Les grandes dames de Diên Biên Phu

Les grandes dames de Diên Biên Phu

Philippe de Maleissye, Contrôleur général des armées, raconte sur le site de la FSALE (Fédération des sociétés d’anciens de la Légion étrangère).

La bataille de Diên Biên Phu, du 13 mars au 7 mai 1954, a fait, côté français, 16 000 morts, blessés et prisonniers, et marqué la fin de la guerre d’Indochine.

Dans la « cuvette », se trouvait Geneviève de Galard, infirmière-chef du camp retranché, qui resta jusqu’au bout pour s’occuper des blessés et des agonisants.

Était-elle seule ? Non. Elle fut aidée par des femmes dont le métier fut passé pudiquement sous silence : les putains du BMC (Bordel Militaire de Campagne), installé par une armée soucieuse du moral de ses troupes.

Européennes, Maghrébines ou Annamites, ces très grandes dames furent, aux dires des survivants, admirables de courage, bravant le feu et la mitraille pour venir au secours des soldats.

Aucune n’a survécu. Prisonnières du Vietminh, celles d’origine vietnamienne ont été exécutées. Les survivantes algériennes ont été libérées.

Alain Sanders, journaliste à « Présent », a rencontré quelques années plus tard le Dr Grauwin qui fut le médecin-chef du camp situé dans la cuvette.

Le journaliste demanda au docteur s’il connaissait le sort des prostituées du BMC de la Légion – des Vietnamiennes donc.

Ce dernier lui apprit que « ces filles étaient de vrais soldats. Elles se sont conduites de façon remarquable. Tous mes blessés, amputés ou opérés du ventre étaient à l’abri dans des trous souterrains. Et il fallait qu’ils pissent, qu’ils fassent leurs besoins et leur toilette. Ce sont ces prostituées transformées en anges de la miséricorde qui m’ont aidé, qui ont permis à nos blessés de supporter leurs misères. »

Plus tard, Grauwin a appris d’un prisonnier, auquel un commissaire politique a parlé de ces femmes, que ces dernières, n’ayant plus rien d’autre à offrir, se sont conduites comme des soldats. Elles ont pris les armes et ont tiré sur le Vietminh.

Dans la vallée, plusieurs centres de résistance furent implantés par les Français, dont « Béatrice », tenu par un bataillon de la 13e DBLE (Demi-Brigade de Légion Étrangère) et « Gabrielle », tenu par un bataillon de tirailleurs algériens.

Dans ces deux centres, des BMC furent installés. Les légionnaires eurent droit à des prostituées vietnamiennes ; les tirailleurs à des nord-africaines.

Lorsque ces deux centres furent attaqués, leurs chefs de bataillons respectifs ordonnèrent aux femmes de rejoindre le centre du camp pour les soustraire aux combats.

Au réduit central, le colonel de Castries leur ordonna de prendre le prochain avion pour rentrer sur Hanoï. Toutes refusèrent et restèrent au service des soldats français comme aides-soignantes, lavandières ou cuisinières.

À la chute du camp retranché, elles furent capturées par les soldats vietminh et envoyées en camp de détention où nul n’entendit plus jamais parler d’elles.

Ces prostituées méritent, me semble-t-il, d’être qualifiées, selon le mot de Philippe de Maleissye, de « Grandes Dames de Diên Biên Phu ». n

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Comments (3)

  • andycup Répondre

    Voici un lien vers le tableau dont je parle plus haut
    https://postimg.cc/N2F40fJ4

    6 juin 2023 à 11 h 45 min
  • andycup Répondre

    Salut à tous

    Un tableau a été réalisé en hommage à ces femmes extraordinaires. Il s’intitule “Dernières-premières”. Dernières car quelles femmes étaient considérées comme les dernières des dernières sinon les prostituées des “bordels militaires de campagne” ? Premières car ces femmes, par leur courage et leur dévouement hors du commun ont été, et resteront à jamais, les plus grandes, les premières…

    1 juin 2023 à 8 h 35 min
  • Sansillusions Répondre

    Par contre, le chef qui ordonna à ses troupes d’aller s’installer dans ce piège était très loin d’être “grand” lui. Même s’il portait un nom à charnière.

    11 avril 2023 à 16 h 37 min

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