Jean-Pierre Raffarin, inventeur d’un nouvel impôt

Jean-Pierre Raffarin, inventeur d’un nouvel impôt

Mis à part Jacques Chirac, bien sûr, et les responsables de l’UMP, toujours en mission commandée, il ne s’est donc trouvé personne, à ce jour, ni au patronat, ni aux syndicats, ni au sein des autres formations politiques, pour approuver le plan annoncé le jeudi 6 novembre par Jean-Pierre Raffarin tendant à instaurer une cinquième branche de la Sécurité sociale, destinée à couvrir les risques propres aux personnes âgées ou handicapées. Les critiques l’ont non seulement largement emporté sur les approbations, mais encore, cette réforme semble marquer une nouvelle étape de la dégringolade du Premier ministre dans les sondages, près de 60 % des Français se déclarant désormais favorable à son départ…

Certains prétendront que toute réforme garantit à son auteur un surcroît d’impopularité. Et l’ami de Jean-Pierre Raffarin, Dominique Bussereau, secrétaire d’État aux transports, soutenait même, il y a quelques jours, que le Premier ministre payait le prix d’une « politique hardie ». Si c’était bien le cas, il pourrait au moins compter sur nous pour l’approuver ! Mais il nous semble au contraire que le bilan des réformes de Jean-Pierre Raffarin est bien mince et qu’en ce qui concerne en particulier la plus récente, elles vont exactement dans la direction inverse de celle qu’attend l’immense majorité des électeurs de la droite.

Sur la plupart des grands dossiers qu’il a trouvés sur son bureau à l’Hôtel Matignon, Jean-Pierre Raffarin est plutôt allé dans le sens de la continuité par rapport à la politique de ses prédécesseurs que dans celui de la rupture. Même le dossier de la réforme du financement des retraites, qui est, indiscutablement, à mettre à l’actif du gouvernement, a été traité avec tellement de prudence qu’il faudra le remettre en chantier à la fin de 2007 (après la prochaine élection présidentielle…). Les grandes lois « sociales » du gouvernement de Lionel Jospin n’ont pas été abolies, mais seulement légèrement amendées, notamment celles sur les 35 heures et sur la soi-disant « modernisation sociale » (tendant en fait à accroître les pouvoirs d’ingérence des syndicats dans la marche des entreprises et à réduire le droit de licenciement).

S’agissant de la gestion des finances publiques, la politique de Jean-Pierre Raffarin consiste finalement à faire le gros dos. Comme l’économie est en panne (croissance négative de – 0,3 % au premier semestre 2003), et comme cela entraîne de fortes diminutions des recettes fiscales et une explosion des déficits, il se retrouve dans l’obligation de limiter les dépenses. Mais il le fait sans réforme précise, sans toucher ni au mammouth, ni à l’ensemble du monstre administratif, sans coupes sombres dans les effectifs des fonctionnaires. Il serre les boulons sans rien changer à la plomberie.

Le scandale des 15 000 morts de la canicule de cet été a révélé, dramatiquement, l’inadaptation de notre système de santé. Faute d’imaginer pouvoir réformer les règles qui président depuis près de soixante ans à notre Sécurité sociale, il n’est pas étonnant que le Premier ministre se soit orienté vers la création d’un cinquième pilier, qui donnera naissance à une nouvelle caisse nationale, spécialement tournée vers les personnes âgées ou handicapées.

Mais, s’agissant du financement de cette initiative, les options possibles pouvaient sembler plus ouvertes. On aurait pu imaginer, tout simplement, une opération de redéploiement des dépenses soit concernant l’ensemble des dépenses de la sphère publique, soit, seulement, celles de la Sécurité sociale. Puisque notre société vieillit, pourquoi en effet ne pas orienter vers les plus âgés de nos concitoyens une partie plus importante des dépenses sociales et, en contrepartie, réduire le volume de celles qui bénéficient à d’autres catégories ?

Le Premier ministre a préféré opter pour un financement basé sur une augmentation pure et simple du prélèvement fiscal obligatoire. En effet, la suppression annoncée d’un jour férié, à savoir le lundi de Pentecôte, pour couvrir le risque de la dépendance, est une chose, l’instauration d’un nouvel impôt sous la forme d’un prélèvement de 0,3 % de la masse salariale des entreprises en est une autre. Et, si le premier volet de la décision de Jean-Pierre Raffarin, à savoir l’augmentation de la durée annuelle du travail, mesure prenant exactement le contre pied des lois Aubry, a une logique claire et politiquement facile à assumer par une majorité de droite, il en est tout autrement du deuxième volet, qui s’analyse comme la confiscation par l’État des fruits d’une journée de travail des Français, qui travaillaient déjà pour lui près de 200 jours.

Jean-Pierre Raffarin aurait dû savoir qu’en entrant dans l’histoire comme l’inventeur d’un nouvel impôt – pour l’instant non dénommé – s’ajoutant, sans en retrancher un seul, à tous ceux, très nombreux, qui existent déjà, il prend le risque non seulement, à court terme de s’enfoncer un peu plus dans l’impopularité, mais encore, à moyen terme, d’être en opposition grave avec son électorat. Et, au-delà, d’apparaître pour ce que d’ailleurs il est : un socialiste du centre gauche.

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Comments (1)

  • Jean Répondre

    Raffarin est un homme de gauche. Le PC et les anti-mondialistes n’ ont ils pas appele a voter pour l’ homme qui a mis Raffarin premier ministre? Comme certains observateurs disent,en France,il y a 2 partis socialistes: 1 de gauche et 1 de droite(l’ UMP)

    18 novembre 2003 à 4 h 24 min

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