Euro : de l’optimisme à l’inconscience

Euro : de l’optimisme à l’inconscience

Le Figaro magazine du 26 mars classait les optimistes et les pessimistes selon qu’ils pensaient que l’euro sortirait vainqueur de la crise économique ou non.

On retrouve l’inénarrable Alain Minc dans ce camp dit des optimistes, et sa seule présence devrait faire basculer les autres vers d’autres horizons, tant ses conseils ont invariablement provoqué la ruine de ceux qui les ont écoutés.

À part M. Minc, parmi les optimistes, on peut discerner deux clans. Il y a les cyniques qui, depuis le début, utilisent la construction de l’euro pour faire avancer leur conception intégratrice de l’Europe. Au fond, ils savent très bien depuis le début que la construction européenne telle qu’on la pratique est bourrée d’incohérences. On ne peut avoir le libre-échange mondial, l’euro et un gouvernement dé­centralisé de l’UE. Ils savent très bien qu’en sauvant l’euro et en continuant à pratiquer le libre-échangisme mondial sans limites ni respect des conditions de concurrence, on va inéluctablement vers une centralisation du pouvoir au profit de la technostructure bruxelloise.

Il y a les « compagnons de route ». Ils sont à l’idée européenne ce qu’étaient ceux du parti communiste après la guerre qui refusaient de croire aux goulags et à Kravtchenko, qui préféraient croire Sartre plutôt qu’Aron, sans se rendre compte des dégâts qu’ils font dans le monde et dans leur propre pays, sous prétexte qu’il ne fallait pas désespérer Billancourt. Ils ont bien conscience que les choses ne vont pas bien, ils espèrent que le pire n’est pas certain, ils croient encore, à l’instar de Jean Monnet, que le commerce rapproche les hommes (alors qu’à l’inverse, les hommes peuvent commercer dès lors que la confiance est établie, ce qui implique la proximité et la répétition et donc qu’ils soient déjà proches culturellement). Jean Boissonnat et Michel Albert, en particulier, que j’ai côtoyés au Conseil de la politique monétaire, ont mis leur indéniable talent au service de ces idées. Ils sont persuadés que l’Europe a interdit la guerre entre les états européens. Bien sûr, ils s’apercevront un jour qu’ils s’étaient trompés et, comme nombre de repentis communistes, on les écoutera alors avec dévotion, mais sans doute trop tard.

Dans l’intervalle, les régimes communistes avaient tué au moins 100 millions de personnes. De combien de chômeurs devront être crédités nos ayatollahs de l’Europe apatride ?

Les pessimistes, toujours pour le Figaro, sont ceux qui ne cessent de prévenir des difficultés et de s’étonner que les soi-disant optimistes n’en tiennent pas compte, pour assurer la réussite de leurs vœux les plus chers.

On me dit souvent que je suis pessimiste, car j’annonce les difficultés et que, si nous n’y prenons garde, les conséquences seront graves. Je dois dire que l’optimisme se situe plutôt de mon côté, car il faut vraiment avoir foi en la raison humaine et en la sagesse des dirigeants pour inlassablement dénoncer les dangers qui guettent la construction européenne.

Construire la monnaie unique était une politique qui avait des chances raisonnables de succès. À ne pas écouter les conseils de précaution, cette construction, dès à présent, s’avère être un échec, qui tournera avant peu à la catastrophe. Certaines conséquences dramatiques peuvent encore être évitées. Mais il y aura un point de non-retour.

Les dirigeants européens sont toujours en retard d’une crise. On résout la Grèce, mais pas l’Irlande ; puis l’Irlande, mais pas le Portugal… Quand comprendra-t-on que ces crises sont liées à la construction européenne et que la solution temporaire de l’une crée les conditions de la suivante ?
Si les mots avaient encore un sens, on devrait plutôt parler d’inconscients et de prévoyants. La prévoyance n’est pas du pessimisme, l’inconscience n’est pas de l’optimisme. Je crois même que ceux qui, aujourd’hui, veulent la sortie de l’euro sont ceux qui veulent encore sauver de la construction européenne ce qui peut l’être.

On glose toujours sur Cassandre qui annonçait le malheur sur Troie. Cassandre était optimiste de vouloir convaincre ses compatriotes du danger que représentait le Cheval de Troie. J’aimerais nous éviter qu’un nouvel Homère ne puisse écrire une nouvelle épopée sur la malédiction d’Europe !…

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Comments (2)

  • Jaures Répondre

    "Quand comprendra-t-on que ces crises sont liées à la construction européenne".

    Ah bon? Je croyais naïvement que la crise des pays européens était due à la crise financière internationale qui n’a pas épargné les pays non européens comme les Etats-Unis (9% de chômeurs, déficits abyssaux).
    Les pays européens qui n’ont pas l’euro, comme le Royaume Uni sont dans une bien pire situation que la France et l’Allemagne, et l’Estonnie, qui a connu une récession de 14% alors qu’elle était hors zone euro connait un réel redressement depuis qu’elle a adopté la monnaie unique.

    Bref, la monnaie est un élément de l’économie mais ce qui est déterminent est la politique économique.La force et la valeur d’une monnaie n’est que la conséquence de cette politique.
    Et ceux qui prétendent que l’existence de l’euro jouerait contre les pays qui l’ont adopté sont des imposteurs.

    Rendez nous Tremeau !

    12 mai 2011 à 18 h 02 min
  • ozone Répondre

    Faut pas commetre l’imprudence de les prendre pour des andouilles,les crises servent leurs projets,les consequences d’une monnaie unique étaient bien connues.

    Quel est ce projet?,rien de moins que la création de "l’européen" dans l’éprouvette,pour cela il faut provoquer des brassages de populations,les zones dans lesquelles un euro "fort" va commettre ses méfaits vont étre source d’émigration vers celles ou la méme monnaie est en accord avec le niveau de son économie.

    Sauf qu’il va falloir payer pour maintenir l’euro,la question est a quel moment les populations des pays payeurs en auront marre et éxigeront l’arret de la plaisenterie.

    Et alors adieu veau,vache et pot de lait……

    11 mai 2011 à 23 h 15 min

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