Ils ignorent qu’aucun livre de l’Antiquité n’est matériellement aussi bien parvenu jusqu’à nous. Les manuscrits les plus anciens des grands auteurs latins ne sont que du Xe siècle, et souvent en un seul exemplaire. Au contraire, quarante copies au moins des Évangiles ont plus de mille ans d’âge. Les variantes d’un manuscrit à l’autre sont très nombreuses, mais ne portent que sur des points de détail, de sorte qu’au lieu de se contredire, les différents manuscrits se confirment les uns les autres.
En outre, de même qu’un mélomane distingue facilement le style de Beethoven de celui de Schubert, et un littéraire le style de Chateaubriand de celui de Balzac, on trouve aux paroles de Jésus un accent unique, qui n’était pas celui des rédacteurs. En témoignent particulièrement l’Évangile selon Saint Luc et les Actes des Apôtres, tous deux du même auteur. Eh bien ! En passant de l’un à l’autre, le lecteur a l’impression d’une chute de potentiel, parce que la voix inimitable de Jésus a été remplacée par celle de personnages qui ne sont que des hommes.
Les paroles de Jésus sont admirées à peu près par tout le monde, croyants et incroyants. Il n’en est pas de même des miracles, dont le caractère irrationnel heurte beaucoup de gens à notre époque placée sous le signe de la science et de la technique. Comment admettre, en effet, que Jésus ait marché à la surface du lac de Génésareth ou qu’il ait nourri plusieurs milliers de personnes avec cinq pains d’orge et deux poissons ? Il s’agit d’épisodes invraisemblables qui, avec d’autres du même genre, constituent un obstacle à la foi. Or on ne peut les gommer : les récits de miracles occupent à peu près 30 % du texte des Évangiles. Toutefois, le vrai n’est pas forcément vraisemblable. On rencontre dans la vie des saints de nombreux miracles qui ressemblent à ceux des Évangiles. Et quand ces miracles se sont produits à l’époque moderne (XVIIIe, XIXe et xxe siècles), on dispose souvent à leur sujet de renseignements qui ont été recueillis et notés avec rigueur, selon les méthodes de la recherche historique. Ils n’offrent donc aucune place au doute. Comment, dans ces conditions, douter que Jésus ait guéri d’innombrables malades, multiplié des aliments et marché sur les eaux ? Il est impossible qu’il ait été incapable de ce dont ses lointains disciples ont été capables en invoquant son nom.
On voit que lorsqu’on étudie avec une bonne documentation et sans a priori le dossier « Jésus », celui-ci se montre d’une solidité exceptionnelle qui doit donner force et courage aux Chrétiens d’aujourd’hui.

* Pierre Lassieur est l’auteur de « La vérité des miracles », Éditions Grancher.

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Comments (5)

  • francis Répondre

    Remarquable de précision et tout à fait d’accord!. Je voudrais ajouter que la sténographie était connue par les Romains et était enseignée à Rome(indiscutable Historiquement),et que cette technique a du diffuser dans tout l’empire notamment chez les lettrés ,devant toujours prendre des notes.Matthieu etait collecteur d’impots donc instruit ,Luc Medecin ,Jean “ami du grand prétre”, Jésus devait donc etre entouré et suivi par des gens jeunes aussi et trés instruits dans leur époque donc pratiquant surement la sténo .Pour ma part je pense que beaucoup de paroles du Christ ont été prises sur le vif directement en sténo et en Araméen par ses amis -d’ou l’impression de direct extraordinaire voire transcendant malgré les petites variantes de traduction par exemple :dans le Sermon sur la montagne de Matthieu chapitre 5 à 8 inclus ,comme si on y était- presentées arrangées en Evangiles et en Codex reliés ensuite , publiquement vers 50. L’ecriture tardive des Evangiles(70 à 120) “de mémoire” par des témoins ou compagnons de témoins trés agés choisie par l’Histoire officielle m’a toujours paru incroyable et fausse.

    22 mai 2004 à 15 h 25 min
  • Gérard Répondre

    Non, le Miracle n’a rien d’étonnant de la part de Dieu. Par contre, ce qui est plus surprenant à mes yeux, c’est que la mémoire juive n’est gardé aucun souvenir du Massacre des Saints Innocents ordonnés par Hérode.

    17 mai 2004 à 14 h 20 min
  • Marc Debey Répondre

    Merci pour ce texte. Il réconforte le chrétien que je suis dans ce monde matérialiste.

    17 mai 2004 à 10 h 44 min
  • milord Répondre

    Bravo pour votre article. Cette synthèse convainc tout homme de bonne volonté.

    16 mai 2004 à 17 h 38 min
  • Christophoros Répondre

    Article sans intérêt. Comme si la Foi résultait des miracles ou de la recherche d’une historicité de Jésus ( au sens moderne du terme ). Il me semble que la Foi n’est pas fondée sur la raison et est littéralement viscérale. J’aime beaucoup l’expression employée par Franz Olivier Giesbert dans son dernier livre l’Américain lorsqu’il dit qu’il a la “foi du foetus”. Cordialement.

    16 mai 2004 à 9 h 17 min

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