Imprévoyance et ignorance de l’État

Imprévoyance et ignorance de l’État

Au moment où le Commissariat général du Plan (CGP), qui vient de fêter ses 60 ans, change de nom, pour adopter celui de Centre d’analyses stratégiques – évidemment sans rien changer à son immense prétention d’éclairer l’avenir mieux que ne le font les entreprises et autres acteurs économiques français – il est tentant de s’interroger sur la capacité réelle de la sphère publique en général, et des hommes politiques en particulier, à établir de bonnes prévisions.

Certes, nos technocrates peuvent sans doute se prévaloir de quelques succès. Notre parc de centrales nucléaires en activité, le premier au monde, devrait tout au volontarisme d’une poignée d’ingénieurs du corps des Mines. Tandis que le Minitel, qui est loin d’être mort, serait sorti tout armé du cerveau de deux ingénieurs des télécommunications.

Sur ces exemples-là et quelques autres, qui pourraient être pris par exemple dans le domaine de la culture, le débat est ouvert. Il n’empêche que la théorie économique nous enseigne que c’est dans une économie ouverte et compétitive que les facteurs de production sont les mieux employés. Non l’inverse.

Et pas seulement à très court terme comme on ne cesse de le répéter au CGP, où il est de bon ton de se moquer de l’horizon, à courte vue, d’entreprises dont les dirigeants ont le nez fixé sur les cours de bourse. Malgré cette pression, qui est indéniable, et peut-être excessive, il se trouve qu’actuellement les compagnies pétrolières – qui, heureusement, engrangent des super profits – investissent dans des projets qui n’aboutiront que dans vingt ans. Ce n’est pas exactement de l’imprévoyance…
Il y a quelques années, IBM considérant que les taux d’intérêt étaient historiquement favorables (bonne pioche, ils étaient au plus bas !), a lancé un emprunt sur cent ans. Et il s’est trouvé des prêteurs pour souscrire. Qui prêterait sur cent ans aujourd’hui à l’État français ?…

Toute l’histoire de l’étatisme est une histoire de l’imprévoyance publique, non seulement en termes industriels, puisque l’État s’est longtemps cru et se croit toujours entrepreneur, mais encore en termes économiques et politiques.

En faisant passer, depuis vingt-cinq ans, la dette publique officielle d’un niveau représentant 20 % du Produit intérieur brut à plus de 65 % aujourd’hui, l’État a été très imprévoyant. Ce sont nos enfants et nos petits-enfants qui paieront et qui paieront d’autant plus cher qu’il n’est pas impossible, dans quelques années, que nous ayons à la fois des taux d’intérêts élevés et une déflation des prix. Enfin, au mois de décembre, le rapport Pébereau sur cette question de la dette publique, semblait mettre tout le monde d’accord. Même le Premier ministre s’engageait à appliquer les recommandations de ce document (à partir de 2007, il est vrai…). C’était sans compter avec la caste des économistes français. Plusieurs, payés par l’argent public bien sûr, continuent donc à défendre la dette et le déficit budgétaire. Dans un article publié dans le « Figaro » du 26 janvier 2006, un certain Jean-Paul Fitoussi, qui n’est rien moins que le Président de l’Observatoire français des conjonctures économiques, tient le raisonnement suivant : « Pour croître il faut investir, et pour cela il faut emprunter. Ce qui est vrai pour une entreprise l’est aussi pour une collectivité publique ». Sauf que les entreprises les plus performantes investissent non pas sur des emprunts mais sur leurs profits accumulés. Quelle horreur !…

Mais les pires imprévoyances des hommes de l’État qui ont le nez sur l’horizon immédiat de la prochaine élection se situent sur le terrain de la politique politicienne. Est-il permis, pour conclure cette réflexion, de suggérer que l’assassin d’Ilan Halimi, Youssouf Fofana, quoi que né en France, il y a 25 ans, est sans doute un nouvel avatar du génial regroupement familial instauré par Giscard et Chirac en 1974.

À noter : au cas où la double nationalité française et ivoirienne lui serait finalement reconnue, il ne serait plus question de l’extrader en France.

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Comments (4)

  • Jean-Claude Lahitte Répondre

    Bravo Rachid vous avez tout compris. Nous vivons à l’ère du grand bluff où l’on considérère qu’il suffit d’un changement de nom pour éviter des réformes en profondeur, ou, plus simplement – comme cela s’est passé récemment avec une mutuelle d’institututeurs pillée par des dirigeants – effacer des fautes de gestion; ou encore d’ennoblir une fonction. Ainsi avec le “facteur” rebaptisé “préposé”, la concierge transformée en “gardienne”, ou la femme de ménage en “technicienne de surface”, la caissière, en “hôtesse de caisses”. Jusqu’à sombrer dans le ridicule (par chance, il ne tue plus en France !) en appelant “logitiel rebondissant” un simple ballon, comme sela se pratique dans le jargon de l’Education Nationale. C’est ce qui s’appelle ne plus appeler “un chat un chat”. Et c’est ce qui, pour élargir le débat, appeller “grippe aviaire” une “peste aviaire” pour mieux affoler l’opiniion publique et lui faire oublier les vrais (et graves) problèmes qui menacent la France. Salam ! Jean-Claude Lahitte

    7 mars 2006 à 11 h 57 min
  • rachid Répondre

    c est le fond qui compte pas la forme (changement de noms)

    6 mars 2006 à 22 h 48 min
  • Jean-Claude Lahitte Répondre

    La différence entre l’Etat socialiste qui est le nôtre et une entreprise privée est que, si l’Etat était géré comme une entreprise privée, il y a longtemps que la France serait en faillite. Le jour où les gouverements UMPS (UMP = PS = UMPS) auront compris qu’ils ne peuvent plus emprunter sur des recettes basées sur des impôts à créer, mais sur des recettes minimum basées sur des impôts rentrés, le jour où les élus nationaux, régionaux ou locaux, se comporteront avec l’argent du contribuable non pas comme des danseuses, mais comme d’exemplaires mères gérant le budget de la famille, le jour où l’on aura condamné (en commençant par la déchéance de leur mandat et l’interdiction d’en briguer un autre !)tous les mégalomanes qui ont voulu laisser leur nom sinon dans l’histoire, du moins sur une plaque de rue ou un monument, en engageant les finances publiques dans des entreprises mirifiques, etc., le spectre de la banqueroute de la France, des régions, des Départements et des Communes, s’éloignera. Encore faudrait-il commencer par instituer une comptabilité digne du nom. Comme on l’impose à toute Entreprise digne de ce nom… Il est à noter à ce sujet l’inefficacité de la Cour des Comptes qui se contente de relever les errurs, les abus,etc. SANS AVOIR LE POUVOIR DE SANCTION, NI MEME D’EN EXIGER ! Quant on sait à quel traitement et autres avantages auxquels émargent ces magistrats, on pourrait en faire l’écomomie. Un mot encore sur l’Etat propriétaire d’un parc immobilier qu’il ne sait pas gérer (pas même en en faisant un inventaire préciis) et qu’il n’a plus les moyens d’entretenir. Quand on sait que, sous la pression fiscale, et/ou par le biais de droits de succession auxquels les héritiers sont de plus en plus incapables de faire face, ou de droits de succession, les particuliers sont eux-même de plus en plus incapables de gérer ou d’entretenir leur patrimoine, et que les Collectivités font de plus en plus jouer leur droit de préemption pour détenir des biens qu’elles seront elles-mêmes incapables d’assumer, on se demande si notre pays n’est pas devenu celui de la mal-gestion. De la mal-gestion. Mais aussi de la malvesation. Car, n’en doutons pas, comme dans toute République bananière, il y a en France des profiteurs qui s’en mettent plein les poches pendant que le pays crève sous le poids des dettes accumulées. Périsse le pays, périssent ceux qui auront à payer l’ardoisent, pourvu qu’eux-mêmes s’enrichissent ! Cordialement, Jean-Claude Lahitte * à propos de l’Immobilier d’Etat, France-2 nous a montré le Président d’une Assemblée qui pourrait bénéficier d’un Palais d’Etat maos qui préfère continuer à bénéficier d’un superbe appartement loué à “prix d’ami” à la Banque de France. Par crainte, j’imagine, d’avoir à se chercher un appartement au prix du marché si d’aventure il perdait sa présidence ? C’est ainsi que l’Etat, après que la Ville de Paris eût été épinglée àce sujet, continue à laisser “brader” les loyers de ses appartements ou autres demeures de prestige. Pour le plus grand profit des amis des princes qui nous gouvernent si mal ! On est en République, que diable ! Fini le temps où la noblesse se ruinait pour vivre à la Cour de Versailles et soutenir son rang …

    6 mars 2006 à 15 h 07 min
  • Mathias Chauchat Répondre

    A Alain Dumait et aux lecteurs Regardez la problématique de l’économie assistée outre-mer et les moyens d’en sortir. En partant des mêms constats que ceux de l’article cité : “Vers un développement citoyen”, le livre est consultable et achetable on line sur le site des PUG à l’adresse suivante : http://www.pug.fr/Titre.asp?Num=900 pour 24 €. On y trouve le plan et l’introduction qui campent le contexte et les enjeux. Il est distribué dans le Pacifique par SODIS Gallimard.

    6 mars 2006 à 1 h 45 min

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