Le Pen et la dégénérescence de nos années gaullistes

Le Pen et la dégénérescence de nos années gaullistes


Je plaide coupable car j’ai dit souvent du bien de De Gaulle essentiellement pour des formules prorusses et sa « certaine idée de la France ». Mais les faits sont têtus et les années gaullistes incarnent le marais consumériste français (Baudrillard) et mai 68. Je ne me contredis pas ici, contrairement à ce que croient certains : c’est la réalité qui se contredit car elle est médiocre, pas le commentateur. On peut aimer Le Pen sans aimer le FN.

Milieu des années soixante : JMLP n’ose pas se représenter. On est trois ans après le désastre algérien, il laisse la place à Tixier qui fera une campagne lamentable. Le gaullisme n’en mène pas large : il industrialise pour rien la France, il l’américanise. Voyez Deux ou trois choses ou Week-end de Godard, lisez Debord. Les gens de droite pensent comme eux même s’ils n’ont bien sûr pas les mêmes rêves (ici aussi je me contredis pas, j’applique Sénèque : quod verum est meum est)…

En 67 rappelle Le Pen les gaullistes prendront un torchon aux Législatives, prélude à la chienlit, dont notre penseur prévoit qu’elle viendra avec un mot-clé : interdire (puisqu’il est interdit d’interdire), notamment le passé, la tradition, la famille et le reste. J’oubliai : le milieu des années 60, c’est Vatican II. Ceux qui font mine de débarquer avec le calamiteux pape actuel se moquent du monde. Le ver était dans le fruit, et l’a dévoré.

Un peu de Le Pen donc qui aura pas eu sa chance du débutant pas plus qu’il n’aura comme on sait sa chance du vétéran :

« J’avais été député, orateur poujadiste, rapporteur du budget de la guerre, mais j’étais assez timide, et puis mes aventures picaresques ne m’avaient pas mis au premier plan, les gens m’aimaient bien mais me trouvaient encore un peu étudiant, trop tendre pour un premier rôle. Nous n’avions pas de nom, il en avait un, il avait aussi un mandat : il était l’avocat des proscrits, des souffrants, des gens en prison, il avait défendu ceux qui allaient au poteau, cela lui donnait une image romantique. »

Echec et commentaire :

« Je me retirai donc, sans possibilité d’agir. Les cent fédérations, les cent mille militants s’évanouissaient avec d’autres rêves. Les législatives de 1967 allaient être une catastrophe, d’abord pour Tixier et son ARLP. Il avait vendu l’avenir de la droite nationale pour un plat de lentilles vide. Je lui en ai beaucoup voulu, notamment en 1968. S’il y avait eu un vrai parti de droite avec une organisation militante en ordre de bataille, la face du monde, ou au moins de la France, aurait pu s’en trouver changée. »

Le Pen ajoute :

« J’aurais dû être moins timide. Je tenais bien en main le CECON. Nous aurions eu les cent mille militants. Gagné des années. Changé Mai 68. Réussi l’union des patriotes qui a toujours été mon objectif. Lancé quinze ans plus tôt, et dans une société beaucoup plus saine, l’aventure qui a produit le Front National. »

Et j’aime bien cette phrase : dans une société plus saine. C’est la France du gendarme, du Petit baigneur qui est encore là, en pleine transformation ; après ce sera les Valseuses, le règne du gauchisme et du porno, la France défigurée de Blériot-Péricard et la politique d’immigration ratée.

Jean-Marie Le Pen regrette d’avoir alors raté le coche :

« Sur le plan politique, ce fut l’échec de la création d’un Front National de cent mille adhérents à partir du Comité T V. Les conséquences en seront catastrophiques : en 1968 il n’y aura pas pour s’opposer à la révolution petite-bourgeoise de Cohn-Bendit le grand parti national que nous avions projeté de construire. »

Il est vrai que le but du gauchisme reste maigre : le petit-bourgeois rebelle et bobo (idiot, en espagnol) se contente de bouffer bio, de la lecture de Naomi Klein et du vote Mélenchon puis Macron…

Ce qui est frappant pour terminer c’est de rappeler le maigre bilan du gaullisme : écroulement impérial, dévastation du pays, discrétion diplomatique malgré les coups de gueule  anti-américains, antisionisme pas rentable comme toujours, et pour finir un départ en catimini, sous les huées.

On laisse la conclusion à notre artiste : « Je demeurai frappé d’une sorte de taedium publicae rei. » C’est quasiment la formule de Salluste que j’ai cité chez Dechavanne lors de ma maigre apparition politique : la République tirera plus d’avantage de mon repos, que de l’agitation des autres.

Je la redirai en latin pour exaspérer les imbéciles et rafraîchir l’imagination des bons chrétiens (Léon Bloy) : maiusque commodum ex otio meo quam ex aliorum negotiis rei publicae venturum.


Sources

 Jean-Marie Le Pen – Mémoires, tome premier (éditions Müller)

C. SALLVSTI CRISPI BELLVM IVGURTHINVM

 

 

 

Partager cette publication

Comments (13)

  • KAVULOMKAVULOS Répondre

    Hum! Avec un acronyme comme le “CECON”, le succès était loin d’être assuré ! Pourquoi pas prendre un secrétaire général au doux nom de Jean Filmasseur ?

    31 juillet 2018 à 19 h 26 min
  • jacqueline Répondre

    nul n est parfait, mais une chose est certaine LE PEN travaillait pour la FRANCE, ce n est plus le cas aujourd hui, les politiques travaillent pour eux, pour la mondialisation cela rend la vie pénible pour ceux qui aiment leur pays!

    31 juillet 2018 à 8 h 21 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      ” … travaillait pour la France ”

      … s’ agiter n’ est pas travailler !

      6 août 2018 à 10 h 35 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    JM Le Pen est un bon rugbyman, malheureusement il ne sait pas transformer les essais.
    Dommage, un septennat ou un quinquennat avec lui aurait été intéressant.

    30 juillet 2018 à 16 h 32 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      je le dessinerais plutôt en cocotte – minute !

      1 août 2018 à 16 h 55 min
      • HansImSchnoggeLoch Répondre

        Essayez de ne pas toujours penser à la cuisine.
        Pratiquez du sport, du rugby par exemple.

        1 août 2018 à 20 h 40 min
        • quinctius cincinnatus Répondre

          dans ma jeunesse et pendant dix ans, j’ ai joué au rugby et pratiqué l’ athlétisme : une éducation typiquement anglaise … le grec en moins … ah la boxe aussi … au lycée

          merci du conseil

          1 août 2018 à 23 h 54 min
  • périscope Répondre

    Monsieur Le Pen serait ‘il atteint de la même affection qu’un certain Hollande, qui lui fait enjoliver son action passée ?

    30 juillet 2018 à 15 h 56 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      on se voit toujours plus beau, plus intelligent, plus courageux qu’ on est

      personne n’ échappe à cette règle humaine trop humaine … moi compris ***

      *** je prend les devants , je sens le tigre ( en papier … W.C. ) Brenus prêt à bondir

      1 août 2018 à 16 h 53 min
      • BRENUS Répondre

        Pourquoi “pret à bondir” : pour une rare fois ta grosse gonfle ne se reconnait pas que des qualités. Bon je roupille.
        Mais ce n’est que fausse modestie de ta part alors que constamment et selon la formule anglaise tu es toujours ” à la pêche aux compliments”, ta vanité n’ayant aucune borne/ De plus, tu n’en n’es pas à une aporie près pourvu que cela flatte ce que tu crois être un esprit affuté.

        5 août 2018 à 2 h 03 min
        • quinctius cincinnatus Répondre

          c’ est vrai que mon esprit n’ a pas le tranchant du vôtre !

          quant à l’ aporie , permettez moi cette remarque :

          ” le doute n’ est pas une contradiction absolue d’ un raisonnement ”

          je sais que vous, vous ne doutez pas, jamais même, ce qui est un signe fréquent chez …

          j

          6 août 2018 à 10 h 31 min
  • IOSA Répondre

    M. Lepen JM es-spécialiste de l’auto-sabordage, était sans doute dans une autre vie un pharaon désirant être enterré avec ses esclaves.

    Fort heureusement, Mme. Marine Lepen a sut éviter l’emmurement.

    30 juillet 2018 à 11 h 31 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      mais Jean-Marie est resté TOUTE SA VIE l’ éternel étudiant qu’ il était à la Corpo de Droit

      d’ accord, la politique cela a quelque chose de clownesque mais il n’ est pas nécessaire pour autant d’ en rajouter

      un tout petit peu de ” sérieux ” aurait suffi !

      30 juillet 2018 à 16 h 02 min

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Vous venez d'ajouter ce produit au panier: