Entretien avec Philippe de Villiers – Dieu et le roi : la double fidélité de Charette

Entretien avec Philippe de Villiers – Dieu et le roi : la double fidélité de Charette

4 Vérités : Philippe de Villiers, vous avez publié, sous le titre Le Roman de Charette, une biographie de ce célèbre général vendéen. Pourquoi avez-vous choisi de l’écrire à la première personne du singulier.

Philippe de Villiers : Parce que je voulais toucher le lecteur et, connaissant intimement la vie de Charette et voulant lui rendre un hommage vibrant, il m’est apparu très vite qu’un récit serait moins fort que la formule de la personnalisation que j’ai choisie. Il s’agissait pour moi d’établir un lien affectif entre un homme et les lecteurs de sa vie.

Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir Charette, plutôt qu’un autre des généraux vendéens qui apparaissent dans votre livre ? Qu’est-ce qui le caractérise par rapport aux autres chefs de la Vendée ?

Ils sont tous extraordinaires et admirables. Ils sortent tous de l’ordinaire, au sens littéral du terme puisqu’ils abandonnent leur quotidien. Ils sont tous exceptionnels, puisqu’on juge un homme non seulement par la vie qu’il a eu, mais par la mort qu’il a choisie, c’est-à-dire, dans leur cas, par le martyre et par une vie sacrificielle. Je ne veux donc pas les distinguer dans une hiérarchie du mérite qui serait de mauvais aloi et indélicate de ma part. Je les porte tous dans mon cœur ! Simplement, il existe quelques différences entre Charette et les autres. La première, c’est qu’il a eu, avant la guerre de Vendée, une longue vie de marin, il a participé à la guerre d’Amérique et à ses combats et son héroïsme lui a valu d’être promu, au mérite, lieutenant de vaisseau. Alors que la vie publique de la plupart des autres chefs a commencé avec la guerre de Vendée, Charette a considéré que la sienne était finie quand il a quitté la marine royale. Sa vie se décompose en trois temps : premier temps, onze ans dans la marine ; deuxième temps, trois ans d’errance et de retraite à Fonteclause ; et troisième temps, les trois années de la guerre de Vendée. Cela, c’est la première caractéristique originale de Charette : il y a le Charette terrien, le Charette marin, le Charette vendéen et le Charette breton. C’est pourquoi j’ai consacré une grande partie de mon livre au Charette marin et au Charette breton. Autre différence, il dure plus longtemps que les autres : il est le seul, avec Stofflet ; à tenir trois ans. Enfin, dernière différence liée à la précédente, il devient par la pratique de la guérilla une sorte de théoricien avant l’heure de la guerre moderne, fondée sur l’embuscade et le guet-apens.

Alors que la Grande Armée Catholique et Royale livre des batailles rangées…

Lui a compris qu’avec des occasionnels, il fallait faire une guerre d’occasions. Ne pas chercher à gagner, mais à durer. Pour résumer, premièrement Charette a été une grand marin pendant 11 ans ; deuxièmement, il a vécu et combattu plus longtemps que les autres grâce à son génie militaire ; et troisièmement, il a été le théoricien de la guerre de Vendée au sens où on l’entend aujourd’hui : une guerre de partisans dans les chemins creux… J’ajoute un dernier point, pour moi fondamental, c’est qu’il laisse derrière lui la trace d’un panache exceptionnel, notamment à la fin, lors de son exécution à Nantes.

Rentrant d’émigration, l’ancien officier de la marine royale se rend à Paris, à temps pour participer à la défense des Tuileries. Avant même que les paysans viennent le chercher, il est déjà au service du roi depuis longtemps. Selon certains historiens, les campagnes vendéennes se sont soulevées, au-delà du détonateur qu’a représenté la levée de 300 000 hommes, pour défendre la foi catholique, plus que le roi. Charrette est-il un chef royaliste ?

Charette est un politique. Donc, il ne dissocie pas la foi et le roi, parce qu’il pense que la foi ne peut être protégée que s’il existe un cadre politique protecteur. C’est la raison pour laquelle, épisode très important, lors des accords de la Jaunaye, il exige comme condition préalable qu’on lui remette le petit roi pour l’installer dans la principauté de Belleville, qui est pour lui le territoire de la reconquête, établi, je cite, « comme un corps de nation ». Charette est officier de par le roi, donc il reste fidèle au roi et à sa cocarde. C’est la genèse de la fidélité. Par ailleurs, Charette considère que la Révolution détourne toute forme d’autorité de sa légitimité – et de sa légitimité protectrice. La vision que l’on a aujourd’hui de Charette est évidemment différente depuis la chute du mur de Berlin et depuis que Soljenitsyne est venu en Vendée expliquer que la Révolution porte dans son ADN le germe terroriste.

C’est donc le premier des rebelles face au totalitarisme moderne ?

Il y a deux facilités auxquels les historiens post-modernes se rendent volontiers : certains disent que les Vendéens se sont battus parce qu’ils étaient royalistes, d’autres, qu’ils se sont battus parce qu’ils étaient catholiques. Les uns pensent qu’ils ne défendaient que le roi, les autres qu’ils ne défendaient que la foi. En réalité, ils se sont battus parce que Utreque fidelis. Pour Dieu et le roi. Pourquoi ? Parce qu’ils se battaient pour une société établie sur la protection des croyances ancestrales. Donc la foi et le roi, c’était la même chose. Les révolutionnaires leur ont d’ailleurs donné raison puisqu’ils ont guillotiné le roi et établi la Constitution civile du clergé, déporté les prêtres. Il est donc absurde de dissocier les deux aspects du soulèvement vendéen , l’aspect religieux et l’aspect politique. J’écris dans mon livre: « Les nouvelles autorités ont touché la maison de son cœur, là où repose en paix la petite demeure invisible où se loge un trésor plus sacré que la vie, les croyances ancestrales. Une manière de vivre en paix avec son voisinage. » Le roi faisait partie de ce voisinage.

Comme le succès de votre livre (déjà 50 000 exemplaires vendus), le Puy du Fou, gigantesque succès né autour des guerres de Vendée, montre que cette épopée passionne les Français, qui redécouvrent cette page de notre histoire.

En effet, le Puy du Fou est en pleine ascension, il n’en finit pas de grandir. Le martyre de la Vendée est au cœur de la cinéscenie – et, évidemment, le héros de la Vendée, Charette.

 

Philippe de Villiers
Le roman de Charette
Albin Michel
475 pages – 22 €

Acheter en ligne : http://www.les4verites-diffusion.fr/histoire/255-le-roman-de-charette.html

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Comments (4)

  • verdad Répondre

    Côté Maternel, mes ancêtres durent fuir la Bretagne pour sauver leur famille
    des Massacreurs de la République.
    Partis vers un Pays Catholique ils échouèrent en Espagne.
    Une des petites filles, ils étaient sans ressources, est arrivée en Espagne
    vêtue d’une Robe taillée dans un drapeau Breton.

    18 septembre 2013 à 10 h 16 min
    • France Répondre

      En période de guerre, il n’y a rien dans les magasins. Je me souviens qu’on taillait les vêtements des enfants dans les vieux vêtements des grand- parents.

      18 septembre 2013 à 14 h 33 min
      • philiberte Répondre

        pas besoin d’être en période de guerre, pour avoir des vêtements de récupération.

        19 septembre 2013 à 9 h 01 min
        • quinctius cincinnatus Répondre

          il suffit pour connaître cet Eden, de quelques mois d’hyper-socialisme après quelques années de soft-socialisme !

          22 septembre 2013 à 19 h 34 min

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