Consultation populaire ? Chiche !

Consultation populaire ? Chiche !

Les médias rapportent complaisamment ces derniers jours les revendications du Parti socialiste et de plusieurs syndicats exigeant un référendum sur le statut de la Poste. Pourquoi cette subite agitation ? Parce que le gouvernement a présenté à l’Assemblée un projet de loi visant à changer le statut de la Poste, qui deviendrait société par actions à capitaux publics.

En réponse à ce qu’elles affirment être une privatisation larvée, une soixantaine d’organisations (associations, syndicats, partis de l’opposition parlementaire) ont organisé entre le 28 septembre et le 3 octobre une « votation citoyenne ».
D’après les organisateurs, deux millions de personnes auraient participé à ce « scrutin » dans 10 000 points de vote.
Sous réserve de confirmation de ces chiffres, c’est un indéniable succès. Mais, curieusement, on ne lit nulle part les résultats de cette consultation. Doit-on en déduire qu’une seule réponse était possible ?

Beaucoup d’aspects dans cette affaire sont « étrangement » peu expliqués dans les médias. Il a été affirmé un peu partout que ce nouveau statut n’était pas imposé par Bruxelles. C’est vrai, mais ce qui est imposé par Bruxelles, c’est le passage à la concurrence pour tous les marchés postaux au début de 2011. D’ici là, il faut bien que l’entreprise ait les moyens d’investir pour se préparer à ce changement important et elle ne peut plus faire appel à l’État sauf à fausser la concurrence, précisément. Où trouver des capitaux sinon sur les marchés ?

Par ailleurs, on confond le statut et la mission. Ce n’est pas parce qu’une entreprise est publique qu’elle accomplit une mission de service public (quand Renault était une société nationalisée, personne n’imaginait que la vente de voitures soit une mission de service public). Inversement, une entreprise privée peut accomplir des missions de service public. En l’occurrence, la Poste a signé avec l’État un contrat de service public le 22 juillet 2008 pour la période 2008-2012. Et un changement de statut ne change rien à ses obligations contractuelles.

J’ajoute que l’une des raisons du succès de cette « votation » tient au soutien, largement non partisan, de beaucoup d’habitants de zones rurales au maintien de leurs bureaux de poste communaux. Ce soutien me paraît parfaitement légitime. Mais comment ne pas voir que c’est une question très éloignée du celle du statut de la Poste ? Et, surtout, comment ne pas voir que la Poste n’a pas reçu mission de s’occuper de l’aménagement du territoire ? On a vu naguère la même confusion pour la réforme des armées et celle de la carte judiciaire. Que certaines communes soient attachées aux recettes que leur procurent la présence d’un régiment, d’un tribunal ou d’un centre de tri postal est une chose. Que l’armée, la justice ou la Poste soient en charge de l’aménagement du territoire en est une autre. En mélangeant les deux questions, on s’interdit de répondre clairement à la question de savoir si l’ouverture à la concurrence du marché postal est bonne ou non !

Mais, venons-en à présent à cette « votation » proprement dite. Du point de vue législatif, il est clair qu’elle ne vaut rien. Cependant, plus le temps passe, plus on constate que la représentativité du parlement est une fiction sans fondement. On l’a déjà vu dans l’affaire du référendum sur le Traité constitutionnel européen.

Dans ce dossier postal, mépriser l’avis de 2 millions de personnes est évidemment une curieuse conception de la démocratie. Mais ce n’est pas une moins curieuse conception de la démocratie que d’avoir « omis » de demander l’avis des usagers des services postaux. Les « 4 Vérités » sont un gros « consommateur », puisque nous devons envoyer pas loin d’un million de plis par an (de l’envoi du journal aux lettres de prospection, en passant par les lettres de relance…). Eh bien ! personne ne nous a demandé notre avis sur ce changement de statut. Y aurait-il des avis plus importants que d’autres ?

C’est pourquoi certains députés de gauche réclament un référendum d’initiative populaire. La constitution est censée le prévoir. Dans la pratique, les seuls sujets qui peuvent arriver en discussion sont ceux où le parlement est d’accord avec le peuple !

Je dis donc aux députés socialistes : Vous voulez un référendum populaire sur le statut de la Poste. Chiche ! Réformez donc la constitution pour que le peuple puisse se saisir des questions qui le concernent. Mais ne vous scandalisez pas ensuite si le peuple choisit de faire un référendum sur la peine de mort pour les violeurs récidivistes, la réduction du nombre de parlementaires ou les coupes claires dans les dépenses publiques !

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Comments (3)

  • Anonyme Répondre

    La prochaine session de l’Académie Française portera sur la  nécessité impérative de retirer le mot "référendum" de tous les dictionnaires. En effet, ce mot n’ayant plus aucun sens, il est normal de l’enlever, il ne peut plus servir à quoi que ce soit, ni à qui que ce soit, il est donc indispensable de mettre à la poubelle tous ces trucs anciens, désuets, démodés, ringards, qui n’ont plus de raison d’être. Et part ailleurs, ce mot n’était pas très apprécié d’une certaine catégorie de population qui se sent blessée en l’entendant, et ce sera donc un accommodement raisonnable de le retirer. Par la même occasion, et pour les mêmes raisons, d’autres mots aussi stupides pourraient aussi être retirés car dénués de sens : démocratie, égalité, laïcité, honnêteté, racisme, honneur, travail, civisme, patriote, français, probité, et j’en oublie, parce que je commence à être fatigué. En réfléchissant bien, on pourrait alléger les dicos de moitié…

    Lambda, l’individu

    7 octobre 2009 à 21 h 50 min
  • richa83 Répondre

    """
    Réformez donc la constitution pour que le peuple puisse se saisir des questions qui le concernent.
    """

    Ils  sont pas suicidaires!

    7 octobre 2009 à 14 h 44 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    <<Réformez donc la constitution pour que le peuple puisse se saisir des questions qui le concernent.>>
    Ce système de démocratie directe en vigueur dans certains pays permettrait au peuple de trancher sans équivoque. Les syndicats n’auraient le cas échéant plus qu’à s’incliner. "Vox populi, vox dei"

    7 octobre 2009 à 9 h 06 min

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