Arnaud Guyot-Jeannin : Pour une décroissance durable !

Arnaud Guyot-Jeannin : Pour une décroissance durable !

Arnaud Guyot-Jeannin Journaliste et essayiste, il dirige la collection « Vu autrement » à L’Age d’Homme. Il a notamment publié deux ouvrages collectifs qui traitent de l’écologie, Aux sources de l’erreur libérale (1999) et Aux sources de la droite (2000).

1) La croissance économique peut-elle être infinie?
Non, il ne saurait y avoir de croissance infinie dans un espace-monde fini. Nous avons perdu le sens des limites inhérentes à la vie des civilisations. Nos excès et notre irrespect envers nous-mêmes comme envers la nature détruisent la biosphère. Le capitalisme est fondé sur l’accumulation du capital et du profit. Il est indissociable de la démesure, laquelle entraîne logiquement le dépérissement de toute société.

2) A défaut d’une croissance infinie, pensez-vous qu’il soit préférable d’opter pour une croissance zéro, à la façon du Club de Rome, ou pour une décroissance, comme l’évoquent plusieurs penseurs de gauche actuellement?
Je suis partisan d’une décroissance soutenable. Il faut distinguer une « croissance zéro » impossible (plus du tout de croissance) avec une croissance négative possible (moins de croissance). Bien vivre ne passe pas nécessairement par la loi du « Toujours plus » : toujours plus de travail, d’objets, de consommation, de rentabilité etc. Au contraire, bien vivre renvoie à la fameuse décence commune chère à Orwell et une décélération des modes de production, de consommation et de spéculation, à fortiori. Cette dernière devant même cesser totalement. Cette décroissance soutenable commence à sensibiliser les réseaux de la droite anti-conformiste qui cherche à sortir de l’ère du productivisme, du consumérisme, de l’industrialisme et d’un capitalisme financier de plus en plus immatériel. Le livre d’Alain de Benoist, Demain la décroissance, témoigne de cette volonté d’affranchissement du système rapace de la marchandise à l’heure de la globalisation néo-libérale et hyper-technicienne. D’autre part, il faut rappeler que la croissance  se calcule d’après le PIB, qui intègre les richesses accumulées, mais jamais la pauvreté engendrée, ni même les dégâts enregistrés sur le plan environnemental. Il existe une règle entropique fatale à laquelle les occidentaux vont devoir se plier : on ne peut pas exploiter plus de ressources naturelles qu’on n’en possède.

3) La droite, qui encourageait au XIXe siècle à réfréner l’appétit de consommation, semble aujourd’hui être du côté de la société de consommation, au nom des libertés économiques. Comment comprenez-vous cette évolution?
L’idéologie du désir sur le plan commercial et publicitaire produit naturellement une consommation de masse profitant au capitalisme de marché. La droite libérale a défendu ce consumérisme en évoquant des «  libertés économiques » purement théoriques. En réalité, le jeu du marché libre a engendré de juteux profits pour de gros producteurs et de grands distributeurs, tous deux inféodés à l’actionnaire prédateur. Résultat des courses inverse de celui attendu par les libéraux : chacun se sent déposséder de sa responsabilité et de sa liberté fonctionnelle propre.
Il n’existe plus de libertés économiques dans un monde entreprenarial livré à la guerre de tous contre tous pour emporter un marché. La concurrence entre des partenaires de petite, moyenne et grande taille a laissé la place à la compétition entre les grosses multinationales de la planète qui monopolisent le marché. La grande distribution en témoigne. Flora Montcorbier a pu désigner justement le capitalisme occidental régnant comme un «  communisme de marché ».

4) L’un des aspects majeurs de la décroissance concerne l’écologie. La droite a eu longtemps une réflexion et une action dans ce domaine, mais semble aujourd’hui étrangement absente de ce débat. Comment l’expliquez-vous?
En 1945, la droite a réfuté l’écologie qui était un de ses thèmes de prédilection par peur d’être assimilé à Vichy et à Pétain ( «  La terre, elle, ne ment pas !). En 1968, la gauche a profité de l’enfermement de celle-ci dans le ghetto des réprouvés ou dans le camp de la gestion bourgeoise, le gaullisme immobilier et la société de consommation, pour reprendre l’offensive. Elle a monopolisé le thème de l’écologie, souvent en dévoyant son projet initial et en minimalisant ses revendications. Depuis 40 ans, la gauche politicienne s’est caractérisée par son ralliement à la société capitaliste en y mêlant son hédonisme festif. Syndrome Bobo ! Priorité au cosmopolitisme nomade, si prisé par le capitalisme transnational ! Quant à la droite, elle a fait le jeu du marché économiquement et a suivi la gauche dans ses thèmes sociétaux. Seuls quelques penseurs inclassables, revendiqué de droite par liberté d’esprit, comme Paul Sérant, Gustave Thibon ou Georges Suffert ont reposé urgemment la question écologique dans un milieux et une société qui leur étaient hostiles.


5) Selon vous, le développement durable peut-il être obtenu par le jeu du marché?

Le développement durable est une expression développant surtout un oxymore (mots contradictoires). L’idéologie du développement s’accompagne toujours d’une courte durée, car elle corrobore toujours les desseins de la rentabilité immédiate. Ainsi, le développement durable appelé aussi «  capitalisme vert », «  croissance verte » ou encore l’expression plus perverse «  croissance soutenable », est un instrument redoutable du marketing financier. Notamment par l’effet rebond ! Les voitures moins polluantes ne le seront pas, au bout du compte, puisque elles seront achetées en plus grand nombre. Moins de pollution aujourd’hui, pour en éprouver davantage demain ! La décroissance soutenable ne se confond donc pas avec le développement durable. René Riesel n’a pas tort d’insister sur le rôle primordial d’une écologie résidant en premier lieu dans l’éradication du capitalisme industriel. La destruction de la Forme-Capital complétées par celles de la Forme-Parti et de la Forme-Média sont nécessaires à l’éclosion d’une société organique où l’homme se réenracine dans ses communautés d’appartenance et renoue avec le lien cosmique qui unit la Terre au Ciel.

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Comments (7)

  • cassin Répondre

    Deux constatations s’imposent :
    1- La population mondiale est trop importante sur la planète Terre.
    2-Conséquence de la 1ere,une répartition inégale suivant les continents et les régions engendrant une surpopulation.
    De là découlent tous les désagréments actuels depuis une longue période déjà qui en engendrent d’autres comme la loi de cause à effet ou de l’arbre des causes.
    Des questions essentielles et primordiales sont à se poser lesquelles demandent une profonde réflexion.
    -Qu’est-ce-que l’être humain?
    -D’où venons-nous?
    -Où allons-nous?
    -Qu’avons-nous à faire entre ces deux instants plus ou moins long pour chaque individu?
    A chacun de se forger une opinion!

    24 juin 2009 à 10 h 38 min
  • cassin Répondre

    Deux constatations s’imposent :
    1- La population mondiale est trop importante sur la planète Terre.
    2-Conséquence de la 1ere,une répartition inégale suivant les continents et les régions engendrant une surpopulation.
    De là découlent tous les désagréments actuels depuis une longue période déjà qui en engendrent d’autres comme la loi de cause à effet ou de l’arbre des causes.
    Des questions essentielles et primordiales sont à se poser lesquelles demandent une profonde réflexion.
    -Qu’est-ce-que l’être humain?
    -D’où venons-nous?
    -Où allons-nous?
    -Qu’avons-nous à faire entre ces deux instants plus ou moins long pour chaque individu?
    A chacun de se forger une opinion!

    24 juin 2009 à 10 h 38 min
  • Valérie Répondre

    Cet article donne les bonnes pistes, même s’il ne répond pas au problème de la surpopulation. 10 milliard en 2050 ? Comment nourir tout le monde….sans exploiter la planète jusqu’à l’os ? Et qui va réguler les naissances ?

    Sinon, je suis d’accord avec le reste……mais j’ai des doutes sur le fait que nous puissions avancer un jour dans ce (bon) sens. Nous sommes encore au stade animal, et ce sont les plus forts de la meute qui dirigent le troupeau servile. Et les chefs sont ceux qui ont développé la capacité à écraser l’autre pour y arriver, quitte à mentir et à voler, ceux qui ne voient la réussite qu’à travers le pouvoir exercé, les biens amassés, ceux enfin qui n’ont developpé pour y arriver que ce qu’il y a de pire en nous……Et la meute, maintenue dans l’ignorance et la crasse, satisfaite des restes qu’on lui donne, suit en remerciant aveuglément. Ce préoccuper de l’autre qui à moins ? Décortiquer les rouages de cette société et  délaisser le Dieu "monnaie" et la consommation ? Refuser la télévision et l’embrigadement qui empoisonne ? Aller contre l’opinion commune imposée par les roitelets qui nous dirigent ? Non pas !

    Cette crise qui met en évidence tous les travers que je viens d’énnoncer a du bon. Elle va peut être ouvrir les yeux à certains ? Oui, il faut revenir aux fondamentaux : la famille, l’amitié, la culture, sa relation à la planète mère. Non, on ne peut être heureux sans aucun de ces repères : consommer pour consommer n’apporte pas le bonheur.

     

    J’ai fini par comprendre que tant que l’argent régira le monde, de façon aussi viscérale, nos rapports seront faussés. J’avais relevé dans une vidéo, "zeidgest", un exemple : un marchand sachant que son concurrent d’à côté vend un produit de meilleure qualité et moins cher, va-t-il y envoyer son client ? Non, il ne peut pas et donc, i ne peut y avoir d’honnêteté quand le seul enjeux est de gagner de l’argent. Ca vaut à petite et très grande échelle. Le profit a tout détruit sur son passage ces dernières années.

    Alors inventer autre chose ? Est-on prêt à changer ? Va-t-on commencer à élir des gens qui nous parlerons de cet autre chemin ? Notre civilisation doit-elle prendre fin, avec toute la violence qui va en découler, pour en laisser naître une autre, qui fera les mêmes erreurs ? Vat-on devenir un jour HUMAIN avec toute la beauté, la grandeur, l’intélligence et l’amour qui devrait nous caractériser ? Javoue que je n’en sais rien, mais lires des articles comme celui-ci me fait dire qu’il y a déjà une réflexion en route….

    24 juin 2009 à 9 h 30 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    <<Le capitalisme est fondé sur l’accumulation du capital et du profit. Il est indissociable de la démesure, laquelle entraîne logiquement le dépérissement de toute société.>>
    Que serait le monde sans le capitalisme? Cette question est toute aussi pertinente que la réponse de l’auteur de cet article. Si plus personne n’entreprend, le monde sera vite réduit à quelques individus faméliques. Avec quelques 6 milliards d’humains, fini les temps bucoliques où une tribu pouvait vivre en autarcie et en parfaite harmonie avec son environnement. 
    Une alternative, laquelle? Le communisme et le socialisme ont prouvé leur inefficacité et leur brutalité. L’islamo-verdisme ne sera, je le crains, pas meilleur.

    <<D’autre part, il faut rappeler que la croissance  se calcule d’après le PIB, qui intègre les richesses accumulées, mais jamais la pauvreté engendrée, ni même les dégâts enregistrés sur le plan environnemental.
    On peut aussi se poser la question inverse. Combien de pauvreté engendrée sans capitalisme? Combien de centaines de millions de chômeurs? Combien de millions morts par famine par an? Faites un tour au Zimbabwe pour aller voir ce laboratoire de destruction à ciel ouvert. Dans ce pays le seul capitaliste restant est celui qui tient le pouvoir, les autres ont été éliminés physiquement, c.à.d. trucidés. Personne ne s’en offusque? Et bien tant mieux, moi non plus!

    21 juin 2009 à 15 h 23 min
  • [email protected] Répondre

    excellentes réponses d’Ecopax,et de Kamarad qui ne tombent pas dans le pathos politiquement correct !!

    20 juin 2009 à 20 h 56 min
  • Kamarad Répondre

    Surprenant cet interview sur ce site, mais je ne peux qu’y souscrire.

    Les lignes idéologiques bougent : nos méprisables socio-traîtres nous le démontrent chaque jour un peu plus, eux qui n’ont plus une once d’idéal, plus un kopeck d’amour propre et pas même l’intelligence de comprendre pourquoi leur électorat traditionnel les a plaqués, mais je n’imaginais pas que la remise en cause de l’économie de marché, telle que nous la connaissons, commençait à gagner une frange de la droite.

    Pourtant, une autre économie devra obligatoirement s’imposer à court terme ou plus rien ne sera.

    Le "greediness" aux orties !

    17 juin 2009 à 22 h 07 min
  • ecopax Répondre

    Excellentes réponses à mes yeux !
    Cela fait du bien un peu de vrai, de bon sens et de clairvoyance dans cette cacophonie communicationnelle où tout le monde, comme d’habitude, veut tirer la couverture à soi.
    On a perdu des années ! Tout est à revoir. l’Écologie politique (évoqué par André Gorz depuis des années) ne doit plus être une utopie. Mais… ceux qui ont les rennes décisionnelles (volonté politique, industriels, lobbies des multinationales) sont les mêmes qui voient à court terme et se foutent du reste. Entre sincérité et démagogie, le doute s’installe très vite, quand on entend leurs discours soudains sur le (pseudo) développement durable qui, effectivement, est une idiotie de langage. Certains esprits tiquent sur le mot "durable", mais durable ou soutenable peu importe, ce n’est pas à mes yeux le pire (bien que rien ne soit durable)… non, c’est le mot "développement" qui me gêne le plus. Le problème est que les mots ne revêtent pas la même définition selon les objectifs d’un tel ou d’un tel. Même si on fait "vite" pour renforcer les alternatives, comment expliquer à des millions de gens de changer radicalement, de faire moins alors que la société de consommation a engendré le caca dans lequel nous nous trouvons. Tout est très complexe. Mais une première chose serait à instaurer de la part de nos pays occidentaux : moins d’arrogance ; et moins d’ego. Sur ce dernier point, on ne peut pas grand-chose. Je suis pour l’innovation à condition qu’elle soit à but utile pour tous et non pas pour le profit de quelques-uns. Certaines populations d’êtres humains s’étant cru tout permis, elles ont aujourd’hui cassé leur jouet. Elles se réveillent avec la gueule de bois ? Normal. Le problème est : peut-on réparer les dégâts avec la seule technologie ?… "sciences sans conscience"… etc. On le sait maintenant, les marchands n’ont pas de limites. Ça doit changer ou bien on disparaît : c’est dommage que ceux qui régissent les lois soient les plus aveuglément bornés, sans vision globale car trop attachés à leur pré carré. Nous verrons bien. On peut faire des choses, mais la notion de compétition n’a pas encore détrôné celle de coopération. Repeindre les esprits en vert ? Attention, la peinture finit toujours par se craqueler. Non, il faut "simplement" changer d’état d’esprit, ces mêmes esprits que l’on a formatés depuis la fin 19e. Bon ben courage hein. :)

    17 juin 2009 à 8 h 07 min

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