Un tsunami à fort relent pétrolier

Un tsunami à fort relent pétrolier

Le tsunami n’avait pas refroidi que déjà on évoquait le péril nucléaire ; la troisième guerre mondiale ; Hiroshima mon humeur et les périls dans la vallée du Rhône.

On en oubliait d’expliquer le phénomène lui-même ; on en oubliait le nombre de morts causées par la catastrophe : le plus important était de souligner aux populations, en les affolant, les périls à venir toujours liés au nucléaire. En dépit d’Hiroshima, nom d’une célèbre centrale nucléaire bâtie jadis par le shogun en dépit des objurgations des écologistes, les japonais avaient quand même construit, que dis-je, édifié de monstrueuses centrales : eh bien ils allaient le payer.

Il n’y a pas de quoi faire de l’humour dans cette histoire : mais qui en fait ? Eux ou moi ? Ceux qui sautent sur l’occasion pour déclarer la guerre pour la quarantième et rugissante fois au nucléaire, ou ceux qui faisaient remarquer que les médias ne faisaient pas leur travail (ou ne le faisaient que trop bien) et que le vrai péril n’était pas là.

Nous en étions donc à un baril de pétrole à 120 dollars ou plus, d’interminables guerres civiles dans le monde arabe, d’improbables conquêtes démocratiques menées par d’anciens inculpés d’attentats terroristes (comme en Espagne, avec un accusé libyen des attentats d’Atocha) ; nous en étions donc à une nouvelle crise liée à la montée des prix du pétrole et de la spéculation, et aux émeutes frumentaires qui se distribuent partout plus sûrement qu’une marée noire en Louisiane. Nous en étions donc à de nouveaux déficits record de la balance commerciale américaine et à tout un panel de catastrophes plus insolubles les unes que les autres. Nous en étions donc à une Europe recouverte d’éoliennes toutes plus inutiles, coûteuses et laides les unes que les autres ; nous en étions enfin à des programmes de soutien permanents aux constructeurs automobiles, à la bagnole conçue comme objectif nec plus ultra de la civilisation occidentale mondialisée. Tout est bon pour nous faire passer à la pompe.

Et voilà que pauvre nucléaire reparaît et pointe le bout de son nez. Il est la rate de notre civilisation de malades imaginaires qui cherchent le mal où il n’est pas là, l’ignorant où il se trouve. Le nucléaire, c’est la rate, vous dis-je. Il est responsable de tous les maux sur la terre. Tant pis si nous avons plusieurs fois déclaré la guerre à l’Irak au nom de la démocratie, c’est-à-dire du pétrole, tant pis si Hitler a fait vint millions de morts à l’union soviétique pour lui voler son pétrole, tant pis si nous avons défiguré notre planète pour obtempérer au modèle de Chandler, maire et propriétaire foncier de Los Angeles qui décida dans les années 20 de notre futur : un boulot au centre-ville, des pavillons à 50 km et des autoroutes. Le tout arrosé de sang, de pétrole et de dollars pour le bien commun.

Le nucléaire a commis mille fois moins de crimes que le pétrole ; il a tué mille fois moins de monde (c’est sans doute ce qu’on lui reproche) ; il a mis fin à la deuxième guerre mondiale avant qu’elle ne fasse deux millions de morts supplémentaires (ne pas oublier, à ce propos , que le Japon lance Pearl Harbour après que Roosevelt a imposé l’embargo sur le… pétrole) ; il a créé la seule énergie moderne, non polluante, la seule que le prix Nobel britannique, lanceur du concept de Gaia, estime à même de nous sauver des différents désastres que nous affrontons, comme la destruction de l’Amazonie et du Chaco pour la fabrication de l’abject éthanol.

Le Japon, un nouveau Tchernobyl ? Au fait, qui nous dira le bilan de Tchernobyl ? J’en étais resté à trente-deux morts dans les années 90, soit certainement moins que le bilan des guerres au Moyen-Orient et dans le monde arabe ; soit certainement moins que les 500 morts quotidiennes au Nigéria, dont tout le monde se fout d’ailleurs. A écouter les médias, il y a eu vingt millions de morts en URSS, sans compter les bébés à trois têtes.

D’ailleurs concluons sur une bonne nouvelle : Tchernobyl signifie l’étoile absinthe, allusion directe à l’Apocalypse. C’est Dostoïevski qui en parle, de l’étoile absinthe, dans le contexte eschatologique de l’industrialisation européenne : et il fait dire à son personnage de l’Idiot que l’étoile absinthe c’est le réseau ferroviaire… pas les centrales nucléaires, bouc émissaire depuis cinquante ans de notre déplorable civilisation matérielle et industrielle.

Les victimes du tsunami doivent l’apprendre : c’est le nucléaire seul qui les a tués. Pendant ce temps, les actions des trusts pétroliers peuvent encore monter. Car on n’est pas sortis de leur auberge, de leurs eaux noires et débordantes.

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Comments (3)

  • Rosanov Répondre

    Voilà un article digne de la Pravda moscovite.    Il confirme que ceux qui défendent le nucléaire ne savent le faire qu’à travers le mensonge.  Dire que le nucléaire a fait moins de victime que le pétrole c’est juste grossier.  Le nucléaire fera des victime pendant plusieurs millénaires. C’est sa particularité par rapport à toute autre pollution.   Ne faire porter la comparaison que sur le court terme c’est tout simplement malhonnête.

     

    22 mars 2011 à 22 h 52 min
  • Guillermo Répondre

    Les Chinois ont tout compris.  Fini le nucléaire on passe dès aujourd’hui à la fabrication tous azimuts des panneaux solaires et des éoliennes.

    Pendant ce temps dans notre vieux pays à bout de souffle, des ringards des années 40 vont discuter à perte de vue pour savoir s’il faut l’abandonner.

    Ils rejoignent les communistes qui pensaient comme à Tchernobyl que le nucléaire est l’avenir de l’homme.

    Nos centrales ne se vendront plus qu’à des dictateurs qui voudront s’en servir juste pour se procurer l’arme nucléaire. 

    22 mars 2011 à 22 h 45 min
  • Nec mergitur Répondre

    Monsieur Bonnal ne devrait pas sortir du domaine dans lequel il excelle, celui du rêve par écran interposé et de l’adulation d’idoles en carton pâte, dont Gary Cooper et John Wayne qui semblent occcuper le centre de son panthéon.  

    La question du nucléaire est à considérer selon les points de vue de l’éthique et de l’ontologie, et avec sa conscience, pas sous les angles purement triviaux de l’économie et du petit confort d’ici et maintenant.   

    21 mars 2011 à 13 h 08 min

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