La mise en garde des 98 grands patrons

La mise en garde des 98 grands patrons

Le choc avec les patrons, c’est maintenant. En renonçant à un allègement rapide et massif des charges, François Hollande engage un bras de fer qui pourrait avoir d’importantes conséquences sur la suite de son quinquennat. La défiance des chefs d’entreprise est à la hauteur des espoirs qu’avait suscités le chef de l’État en admettant, à son arrivée au pouvoir, qu’il existait bien en France un problème de coût du travail. Une préoccupation qui les avait surpris car le candidat Hollande l’avait occultée tout au long de sa campagne. Hélas, au fil des dernières semaines, cette préoccupation s’est muée en tergiversation.

 L’Elysée a bien testé sa majorité en laissant fuiter l’idée d’une baisse massive des charges compensée par une hausse de la CSG, voire de la TVA. Les voies de passage politique se sont révélées étroites au moment où la majorité devait déjà avaler le traité budgétaire européen. Quant aux marges financières, elles se sont amenuisées avec la quasi-récession dans laquelle est plongée la France et la priorité donnée aux hausses d’impôts plutôt qu’à la compétitivité des entreprises. Difficile de charger davantage la barque des impôts dans un pays qui s’apprête à battre tous les records en matière de hausse.

 Voilà donc Hollande pris à son propre piège. Le Président n’est pas Schröder, ce chancelier social-démocrate qui, à la fin des années 2000, prit des mesures énergiques pour redresser l’économie allemande. Plutôt qu’un choc de compétitivité, le gouvernement pourrait se contenter d’un « mix » de mesures étalées dans le temps au risque de pratiquer une politique de saupoudrage. Déterminés à prendre l’opinion à témoin, les 90 plus gros employeurs privés français sortent de leur réserve dans le JDD. Sans eux, avertissent-ils, la croissance ne s’améliorera pas et la courbe du chômage ne s’inversera pas.

 Il est sans précédent de voir un gouvernement condamner les conclusions d’un rapport qu’il a lui-même commandé avant même sa publication.

 Une spirale déflationniste

 Cela dénote de la persistance du déni concernant le déclin de la compétitivité des entreprises et du territoire français. Le rapport Louis Gallois qui a été dévoilé dans la presse proposait une stratégie globale de redressement qui allait dans le bon sens, en cumulant un choc de 30 milliards de baisse des coûts des entreprises et un effort de long terme sur la compétitivité structurelle : l’investissement, l’innovation, les filières de production. Avec sa mise à l’écart, tout comme celle du rapport de la Cour des comptes qui offrait des clés pour relever nos finances publiques à travers un effort de 120 milliards d’euros sur cinq ans, nous perdons nos dernières chances de moderniser notre modèle économique et social avant la sanction prévisible des marchés.

 La France est en croissance zéro depuis 2011. La richesse nationale a chuté de 2 % et la production industrielle de 10 % depuis 2007. Le revenu par habitant est inférieur à la moyenne de l’Union et le pouvoir d’achat diminue. Le chômage réel touche 5 millions de personnes si l’on intègre les travailleurs exclus. Les profits, les investissements et la recherche des entreprises sont à un plus bas historique. La dette publique atteint 91 % de notre produit intérieur brut. En bref, l’économie française est en train d’être happée par une spirale déflationniste. Depuis 2011, elle subit un choc fiscal sans précédent de 65 milliards d’impôts, soit 3 % de la richesse nationale, qui va lui porter le coup de grâce en transformant la stagnation en récession.

La priorité absolue, c’est un nouveau pacte productif qui passe par le relèvement de la durée du travail, préférable à la baisse des revenus, diminution du coût du travail à travers la déduction des charges, les coupes dans les dépenses publiques improductives. Seul un choc de compétitivité peut nous permettre de lutter contre le chômage et le désendettement. Ce pacte doit avoir pour pendant un pacte social qui donne plus de flexibilité à l’emploi et plus de sécurité aux travailleurs français. C’est la condition pour enrayer l’inégalité croissante qui résulte de l’hyperprotection des uns compensée par l’exclusion des autres, à commencer par les jeunes, les immigrés et leurs descendants.

Notre démographie et notre main-d’œuvre, nos talents et cerveaux, nos entreprises engagées souvent avec succès dans la compétition internationale, nos infrastructures, une partie de nos services publics, notre patrimoine et notre culture, notre place centrale dans le grand marché européen. La particularité française, c’est que les fléaux de la sous-compétitivité, du chômage de masse et du surendettement de l’État ne remontent pas au choc de 2008 mais à trois décennies de croissance à crédit. II ne dépend que de nous de cesser de dilapider nos atouts.

G.B.

La France compte 153 taxes et prélèvements pesant directement ou indirectement sur l’entreprise lorsque l’Allemagne n’en compte que 55, selon une étude de l’IFRAP (voir par ailleurs sur le site des 4 Vérités).

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Comments (1)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    question (paradoxale *** mais pas tant que ça si vous y réfléchissez bien :

    peut on dire ” grands ” patrons comme on parle de ” grand ” banditisme ?

    *** d’après Pessoa le ” paradoxe ” est ce qui nous rapproche le plus de la vérité ; ceci pour les âmes sensibles du ” grand ” capital qui foisonnent sur le blog !

    2 novembre 2012 à 18 h 14 min

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