La Grèce va-t-elle sortir de l’euro ?

La Grèce va-t-elle sortir de l’euro ?

La Grèce est de nouveau sur la sellette, en mettant ainsi au grand jour les résultats d’un pays qui ne maîtrise plus sa monnaie.

La monnaie est à la fois un moyen d’échange et de matérialisation de l’épargne.

La banque centrale, par le biais des taux d’intérêt et l’évolution de la masse monétaire, fait en sorte d’éviter aussi bien une surchauffe inflationniste qu’une pénurie de moyens de paiement.

C’est justement parce que les pays de la zone euro ont ôté ces pouvoirs à leurs banques centrales que, incapables d’effectuer cette gestion, la monnaie est devenue pour eux un boulet au lieu d’un facteur de développement.

Les économies des pays de la zone étant structurellement di­vergentes, et supportant des taux d’inflation (donc de dépréciation réelle de la monnaie) différents, les pays à forte inflation voient leurs prix augmenter plus vite que les autres, même si les conditions de production sont identiques.

Ces pays sont donc mécaniquement étranglés par ceux dont le taux structurel d’inflation est moins élevé.

Cette situation a toujours existé, car ces écarts de taux sont l’effet, en partie des atouts naturels, en partie de choix, aussi bien en termes de temps de travail, que d’âge de retraite, de couverture sociale (en gros de volume de l’état-providence), ou de poids des structures publiques.

Ces écarts se sont toujours réglés ainsi, par des réajustements réguliers de parités de change. Ils le sont d’ailleurs toujours dans les pays qui maîtrisent leur monnaie.

Les pays de la zone euro ont renoncé à ce choix au profit d’une monnaie « unique » gérée par un original « Système Européen de Banques Centra­les ». Ils ont donc ainsi renoncé à des ajustements de parité.

L’alternative des pays les plus exposés, en premier lieu la Grèce, est donc, soit de rester dans la discipline de la zone euro et de compenser la hausse de ses prix par de drastiques réductions de pouvoir d’achat, soit de sortir du système.

La première option, imposée en 2010 par la « Troïka », lui a coûté un effondrement de 25 % de son PIB, une augmentation colossale de sa dette (175 % du PIB), une réduction des salaires publics et des retraites de 25 %, et un chômage de 30 % de la population active.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’avenir sera pire.

En outre, les autres pays de la zone ont déjà déboursé pour ce brillant résultat 240 milliards d’euros en 4 ans (dont 35 à la charge de la France) et abandonné plus de 100 milliards de créances bancaires.

La seconde option consiste pour la Grèce à rendre la gestion de sa monnaie nationale à la Banque de Grèce, comme auparavant, et à recouvrer ainsi une monnaie dévaluée (d’environ 40%, selon les experts), réduisant ses prix à l’export à due proportion, et lui permettant de récupérer progressivement les marchés qu’elle a perdus depuis 12 ans.

Naturellement, la BCE serait ipso facto écartée de sa gestion, même si cette nouvelle monnaie devait s’appeler « Euro grec ».

J’avais émis en juillet 2010 (n° 752) l’hypothèse, réitérée en novembre dernier (n° 971) que l’Allemagne sorte finalement la première de l’euro, ce que les récentes déclarations de Mme Merkel paraissent contredire. à moins qu’elles ne soient un leurre : la sortie de la Grèce pourrait bien donner prétexte à l’Allemagne de sortir aussi.

Car les Allemands commencent à s’inquiéter : la chute de la Grèce pourrait être suivie par d’autres, qui leur coûteraient plus cher encore. Mieux vaut partir avant de recevoir la facture…

Jean-Pierre Delmau

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Comments (4)

  • Claude Roland Répondre

    Plutôt que de sortir de l’euro, on devrait créer un euro par pays de la CEE, et établir une parité parmi ces euros. Il existe bien 28 dollars différents sur la planète avec des parités flottantes. Ce serait plus intelligent que de revenir à la monnaie initiale pour chacun.

    16 janvier 2015 à 16 h 27 min
    • René de Sévérac Répondre

      Claude,
      sortir de l’euro c’est ça;
      la terminologie et plus élégante que
      “sortir de l’hinterland allemand” !
      Notez que beaucoup (dont MLP) proposent de garder l’€ en tant que monnaie commune (pas unique) !

      16 janvier 2015 à 16 h 48 min
  • René de Sévérac Répondre

    Nombreux étaient ceux qui ont cru à l’éclatement de l’euro (Sapir en particulier) dès 2010, et pourtant … vu de Bruxelles (ou Berlin) les avantages de cette monnaie illogique sont tels que tout le monde est prêt à tout pour la maintenir, quel que soit le prix !
    La sortie de l’Allemagne, non crédible tant les bénéfices sur le Commerce sont considérables (Cf. les balances commerciales), ne se fera pas.
    C’est la sortie de la Grèce, après les prochaines élections, qui est la plus probable … quoique eux aussi son anesthésiés !

    15 janvier 2015 à 10 h 21 min
  • Marquais Répondre

    Décidément, que l’on s’y prenne comme on voudra nos voisins auront toujours un temps d’avance sur nous !

    15 janvier 2015 à 8 h 14 min

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