Comment l’Argentine a renoué avec la croissance

Comment l’Argentine a renoué avec la croissance

Le courrier de Jean-Marc Mercier aux « 4 Vérités » (N° 600) me pousse à revenir sur la situation économique actuelle de la France. Le mal dont souffre l’économie française en 2007 est le même que celui dont souffrait l’économie argentine en 1999.

Le 26 mars 1991, quatre pays sud-américains – Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay – créent un Marché commun (le Mercosur) avec une parité fixe liant leurs 4 monnaies. Le dollar américain est choisi par les Argentins comme monnaie de référence. Un peso argentin vaudra « toujours » un dollar. Parité « gravée dans la constitution » argentine…

Pendant cinq ans, tout va bien : c’est le miracle argentin. La croissance du PIB frôle les 10 % par an. Les capitaux étrangers affluent. Mais les salaires et les charges augmentent bien plus rapidement en Argentine qu’aux USA. Les prix de tout ce qui est fabriqué en Argentine deviennent progressivement plus élevés que les prix de ce qui est fabriqué aux USA, ou au Brésil.
Les Argentins se mettent à acheter de plus en plus de produits américains, mexicains ou brésiliens. Les importations grimpent rapidement. Les entreprises argentines exportent de plus en plus difficilement leurs produits (le blé ou la viande en particulier). Dans les échanges du Mercosur qui augmentent, la part des produits argentins diminue. Dès 1994 apparaît un déficit dans la balance commerciale argentine et ce déficit s’aggravera tous les ans.

En 1995 le Mexique qui avait aussi une parité fixe avec le dollar dévalue sa monnaie. Le Brésil en fait autant en 1998. Les produits étrangers envahissent l’Argentine, le peso continuant toujours à valoir un dollar. Les entreprises argentines ayant de moins en moins de clients n’ont plus assez de fonds propres pour investir et comme leurs bénéfices s’amenuisent, les capitaux étrangers fuient l’Argentine, préférant s’investir au Mexique ou au Brésil. Une importante chute des investissements argentins marque l’année 1999. Enfin, les rentrées fiscales s’amenuisent et les dépenses sociales augmentent : le déficit budgétaire devient un gouffre sans fonds.

Chômage, précarité et pauvreté envahissent le pays. Quand en 2000 le chômage atteint 20 %, des troubles sociaux se développent, comme au Mexique en 1995, en Thaïlande en 1997 ou au Brésil en 1998 : grèves dans les entreprises qui licencient, grèves générales dans certaines villes ou dans certains États brésiliens, manifestations de rues de plus en plus violentes, pillage de magasins, émeutes anti-police. (En France, le chômage des « jeunes » dans les banlieues atteint 24 %). L’armée argentine est intervenue en décembre 2001 : bilan 28 morts.

Enfin, le 26 décembre 2001, les financiers décident d’échanger leurs dollars contre des pesos. La crise monétaire argentine s’achève, comme toutes les autres crises, par une brutale spéculation. Le cours du peso est devenu flottant. 3 pesos valent un dollar. Avec cette nouvelle parité, l’économie argentine redémarre au galop, retrouvant dès 2003 une croissance de 10 %.

Le 31 décembre 1999, la France abandonne le franc et décide d’avoir une monnaie commune avec 11 pays européens. L’euro valait alors théoriquement 6,55957 francs. Mais, depuis, les coûts de production augmentent bien plus rapidement en France qu’en Allemagne. En 2007, la situation des entreprises françaises correspond exactement à celle des entreprises argentines en 1999. Elles ne sont plus compétitives. Il faut donc modifier d’urgence la parité franc-euro choisie pour l’Éternité en 1999. La solution économiquement logique serait la dévaluation du franc. Il faudrait donc sortir de l’euro, rétablir le franc en restant dans le Marché commun, et laisser le Marché déterminer la parité franc-euro. On pourrait alors annoncer sans erreur une forte reprise pour 2008.

Une telle solution permettrait de consolider le Marché Commun, car elle éviterait pour le futur de nouvelles crises. Une autre solution est « politiquement correcte », tout en étant monétairement logique. Rester dans l’euro, et remplacer les prélèvements effectués sur les entreprises par des prélèvements sur la consommation. (la fameuse TVA sociale). La « dévaluation » ainsi opérée, sera-t-elle suffisante ? De plus, pour éviter toute nouvelle crise, les coûts de production français devront impérativement ne plus dépasser les coûts allemands. Les Français en seront-ils capables ?

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Comments (4)

  • sas Répondre

    AUX MANCHES A COUILLES DE FRANCE ET NAVARE, qui pensent qu’une faillite organisée par la main invisible peut être remissible…..

    Au départ 1400 milliards de dollards de dette et une mise sous tutelle du FMI,faillitte vilence et socialisme suivit d’une gigantesque braderie des richesses du pays : une dette actuelle de 3 000 milliards de dollards…..

    OU-T Y UNE EMBELLIE EN ARGENTINE ?????

    sas

    6 août 2007 à 14 h 13 min
  • ErwanB Répondre

    il serait tout de meme bon de rappeler que le senor Kirchner magouille activement les statistiques du pays, sur lesquelles se basent justement cette vision d’une croissance “miraculeuse”, a t’elle point qu’apres que son ministre des finances,Mr Lavagna, ait claqué la porte l’accusant de politique inflationiste, et que sa remplacante, Melle Miseli, ait du quitté son poste il y a peu apres qu’on ait decouvert dans sa salle de bain quelques $60000 (c’est un pret de son beau frere pour acheter une maison dit elle), c’est recemment Alejandro Barrios, chef de l’Indec (Insee locale) qui a quitté apres avoir envoyé une lettre cinglante a un juge porteno, niant toutes responsabilité quand aux dernieres estimations de l’index CPI. http://www.theaustralian.news.com.au/story/0,25197,22139887-36235,00.html Le gouvernement Argentin recrute quelques 400 personnes par semaines, de quoi faire baisser le chomage en effet.ce qui reigne aujourd’hui a Buenos Aires, c’est avant tout la demogogie et le populisme, a vous faire regretter l’ideologie “ultra-liberale” si tenté qu’on puisse parler d’une telle chose.

    3 août 2007 à 4 h 20 min
  • ozone Répondre

    La (re)decouverte de la poudre,cela fut dit et redit,le chomage et la misère seront le règulateur economique dans la monnaie unique.

    Attendez,on est pas seuls,en Espagne l’aubaine d’une monnaie forte commence a causer des ravages,les salaires ne montent plus et meme commencent a baisser,l’immobilier menace d’imploser,tout cela malgre une flexibilitè de plus en plus grande du marchè du travail avec l’explosion de l’emploi multiple (le rève de Sarko),au point que mème les economistes liberaux s’en inquietent.

    De plus,la politique insensèe d’immigration dans une crise style Argentine peut provoquer une explosion a l’interieur de la societe Espagnole ce qui risque d’avoir des consequences autres qu’une "simple" crise financiere.

    Le domino Europèen?

    Et puis ce qui n’est pas dit dans l’edito,en Argentine ce fut le point culminant de privatisations dans une gouvernance ULTRA LIBERALE forcennèe,sous les vivas des investisseurs du Monde entier.

    21 juillet 2007 à 18 h 41 min
  • Florin Répondre

    Une crise très grave mais brève, comme celle subie par l’Argentine, est salutaire : elle permet, (elle oblige à), l’abandon de l’idéologie. Les politiques monétaristes pures doivent laisser la place à un minimum de volonté politique, concrétisée au quotidien et animée par une vision à long terme.

    Il nous faut un de Gaulle – voilà tout.

    N’oublions pas qu’en Argentine, où certaines multinationales françaises avaient obtenu un monopôle de fait sur la distribution de l’eau par exemple, cette dernière était subitement devenue inaccessible aux gens modestes. D’où l’équilibre social qui s’effondre, avec émeutes, fuite des capitaux et des cerveaux.

    Si l’on veut éviter cela en France, évitons d’acculer la majorité du peuple à la misère.

    18 juillet 2007 à 14 h 20 min

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