Grève de la faim pour le licenciement d’un voleur

Grève de la faim pour le licenciement d’un voleur

Entretien avec Jean-François Marteau
PDG de l’entreprise Gautier
Entretien réalisé en partenariat avec le site

<www.nouvelles-de-france.fr>

Jean-François Marteau, PDG de l’entreprise Gau­tier, a observé une grève de la faim de plusieurs jours, pour obtenir le droit de licencier un salarié délégué du personnel ayant volé 50 000 euros de matériel. Ce que le ministre du Tra­vail lui a finalement « ac­cordé » fin novembre…

Pourquoi cette grève de la faim ?
Ce qui pousse un chef d’entreprise à faire ce que j’ai fait, c’est que tous les recours possibles et imaginables ont été épuisés et que l’administration restait sourde à nos appels. J’en suis désolé et pas très fier, mais je n’avais pas d’autres moyens de me faire entendre.

Comment expliquer le soutien des salariés à leur chef d’entreprise ?
J’ai repris en 2003 une entreprise dans laquelle je travaillais depuis 30 ans et où on écoutait chaque employé. Avec ses 50 salariés, elle avait un caractère très familial que je veille à conserver. Je suis chaque jour dans mon bureau de 6 h 30 du matin à 20 heures et les salariés savent qu’en cas de problème humain ou financier, ils peuvent venir me trouver : mes portes ne sont jamais fermées, sauf pendant la grève de la faim. Je tiens à cet humanisme et au caractère familial de notre entreprise.

Vous avez aujourd’hui 200 salariés…
Oui, en sept ans, nous sommes passés de 50 à 200 salariés. nous avons également créé une filiale qui fabrique en France des modules photovoltaïques, Fran­ceWatts. Pourquoi le faire à l’étranger, alors qu’on a de la main-d’œuvre qualifiée ici ?

Vos salariés vous ont soutenu et ont dû, pour cela, dé­brayer. Leur payerez-vous leurs jours de grève ?
Bien sûr ! Il n’est pas question qu’ils perdent un centime à cause de leur soutien. Je crois que je me souviendrai toute ma vie du jour où ils sont venus à Rouen, avec les camions, me soutenir alors que l’inspection du travail venait de refuser ma demande de licenciement. J’étais avec mon fils, j’en ai eu les larmes aux yeux…

Que répondez-vous aux syndicats Sud et CGT de l’inspection du travail de Seine-Maritime qui dénoncent votre « comporte­ment » et vous accusent d’avoir exercé « un véritable chantage à l’égard de l’inspectrice du travail ayant refusé le licenciement d’un délégué du personnel » ?

Je leur réponds : « Quand vous manifestez, par exemple contre la loi de réforme des retraites, vous cherchez à médiatiser votre combat en bloquant l’économie du pays. Pourquoi n’aurais-je pas le droit de médiatiser mon cas ? Pourquoi le patronat n’aurait-il pas les mêmes droits que les syndicats ? » Le problème, c’est que, dans les médias, on ne retient que le patronat du CAC 40. On ne parle pas assez de ces milliers de petits patrons qui œuvrent chaque jour pour que leur entreprise marche et qui ne cherchent pas à « s’en mettre plein les fouilles ». Moi, gérer une entreprise, c’est ma passion ! Pour créer France­Watts, j’ai vendu tout ce que j’avais. Mes salariés l’ont compris. Il n’y a rien de plus beau que leur témoignage de soutien pour leur patron !

La première chose que j’ai faite quand je suis devenu PDG a été d’instaurer une participation aux bénéfices, de les intéresser aux résultats. Le droit des salariés est quelque chose que je ne conteste pas, mais il ne doit pas y avoir de salariés privilégiés. L’obligation de recourir à l’inspection du travail pour licencier un délégué du personnel qui a reconnu son vol n’est pas normale.

Ce délégué du personnel n’a-t-il pas été embarrassé de vous voir mettre votre santé en danger pour être entendu du ministre du Travail ?

Non, il a même profité de la situation. On lui a proposé une négociation qui, à mon avis, n’est pas légale : nous signions un accord à l’amiable, lui accordions deux mois de salaire et des indemnités de licenciement, retirions les plaintes pénales et, alors, le ministre du Travail autorisait le licenciement…

C’est incroyable…

Je crois surtout que l’administration n’a pas voulu reconnaître son erreur. C’est dommage. Je fais aussi des erreurs, mais je les reconnais. Mes salariés aussi, c’est humain. On en parle et on règle la situation…

Partager cette publication

Comments (5)

  • cilette Répondre

    Quand un employé, qu’il soit délégué syndical ou non, a volé, c’est le tribunal qui devrait prononcer son éviction en plus des pénalités. Comment pourrait-on garder dans ses rangs quelqu’un en qui on ne pourrait plus avoir confiance ?

    16 janvier 2011 à 21 h 59 min
  • BAUDIN Répondre

    dommage que les médias ne parlent jamais de cas semblables : leurs choix seraient-ils sélectifs ?…
    Pourquoi l’Inspection du Travail, en l’occurence, a-t-elle visiblement outrepassé ses droits ? …
    Merci à M. Marteau d’avoir résisté et aux "4 vérités" de nous faire connaître son cas. Edifiant et consternant à la fois.

    16 janvier 2011 à 9 h 40 min
  • Alain Répondre

    Toutes nos félicitations ! Il est réconfortant de voir qu’il y a encore des gens courageux dans notre pauvre France…

    15 janvier 2011 à 11 h 22 min
  • jopechacabri Répondre

    La sur-protection des salariés est, entre autres, la porte ouverte au manque de zèle et au manque de conscience professionnelle.

    Dans le cas extrême cité, le problème pénal déborde de la moyenne coutumière…

    Mais les fonctionnaires, qui sont protégés à 100% par la garantie de l’emploi à vie, n’échappent pas à la règle :

    Ils sont placés au premier chef de ce risque de négligence récurrente par manque de conscience et de zèle. Le problème se retrouve d’ailleurs de plus en plus chez les hauts fonctionnaires (y compris les juges). Il corrobore l’incitation à la corruption.

    Là encore : "le mieux est l’ennemi du bien". Nous avions un système de contrat de travail exemplaire dans le monde. Force excès syndicaliste nous a plongé dans le déni d’obligation de devoir.

    Avant d’avoir des droits, on a des devoirs…!

    C’est vrai pour les patrons… et bien sûr aussi pour les salariés.

    13 janvier 2011 à 21 h 52 min
  • françois Répondre

      Après plusieurs jours, toujours pas un commentaire sur cette affaire scandaleuse?
     C’est vrai qu’on a pris l’habitude des grévistes qui sabotent des installations à la SNCF, ou des délégués syndicaux qui minent leur entreprise en menaçant de les faire sauter ou qui menacent de déverser des produits polluants dans le fleuve  ( liste non exhaustive) sans qu’il leur arrive la plus petite bricole.
      A croire qu’il suffit d’être délégué syndical pour être au dessus des lois.

    13 janvier 2011 à 14 h 21 min

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *