Après la Grèce, l’Irlande frôle la faillite : quelles leçons ?

Après la Grèce, l’Irlande frôle la faillite : quelles leçons ?

L’Irlande marche-t-elle vraiment dans les pas de la Grèce ? A première vue, leurs histoires sont assez proches. Dans la crise qui secoue le monde, la République celtique est le deuxième pays de la zone euro à venir réclamer l’aide de la Commission européenne et du FMI pour sauver ses finances.

Ces deux pays sont aux frontières de l’Union. Durant leur forte croissance des années 2000, avec des salaires élevés (5 à 6 % d’augmentation par an contre 2 % dans la zone euro), ils ont accumulé les excès et il leur faut aujourd’hui une centaine de milliards d’euros pour se remettre à flot. Pour l’Europe, les deux épisodes ont la même signification : il faut mieux surveiller, mieux sanctionner. Mais, attention : leurs histoires sont différentes et il faut en tirer des leçons différentes.

Les deux pays sont éloignés, et pas seulement sur le plan géographique. Economiquement, Athènes est tournée vers la Méditerranée, avec sa tradition de finances publiques prodigues. Dublin, elle, regarde vers le Royaume-Uni et son attrait pour la finance privée.

Avant la crise, l’Irlande était en excédent budgétaire : +3 % du PIB en 2006, avec une dette limitée à 25 % du PIB. La Grèce, elle, n’a jamais approché l’équilibre : le moins mauvais chiffre était 4 % de déficit en 2006, avec une dette atteignant déjà les 100 %.

Les événements reflètent ces divergences. La Grèce vit une crise de la finance publique, l’Irlande une crise de la finance privée. Athènes a laissé filer les dépenses de l’Etat à la française, puis aggravé son cas en dissimulant la réalité. Dublin a laissé les banques faire n’importe quoi, à l’anglaise. Le gouvernement irlandais a dû nationaliser les établissements en difficulté et la crise est alors devenue majeure avec un déficit public de… 32 % du PIB. Dublin a poussé alors les banques à solliciter massivement les fonds de la Banque Centrale Européenne, la BCE. Mais l’origine de la crise irlandaise est bien privée, alors qu’elle est publique en Grèce.

La Grèce était considérée comme un mauvais élève, l’Irlande était enviée.

Cette différence de nature amène une différence de comportement. Athènes a fait appel aux Européens, car il n’y avait plus d’argent dans les caisses pour rembourser les emprunteurs ou payer les fonctionnaires. A l’inverse, Dublin aurait pu tenir encore des mois, car le gouvernement avait accumulé des réserves pour passer l’hiver financier et ses banques pouvaient continuer de se refinancer auprès de la BCE. Mais la BCE en avait assez d’acheter des produits irlandais pourris et les autres pays redoutaient les effets de contagion : sur l’Espagne pour sa dette publique, sur le Royaume-Uni pour ses banques. Ce sont donc les pays européens qui ont poussé le gouvernement irlandais à accepter un plan d’aide pour sauver ses banques.

L’autre différence entre les deux pays est encore plus nette. La Grèce était considérée depuis longtemps comme un mauvais élève, alors que l’Irlande était enviée. La Grèce avait été admise dans l’Union européenne pour préserver sa démocratie, puis dans l’euro malgré ses mauvaises notes, seulement parce que c’était un pays qui semblait trop petit pour mettre en péril l’édifice monétaire. Sa crise a confirmé les principes européens : en union monétaire, il faut exercer une vigilance budgétaire permanente.

Pour l’Irlande, c’est différent. Elle était le bon élève de l’Union. Exemplaire durant des années, le pays avait su profiter des subventions de l’Union pour engendrer un boom économique. Exemplaire aussi dans la tempête, qui avait commencé fin 2006 : le gouvernement a appliqué le remède des pays en difficulté, relevant les impôts et taillant dans les dépenses publiques pour rééquilibrer ses comptes, bien avant que Bruxelles ne tire la sonnette d’alarme.

Or la crise irlandaise dépasse en ampleur la crise grecque ! Dublin a besoin d’autant d’argent qu’Athènes… pour un pays trois fois moins peuplé. Après la crise irlandaise, l’Europe va devoir repenser ses critères d’évaluation de politique économique. Il faut admettre l’idée que si la folie publique peut atteindre des sommets, les excès privés peuvent se révéler encore plus graves.


Hubert Beaufort

Avec l’aimable autorisation de Radio Notre-Dame

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Comments (2)

  • Dobb Répondre

    Un système de banque centrale – une monnaie unique imposée à la population par l’Etat – est un système communiste, rien d’autre. Son fonctionnement fera toujours que n’importe quelle banque, aussi pourrie soit-elle, sera toujours "too big to fail", puisque toute faillite d’une banque entraîne immanquablement, en cascade, la faillite des autres banques partageant la même monnaie.

    Tous les banquiers savent cela, et savent donc très bien qu’ils bénéficient ainsi d’une assurance gratuite et illimitée offerte par le contribuable. Dans ce système communiste, où les pertes sont de toutes manières mutuellisées, pour quelle raison un banquier adopterait-il encore une gestion prudente et se priverait-il des juteux revenus d’une prise de risque élevée ? D’autant plus que si lui reste prudent, il sera de toutes façons mis à contribution pour sauver les banquiers qui ont pris des risques inconsidérés. C’est ce que les anglo-saxons appellent "l’aléa moral" (les intérêts pécuniaires du banquier lui dictant de prendre tous les risques, puisque ceux-ci sont de toutes manières couverts par l’assurance d’Etat, il n’y a éventuellement plus que la moralité du banquier qui peut l’inciter à faire violence à aller à l’encontre de ses intérêts pécuniaires, et à rester prudent). Et cet aléa moral ne peut évidemment être condamné par les tenants du système, puisqu’il constitue précisément lui-même l’unique justification du monopole monétaire, du monopole d’émission : les monopolistes justifient ce monopole par la "nécessité" d’un prêteur en dernier ressort. Càd par la "nécessité" d’une assurance tous-risques, payée par le contribuable, couvrant tous les trous laissés par les banquiers.

    En réalité, dans un système de monopole monétaire, les banques privées sont pareilles aux anciens conglomérats soviétiques, dont la culture de l’irresponsabilité était issue du fait que quoi qu’ils fassent, l’Etat continuera de toutes manières à les soutenir.

    21 décembre 2010 à 12 h 33 min
  • grepon Répondre

    Il faut admettre l’idée que si la folie publique peut atteindre des sommets, les excès privés peuvent se révéler encore plus graves.

    Oui, mais voila que la bulle celtique n’etait pas le fait d’acteurs purement celtique:   Le Keynesisme et le monetarism et l’interventionism etatiste(*) d’aillieurs sont a blamer dans la bulle celtique, par effet de "carry trades" tiree des basse taux d’interets at flux de credit en trop au Japon et meme aux Etats-Unis.   Un trop de credit a des taux basse trouvera toujours des investissments, quelque part sur la planete.   L’Ireland a attire un surplus d’investissments resultant de ce flux credit artificielles pour des raisons assez simple a comprendre:  vu le contrast de de poids etatique sur le secteur privee entre le reste des pays d’Europe(dont la Grece bien sur) et l’Ireland.    Donc la bulle qu’ils ont a ete amplifiee.   

    Mais trop c’est toujours trop, et quand la musique s’arrete et les valeurs d’actifs surelevees lors d’une bulle baissent, des trous beants viennent a paraitre tres rapidement dans les bilans des banques.   Ils y sont, et ledites dettes ne seront pas tous repayes, ou du du moins ne devraient l’etre dans leur entierete.  Mais ce genre de solutions casserait l’euro en une douzaines de pieces, et c’est une vache sacree bruxelloise, alors la crise dans les pays peripheriques va etre mise sur le bilan de pays comme l’Allemagne et/ou programmes comme le FMI, puis en finalite sur les banques centraux comme la Fed et le BCE.   Jusqua ce que ca pete de facon bien pire, et "l’Europe" ne desintegrent avec l’euro.  

    Bonjours les degat, etant donne les nationalismes et croyances plutot marxo-socialistes des populations et frictions interethniques et raciales qui existent belle et bien a travers le continent.   On se souvient mal peut-etre ce que ca donne quand il ya:  

    longue crise economique + nationalisme + socialisme + racisme. 

    Deja il y a socialisme et nationale dans l’equation, pour ceux qui veulent un tuyaux, et il y a deja des partis politiques organisee a travers l’Europe prets a stimuler les peuples raccolter les votes.

    (*) Genre, la bulle immobiliere americaine resultant de l’activite de Fannie et Freddie sous la direction du Congress, amplifiee par l’activite de la Fed et la cadre de la loi dite le CRA, on eu pour resultat une bulle immobiliere aux etats-unis, qui faisaint monter articiellement la valuation de montagnes d’actifs immobilieres, permettant a generer plus de credit contre ses actifs, credits et dettes en contre partie qui se sont retrouver partout dans le monde par la suite, et meme sur bilans de banques europeens, directement ou comme derivees.

    20 décembre 2010 à 3 h 14 min

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