La sortie de l’euro et le modèle argentin

La sortie de l’euro et le modèle argentin

J’attends comme tout le monde la disparition de l’euro en souhaitant que ceux qui nous dirigent, créateurs illuminés ou souteneurs damnés de cette monnaie inique, ne nous jettent pas, vieux bébés innocents que nous sommes, avec le bain de vif-argent dans lequel ils nous ont trempés, trompés et ruinés depuis vingt ans maintenant. J’espère une solution à l’argentine : en sortant du Uno por Uno, du Dollar pour un peso, l’Argentine, que j’ai bien connue à l’époque, a sauvé sa tête et celle de son peuple si sympathique, qui vient de connaître neuf années de forte croissance et de réélire triomphalement la populiste Christina Fernandez de Kirchner, qui a plusieurs fois envoyé promener les grandes banques et les responsables des avanies écoulées. Il est vrai qu’elle a des excédents budgétaires record et de grosses réserves de change.

A bien des égards, la situation que nous connaissons en Europe est similaire à celle que connut l’Argentine à la fin des années 90, lorsqu’elle était dirigée par Carlos Menem. Les mêmes aberrations produisent les mêmes conséquences, et nous verrons pour la sortie de crise.

Menem avait décidé de tout privatiser (il parlait même d’une nécessité cabalistique !), c’est-à-dire de tout brader aux amis, alors qu’il était l élu péroniste par excellence, chargé de veiller sur les intérêts du peuple. Ce vol public fut relaté après la ruine de son pays dans un très bon film-reportage, memorias de un saquéo. La mise à sac de l’Italie a été identique en Europe à la fin des années 90 et elle a eu des conséquences identiques : la ruine des finances publiques. C’est bien sûr Draghi, associé de Goldman Sachs, qui fut chargé de ce bradage en Italie.

Je ne suis bien sûr pas devenu communiste. Mais je ne suis pas fou non plus, au point de confondre escroquerie et libéralisme. Pourquoi vendre à bas prix son bien et se retrouver ruiné, gros-Jean comme devant, comme on disait alors ? On se croirait dans le conte d’Andersen sur les pommes blettes, où chaque fois le paysan crétin échange son bien contre un bien de moindre valeur jusqu’à se retrouver sans rien.

Je souligne alors ce paradoxe, qui comme tous les paradoxes n’est qu’un paradoxe apparent : comment se fait-il qu’à chaque fois que l’on privatise, la dette se creuse alors qu’elle devrait se combler ? On comprend alors mieux la dictature des marchés ; quelques conseillers, tous sortis en Italie des jésuites (que nos rois très chrétiens avaient expulsés, et pas pour rien), de Goldman Sachs et de quelques universités US encore plus ruineuses que notre défunte ou presque ENA, quelques conseillers nous demandent de brader notre patrimoine national, de désindustrialiser, d’importer tout-chinois, et d’emprunter à tire-larigot pour faire exploser les prix de l’immobilier ou le budget des mairies ou des départements socialos. Les hommes politiques étant des imbéciles (dépenser, c’est se faire bien voir de l’électeur) ou des collaborateurs patentés de ces entités financières ténébreuses, ils s’exécutent. Et nous nous retrouvons comme l’Argentine de Menem avec des dettes monstrueuses, une monnaie trop chère, sans industrie et sans culotte.

Les politiciens argentins ont été fous jusqu’au bout : c’est le Marché qui, en Argentine, a mis fin à la folie des financiers et des politiques (voyez la Belgique qui se porte très bien sans gouvernement depuis plus d’un an, donnant raison à mon vieux Lao Tseu !). En perdant 70% de sa valeur en 2002, le peso argentin a permis à la république argentine de ne plus importer et de se remettre à exporter. Le développement de la Chine et du reste du monde lui a permis d’atteindre des exportations record de viande, soja, blé, etc. Evidemment, il faudra à nouveau se creuser en France ou ailleurs pour se remettre à produire… Et notre population est beaucoup plus âgée que l’argentine.

En sortant de l’euro, l’Espagne, l’Italie ou même la Grèce connaîtraient quelques jours difficiles, nous aussi d’ailleurs. Mais l’économie se remettrait en marche, et ce serait la révolution des termites. On pourrait à nouveau investir, produire, exporter, attirer les investissements qui nous fuient. La dette ? Il faudrait s’en moquer, comme les Argentins : on ne va tout de même pas rembourser les usuriers qui nous ont ruinés, ou alors il faudrait être très sot.

On verra si les peuples comprennent : comme disait un vieil ami défunt, on se réveille quand on a plus mal que peur.

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Comments (5)

  • pierre Répondre

    Tu ne connait apparement pas la vérité sur ce qui se passe au quotidien en Argentine.

    Certe la croissance est forte mais ce n’est cela qui permet au gens de mieux vivre la-bas. En effet l’inflation est terrible!!! La monaie et les salire en général sont 5 fois moindre que en France et le prix des produit de necessité (nouriture, logement) sont au meme prix qu’en France ou presque. Tu voit le probleme?? LE cout de la vie en Argentine proportionelment au salaire est insuportable et le pauvreté grandissante ainsi que les inégalité et la disparition de la classe moyenne.

    Certe d’un point de vue d’economiste l’amélioration du pays est incroybale avec une très forte croissance mais d’un point de vue social réel c’est un désastre.

    30 novembre 2011 à 14 h 46 min
  • Saint Pierre Roger Répondre

    Pas si facile.
    1. Les Argentins ne se sont pas moqués de leur dette. Elle a été en partie seulement effacée et ils ont été considérablement aidés par le FMI et d’autres pays.
    2. Si la France sortait de l’euro, il est probable que la zone euro disparaitrait. Les pays dont la monnaie serait dévaluée verraient leur dette augmenter car elle resterait en euro ou équivalent (Dollars ou DM). Ce qui fût exceptionnellement possible pour l’Argentine serait impossible pour la France et tous les pays de la zone euro qui verraient leur monnaie dévaluée. Qui les aideraient ? Le FMI n’aurait pas assez d’argent et je ne vois pas l’Allemagne nous aider. Alors qui ? La Chine ? Bonne chance !!!  

    30 novembre 2011 à 11 h 39 min
  • QUINCTIUS CICINNATUS Répondre

    @ jaurès est tout à fait dans la vérité ! le néo-péronisme des Kirchner ( qui fit suite au péronisme de Carlos Mennem , un "levantin")  n’est certainement pas le "modèle" à imiter d’ailleurs pourquoi VOULOIR TOUJOURS IMITER LES AUTRES ?
    Je sais bien que ce n’est ni à Science-Po , ni à l’E.N.A. , que l’imagination est au pouvoir !

    29 novembre 2011 à 9 h 43 min
  • Jaures Répondre

    Quelle escroquerie ! Comment peut-on dire que notre situation est la même que celle de l’Argentine à la fin des années 90 ! A cette époque le chômage argentin atteignait 25%, le taux de pauvreté près de 60% ! Il y avait des émeutes chaque jour.
    Comment peut-on écrire des telles inepties ?
    Si l’Argentine a pu repartir c’est parce que sa dette était diluée et détenue essentiellement par les banques américaines à qui ce manquement a fait l’effet d’une piqûre de moustique à un éléphant. L’Argentine qui a profité de la croissance mondiale et de l’inflation du prix des matières premières a certes vu son taux de croissance en hausse mais elle avait connu une récession catastrophique préalablement (-15% en 2001).
    Mais surtout, l’Argentine connait aujourd’hui de sévères difficultés budgétaires et devant ses problèmes de refinancement, elle est obligée de s’adresser au Venezuela !
    Et rappelons pour comparer ce qui est comparable que le PIB par habitant est de 14 700 dollars en Argentine soit moins de la moitié de la France (chiffres 2010).
    Rappelons également que 10 ans après la crise, l’Argentine est loin d’avoir retrouvé son niveau du milieu des années 90 et doit vivre avec une inflation supérieure à 2 chiffres.

    M Bonnal, en matière d’économie comme en d’autres, méfiez-vous des modèles et des raisonnements simplistes.

    28 novembre 2011 à 17 h 18 min
  • pierre Répondre

    Monsieur

    c’est un bon texte et merci pour la citation du regrette Serge de Beketch qui nous manque
    tellement.

    Bien a vous

    P

    28 novembre 2011 à 14 h 45 min

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