Quelle justice pour Loïc Le Ribault ?

Quelle justice pour Loïc Le Ribault ?

Le Ribault (voir mon article du N° 419 sur l’Affaire Chanal) comparaissait ce 5 février devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, accusé de l’impardonnable exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, pour avoir soulagé ou guéri de leurs maux des milliers de personnes avec un produit de son invention, le G5. La République ne pouvait pas laisser un tel monstre en liberté, alors que nous disposons d’un merveilleux corps médical qui a fait des Français les plus grands consommateurs de médicaments de la planète, les a si bien bourrés d’antibiotiques que la plupart de ceux-ci sont devenus inefficaces et qu’il faut maintenant marteler à la télévision : « les antibiotiques, c’est pas automatique », et qui a si bien su gérer les hôpitaux que vous avez désormais plus de chances d’y être contaminé que d’y être guéri.

Je vous résume la carrière du docteur ès sciences Loïc Le Ribault : À l’âge de 24 ans, ce surdoué invente l’exoscopie (méthode hyperpointue d’utilisation du microscope électronique à balayage) et devient le premier spécialiste mondial en la matière. Le voici parcourant la planète pour de nombreuses missions. Mais Le Ribault est un patriote doté de sens civique (comme c’est bizarre !). Il veut d’abord servir son pays et il offre donc ses services à l’État, suggérant la création d’un laboratoire national d’expertise. Faut-il être naïf ! Les cloportes des ministères n’opposent que silence ou mépris aux projets qu’il leur soumet. Il crée alors son propre laboratoire (le C.A.R.M.E.) qui connaît dans les années quatre-vingt-un succès foudroyant, car de nombreux juges d’instruction (qui peuvent choisir leurs experts), déçus par le travail des services publics (est-ce possible ?), se fient à Le Ribault. Il devient un expert apprécié et il est mandaté dans les enquêtes sur les plus grandes affaires criminelles (Action directe, Époux Carty, Tuerie de Huos, Simone Weber, le petit Grégory, Chanal…). Son laboratoire emploie une trentaine de personnes. Et Le Ribault, ne songeant qu’à être utile, va former gratuitement plus de 1 500 policiers, gendarmes et magistrats aux techniques des prélèvements d’indices. Il devient presque célèbre et la presse le consacre « rénovateur de la police scientifique française ».

Mais les serviteurs de l’État peuvent-ils admettre qu’un laboratoire privé remplisse les devoirs qui incombent à la puissance publique ? Non, bien sûr. Alors ils se mettent au travail et rénovent leurs méthodes d’investigation. Comment ? En copiant les techniques de Le Ribault et en allant jusqu’à contrefaire l’un de ses instruments, le « tamponnoir » (toujours utilisé sans versement de droits à son inventeur, malgré son brevet). Du coup, les commandes au C.A.R.M.E se raréfient brutalement et Le Ribault est vite ruiné.

Mais notre homme a découvert entre-temps les vertus curatives du silicium organique. Il travaille avec le chimiste Norbert Duffaut, qui a fait la même découverte, et tous deux perfectionnent leur produit mais on leur refuse sans raison l’AMM.

Duffaut décède. Le Ribault continue seul et met au point le G5, assimilable par voie interne ou externe. Il le propose aux patients affligés d’arthrose, de rhumatismes articulaires, d’eczéma… Et c’est encore un succès foudroyant. Tout le monde en veut dans le Sud-Ouest. Plainte de l’Ordre des médecins et de celui des pharmaciens de la Gironde (Pas une seule plainte de patient mais des centaines de témoignages de reconnaissance). Un juge d’instruction zélé emprisonne le bienfaiteur à Gradignan en 1997. La Chambre d’accusation le libère après 65 jours de prison. Un ami policier le prévient peu après qu’on va l’arrêter de nouveau. Il s’enfuit aux Antilles. La police soumet sa mère de 85 ans à un interrogatoire de 5 heures. Elle meurt quelques jours plus tard. Désormais, Loïc Le Ribault hait la France. Qui ne le comprendrait ? Exilé en Irlande, il crée une entreprise pour commercialiser le G5 par correspondance. Et c’est encore un énorme succès. L’État français lance contre ce dangereux criminel un mandat d’arrêt international. Le Ribault commet l’imprudence d’aller en Suisse où il est arrêté en novembre 2003, puis extradé après deux mois de prison et son procès vient de se dérouler à Bordeaux. Le jugement sera rendu le 12 février.

Les médias ont mis Le Ribault à la une. Le 20 heures de TF1 lui a consacré le 4 février un reportage se terminant sur une histoire d’expertise de tableau totalement farfelue. Le 5 février, Canal+ à 12 h 45 et FR2 à 20 heures ont fait beaucoup plus sérieux et « Le Monde » lui a consacré une page entière le même jour. Si Le Ribault est condamné, malgré les immenses services rendus au pays, nous saurons que la France est gouvernée de fait par l’Ordre des médecins. Ce qui expliquerait qu’elle soit si malade…

Partager cette publication

Comments (10)

  • Jean-Daniel Metzger Répondre

    Sur le "G5" voir http://silicium.blogspirit.com et le livre de JD Metzger intitulé Loïc le ribault et le G5, l’Aventure du silicium organique (Editions Ambre) parutio octobre 2010.

    20 septembre 2010 à 17 h 23 min
  • mireille dumond Répondre

    j’ignore si le produit nommé G5 par Loïc Le Ribault est une supercherie ou non ce que je sais par contre c’est qu’à partir du moment ou l’absence de toxicité de ce produit a été prouvé ce qui est le cas pourquoi en faire un tel “fromage”, il y a tellement “de poudre de perlimpinpin” sur le marché et dans tous les genres et avec la bénédiction des autorités compétantes de répression des fraudes et autres instances (parceque jusqu’à nouvel ordre ce qui fait “bander” le monde c’est le fric) que je finis par conclure qu’il y a peut-être du vrai dans la molécule de Loïc le Ribault qui effectivement dérange….

    17 février 2006 à 18 h 10 min
  • Association AMESSI Répondre

    L’HISTOIRE VRAIE DU SILICIUM ORGANIQUE (G5) DROIT DE REPONSE du Docteur ès Sciences Loïc LE RIBAULT au Sieur Jean-Claude THIMOLEON et par extension à son Employeur, le Groupe GLYCANMETAL (Laboratoire GLYCAN, Société Pharmaceutique Glycanmetal) en la personne de son représentant, le Docteur Christian-Daniel ASSOUN URL de cette page : http://loicleribault.amessi.asso.fr/G5silicium_droitdereponse.htm

    20 juillet 2005 à 14 h 27 min
  • Jacques Répondre

    Bonjour, Je note que vous ne me contredisez pas en disant que l’industrie contrôle entièrement la mise sur le marché des produits. Celui-ci doit donc impérativement être brevetable et il y a très peu de recherche sur les génériques, les nutriments, vitamines, minéraux… Et quand il y en a cela ne débouche sur rien car toute la communication vers les prescripteurs est entièrement sous contrôle des industriels de même que les produits disponibles et leur remboursement. De plus un nouveau produit ne doit pas concurrencer un produit rentable de la même firme. Il doit s’intégrer dans une stratégie marketing. On vise le plus souvent des pathologies à la mode qui devrait être traitée par des mesures hygiéno-diététiques comme le cholestérol élevé, le diabète, etc. On cherche en permanence à remplacer des produits éprouvés par de pseudo nouveautés hors de prix, etc. Les firmes ont la maîtrise de l’analyse statistique des essais et il n’y a pas vraiment de contrôle indépendant lors de l’AMM. Les médecins hospitaliers sont rémunérés pour les essais ce qui devrait être interdit et l’hôpital est souvent très mal informé sur les essais se déroulant chez lui et n’est pas toujours déffrayé des frais engagés, etc. Il y a certainement des chercheurs honnètes, mais ils cotionnent le système malgré eux. Jacques http://gestionsante.free.fr

    20 février 2004 à 14 h 23 min
  • cast Répondre

    réponse à jacques. Sur le dossier Ribaut,il est exact que je ne suis pas informé (c’est d’ailleurs ce que j’ai mentionné).Concernant la liberté des chercheurs,il faut à mon avis,se garder de tout délire paranoïaque et de tout amalgame.Quand je dis qu’il existe en France des chercheurs capables de mener une étude indépendante des lobbies,je crois savoir de quoi je parle (j’en ai moi-même menées).Encore faut-il se plier à la règle de l’évaluation scientifique et ne pas réclamer une AMM pour un médicament qui n’a pas fait la preuve scientifique de son efficacité.Il est également vrai que la pression de l’industrie pharmaceutique est considérable (comme dans toute recherche),mais il relève de l’éthique de chaque chercheur de garder son indépendance et on ne fera croire à personne que la recherche en France (en particulier médicale) est noyautée par une bande d’horribles mafieux sans vergogne.

    18 février 2004 à 10 h 03 min
  • Jacques Valentin Répondre

    cast écrit : “Quoique vous sembliez en penser,il existe suffisamment de bons médecins en France pour accepter de faire des études contrôlées sur un nouveau traitement prometteur,même s’il n’augure pas de juteux bénéfices pour l’industrie pharmaceutique.” Cher monsieur vous êtes bien mal informé, la recherche est totalement verrouillée par l’industrie et les pouvoirs publics n’ont jamais assuré la mise sur le marché du moindre médicament depuis plus de 20 ans. De plus, les frais de dossiers des AMM sont faramineux et les firmes paient aux hospitalo-universitaires des sommes incroyables pour chaque patient participant aux essais. Aucun produit non brevetable ne peut plus être évalué scientifiquement dans ce contexte. Cela crée également un climat de vénalité effrayant d’autant que ces médecins ont d’innombrables autres avantages des labos. En plus ces messieurs font ensuite bénéficier de leur “expertise indépendante et gratuite” l’agence du médicament pour évaluer les produits en présentant des “déclarations de conflit d’intérêt” qui font s’esclaffer tous ceux qui connaissent le sujet. Vous pouvez imaginer comment ce produit peut être reçu dans un tel contexte. De toute façon des produits comme le G5 (une forme de silice) sont des compléments alimentaires partout en Europe et il n’y a qu’en France que l’on peut voir des procès délirants comme celui-là. Aucun expert indépendant spécialiste de la silice ou médecin ayant l’expérience de ce genre de produit n’a été entendu à Bordeaux où tous ceux qui se sont exprimés étaient à charge (via les avocats des parties civiles) et où les juges relayaient la procureur pour accabler le prévenu. Le procès a été organisé quasi en 1 semaine alors qu’il aurait fallu 3 mois pour faire un procès contradictoire, mais on ne voulait pas qu’il comparaisse libre à l’audience (il risquait d’être remis rapidement en liberté si le procès était renvoyé). S’il était comparu libre, il serait resté en liberté jusqu’à l’appel et on aurait pas pu l’embastiller en attendant. La peine a été aussi calculée pour l’empêcher de bénéficier des amnisties intervenues entre temps. La peine est d’une sévérité sans précédent même pour la France, compte tenu de l’absence de toxicité du produit, du casier judiciaire vierge et de l’absence de toute pleinte de patient pour un produit utilisé par des milliers de personnes, que dire aussi du fait que plusieurs sociétés distribuent le même genre de produit sans la moindre entrave, etc. etc. etc. C’est ça la France de 2004, une république bananière ! Jacques http://gestionsante.free.fr

    17 février 2004 à 15 h 48 min
  • lagorre Répondre

    Un point positif: on en parle à la télé. Celle ci a en effet le pouvoir de diffusion le plus rapide et le plus direct de tous les media. Bien sûr, l’information qu’elle délivre est moins sérieuse qu’un livre, mais Savants maudits Chercheurs exclus que vous avez écrit depuis déjà fort longtemps, n’a jamais eu autant de lecteurs que la télé a de spectateurs. L’administration médicale ne triomphera pas, la France ne peut être si malchanceuse.

    16 février 2004 à 14 h 29 min
  • Jacques Valentin Répondre

    Bravo, Article aussi amusant qu’informatif et objectif. Voilà qui tranche avec la langue de bois des médias. J’ajouterai que Le Ribault a écrit plusieurs excellents livres à compte d’auteur sur ses aventures qu’on peut se procurer auprès de sa société en Irlande. Jacques http://gestionsante.free.fr

    16 février 2004 à 14 h 14 min
  • cast Répondre

    Pourquoi votre article donne-t-il la désagréable impression d’un France-Dimanche de bas étage? A cause de la caricature? Certainement.Un peu de recul dans cet affaire aurait surement été de meilleur aloi.L’histoire de la médecine regorge en effet de fausses découvertes et de vrais charlatans.Quoique vous sembliez en penser,il existe suffisamment de bons médecins en France pour accepter de faire des études contrôlées sur un nouveau traitement prometteur,même s’il n’augure pas de juteux bénéfices pour l’industrie pharmaceutique.En l’absence de telles études,il est facile d’affirmer que ce traitement est d’une efficacité inégalité ,et n’est pas accepté par suite d’une conspiration brumeuse.On ne peut p

    16 février 2004 à 13 h 54 min
  • isocrate Répondre

    Vous devriez savoir ceci (je cite la dépêche AFP): ” Le chercheur Loïc Le Ribault a été condamné jeudi par le tribunal corrrectionnel de Bordeaux à un an de prison dont six mois avec sursis pour exercice illégal de la médecine et de la pharmacie. Il a été relaxé pour les délits de tromperie sur qualité substantielle de la marchandise et de préparation, importation ou distribution de médicaments à usage humain. Il devra par ailleurs verser une amende de 8.000 euros et verser des dommages et intérêts de 5.000 euros à l’ordre des médecins et 10.000 à l’ordre des pharmaciens. Deux ans de prison, dont au moins un an ferme, et 37.000 euros d’amende, avaient été requis à son encontre.” La question n’est donc pas de savoir si son traitement est efficace ou non et s’il soulage les patients, mais bel et bien qu’il a commis le crime impardonnable de braver la médecine des Diafoirus, et autres Purgon de la Faculté. Hélas, nous ne sommes plus au temps de Molière, ni de Louis XIV, lorsqu’il y avait encore un peu de liberté d’expression, d’humour et de gaîté dans ce pays! Ignorantus, ignoranta, ignorantum!

    16 février 2004 à 11 h 13 min

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *