La spéculation repart de plus belle

La spéculation repart de plus belle

La fin de la semaine dernière a encore été très agitée sur le plan monétaire. L’euro est tombé en dessous de 1,20 dollar et la valeur des emprunts d’État des pays du Club Med a chuté par rapport aux emprunts d’État allemands : 65 % en moins pour l’Italie, 17 % pour la France.

 

La France utilise l’euro depuis 1998. Les gouvernements français ont donc décidé de lier le franc au mark par une parité fixe les liant tous les 2 à l’euro. Par contre, entre l’euro et le dollar, ce ne sont pas les gouvernements qui fixent la parité. Ils ont laissé aux marchés le soin de le faire.

Ce sont les « spéculateurs » (ceux qui, étymologiquement, observent l’économie) suivis par des milliards d’individus qui font baisser le cours de l’euro. Ils pensent d’abord que l’économie américaine va de mieux en mieux. Ils pensent surtout que les mesures prises récemment pour « sauver » l’euro seront inefficaces, voire dangereuses pour l’économie. Ils vendent donc ce qu’ils possèdent en euro et achètent à la place des valeurs en dollar.

L’euro passe en dessous de la barre de 1,20 dollar. Cette variation des parités concerne les rapports de l’économie européenne avec celle du monde. Ce sont les marchés qui déterminent cette valeur.

Cette chute de l’euro est l’équivalent d’une « dévaluation compétitive ». Elle est favorable aux entreprises françaises qui exportent leurs produits dans le monde entier. Il y aura donc plus d’activité économique et moins de chômeurs en France et en Allemagne.

Mais cette chute de l’euro augmentera le prix de tout ce que les Européens importent, en particulier tout ce qui provient de la Chine. Or, plus 50 % de ce que nous consommons vient de l’étranger. Le prix d’une chemise chinoise va augmenter. Le pouvoir d’achat des Européens va être réduit d’autant. Ils seront poussés à acheter moins de vin néo-zélandais et plus de vin français.

Enfin, la balance commerciale des pays européens va être améliorée.

En ce « vendredi noir » du 4 juin, l’obligation d’État française valait 17 % de moins que l’obligation d’État allemande. L’obligation italienne 65 % de moins. La spéculation reprend de plus belle.

Les spéculateurs ne s’intéressent plus ici aux relations économiques entre la zone euro et le reste du monde. Ils s’occupent uniquement des rapports économiques entre les pays à l’intérieur même de la zone euro. Ils nous informent d’une chose toute simple. Ils estiment que les prix ont augmenté depuis 1998 de 15 % de plus en France qu’en Allemagne. De ce fait, le déficit de la balance commerciale française augmente dramatiquement tous les mois. Les nombreux rapports de l’OCDE ou de la BCE chiffrent sans arrêt et avec précision cette évolution.

Mais une parité fixe et « irrévocable » a été décidée en 1998 entre le franc, le mark et l’euro.

Et tout le monde est persuadé qu’on ne peut pas modifier la parité fixe sans sortir de l’euro. Or le traité de 1998 n’est qu’un contrat de mariage entre le franc, le mark et d’autres monnaies.

On peut divorcer et supprimer le contrat. L’euro disparaît et l’on revient aux monnaies nationales. Le marché détermine alors les valeurs relatives des monnaies. On peut aussi, après avoir divorcé, faire un contrat liant le mark et le franc par une parité fixe tenant compte de la nécessaire dévaluation de 15 %.On peut encore conserver l’euro, donc ne pas divorcer, et faire un nouveau contrat liant le franc et le mark à l’euro. Et, bien sûr, à toutes les autres monnaies européennes.

Malheureusement, les gouvernements semblent toujours décidés à conserver l’euro sans modifier les parités… Les spéculateurs savent que c’est mortel pour les économies du club Med ; ils spéculent. Il serait sage de les écouter.

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Comments (6)

  • Magny Répondre

    Oui … vendons la Bretagne ou la Corse , ça nous fera de l’argent frais … sauf qu’on a jamais sauvé un bateau en l’écoppant sans jamais boucher les trous !

    D’où on voit le génie de notre époque qui même en vendant ne s’en sort pas … là où nos rois très croyants achetaient des régions pour agrandir la France .

    Et vive le veau d’or ! Plus vous l’adorez plus vous perdez !

    13 juin 2010 à 14 h 25 min
  • SAS Répondre

    Marianne s’engage aujourd’hui sous la plume de Laurent Neumann. La France va vendre aux enchères, avant 2013, 1700 propriétés immobilières. Une grande braderie destinée à faire entrer de l’argent frais… pour rassurer les marchés. Ce qui ne suffira évidemment pas.



    Petite annonce immobilière sérieuse, garanties exigées, candidats insolvables s’abstenir ! « Etat français vend, à Thonon-les-Bains, propriété d’exception sur le lac Léman, avec petit port privé, château début XIXème, surface habitable 400 m², et sa maison de gardiens, 150 m². Surface totale : 9370 m². S’adresser à la Trésorerie générale de Haute-Savoie »… Ou encore : « Etat français vend hôtel particulier à usage de bureaux, rue de Bourgogne dans le 7ème arr. de Paris, 470 m² environ. S’adresser au Service des missions domaniales de la recette générale des Finances ». Une autre ? « Etat français vend grande maison forestière dans la commune Le Haut-du-Them-Château-Lambert (Haute-Saône), 205 m² de surface habitable et 115 m² de locaux annexes. S’adresser à la Trésorerie générale de Haute-Saône ». Une petite dernière ? « Etat français vend, à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), le pavillon et la maison forestière de La Muette, classé Monument historique, construit par Gabriel au 18ème siècle en forêt de Saint-Germain, 1116 m² au total. Informations : Trésorerie générale des Yvelines »…


    La propriété de Thonon-les-Bains (DR)

    La propriété de Thonon-les-Bains (DR)

    Allez jeter un coup d’œil sur le site du ministère du Budget, ça colle le vertige ! La France s’apprête à vendre aux enchères pas moins de 1700 propriétés immobilières d’ici 2013 pour faire entrer un peu d’argent frais dans les caisses de l’Etat qui, ces temps-ci, en manque singulièrement. En clair, on se sépare des bijoux de famille. Au nom de la rationalité financière – ce qui, a priori, est fort louable : la plupart de ces biens immobiliers sont devenus inutiles ; leur entretien coûte une fortune aux contribuables ; souvent inoccupés, ils se délabrent à vue d’œil et perdent de leur valeur. Un acte de bonne gestion, donc.
    L’ennui, et n’importe quel propriétaire immobilier vous le dira, c’est que la période n’est guère propice à la vente. Le marché de l’immobilier est encore assez déprimé, les acheteurs ne se pressent pas au portillon. Pourquoi, dès lors, vendre maintenant ? Réponse : la crise ! Le remboursement de nos dettes abyssales. Le déficit public. Voilà la vraie raison cachée de cette grande braderie : il faut rassurer les marchés financiers auxquels on a déjà offert en vain des plans de sauvetage himalayens, mais dont chacun voit bien qu’ils n’ont pas eu l’effet anxiolytique escompté.
    L’agence de notation Standard & Poor’s vient d’ailleurs de le confirmer : la note AAA de la France (la meilleure possible) est « tendue ». Hier, le responsable monde de la dette souveraine, au sein de l’agence, disait comprendre « pourquoi les décideurs politiques sont inquiets : les performances budgétaires de la France ont divergé de celles de l’Allemagne ». Même la note des Etats-Unis n’est plus intouchable, c’est dire…


    L'immeuble de la rue de Bourgogne (DR)

    L’immeuble de la rue de Bourgogne (DR)

    Moralité : il n’y a pas de petites économies. Depuis 2005, l’Etat a cédé pour environ 3 milliards d’euros de biens immobiliers dont 15% ont été affectés au désendettement. Le gouvernement de François Fillon a choisi de passer à la vitesse supérieure. Pas moins de 500.000 m² sont aujourd’hui à vendre. Ce qui, évidemment, ne suffira pas à rassurer les fameux marchés.
    Au passage, c’était bien la peine de faire la leçon aux Allemands ! Souvenez-vous : début mars, deux députés de la majorité au Bundestag suggéraient à la Grèce de combler son déficit public en vendant quelques-unes de ses milliers d’îles inhabitées. A la Une de l’hebdomadaire «  Focus », la déesse grecque Aphrodite adressait un doigt d’honneur aux contribuables allemands et, comble de mépris, estimait la somme que l’Etat grec pourrait tirer de ses archipels un petit milliard d’euros à tout casser. Une goutte d’eau, comparé à ses 300 milliards d’euros de déficit. Scandale à Athènes et dans la diaspora grecque : « L’Allemagne aussi a des milliards de dettes, qu’elle vende donc la Bavière à la République tchèque pour les résorber ! », s’était alors emporté le président de la communauté grecque de Berlin.
    Quand l’Allemagne le dit, on crie au scandale. Quand les marchés l’exigent, l’Etat français obtempère et les tenants de l’orthodoxie budgétaire crient au génie. Cherchez l’erreur !
    En fait, un spectre hante la France et toute l’Europe : celui de la faillite. A ce sujet, ne ratez pas le numéro spécial de Marianne qui sortira ce samedi 12 juin. Vingt pages pour tout comprendre de ce qui nous pend au nez. Un méga-krach est-il possible ? Qui va payer les dettes ? Faut-il forcément défendre l’euro ? Quelle Europe pour demain ? Comment mettre les spéculateurs au pas ? Les marchés sont-ils plus forts que le pouvoir politique ? Toutes les réponses seront dans Marianne… et elles ne feront pas plaisir à tout le monde.

    11 juin 2010 à 16 h 17 min
  • OLIVIER Répondre

    Il y a un gars qui, bien que très intelligent, n’y connaissait pas grand-chose en économie, et conseillé par un certain Rueff, a déclaré un jour :”La politique de la France ne se fait pas à la corbeille”. Il avait donc décidé lui, de ne pas écouter les spéculateurs, parce que l’idée qu’il se faisait de la France, si elle devait se courber sur le mercantilisme ambiant, pourrait donner ce que nous vivons maintenant, c’est-à-dire un gigantesque casino, un coup tu gagnes, cent fois tu perds . Pour lui, ne vous déplaise, l’enjeu européen, fruit d’une sagesse née des guerres qu’il avait faites et vécues, englobait, mais en dépassant de très loin, les relations commerciales. A l’époque, L’économie devait s’incliner devant le politique, puisqu’il avait réussi son pari de renaissance de la nation française avec 3 francs six sous en poche. Mais nous ne sommes plus à la même époque, question de hauteur de vue sans doute ? L’avez-vous reconnu ?

    10 juin 2010 à 21 h 47 min
  • grepon Répondre

    "Les spéculateurs savent que c’est mortel pour les économies du club Med ; ils spéculent. Il serait sage de les écouter."

    Perso, je leur ai rejoint, dans cette speculation jusquici profitable.    L’Europe est tres a mal, comme les Etats-Unis, mais avec de pires problemes de droits acquis, demographie catastrophique, et differences regionales trop extreme.   Ce n’est pas tenable comme "currency zone" et a force de tenir de facon tetu, ideologiquement borne dessus, ca va le plomber encore.

    Mais, si jamais ca soulage….vous verrez plus de touristes texans chez vous par la suite.   Quelle joie pour vous!

    10 juin 2010 à 17 h 26 min
  • Anonyme Répondre

    "On peut encore conserver l’euro, donc ne pas divorcer, et faire un nouveau contrat liant le franc et le mark à l’euro."
    Incompréhensible.

    10 juin 2010 à 0 h 08 min
  • Florin Répondre

    "Le prix d’une chemise chinoise va augmenter. Le pouvoir d’achat des Européens va être réduit d’autant."

    Infiniment ridicule comme analyse.

    Monsieur Trémeau, sachez que sur le prix en France de la chemise chinoise, seulement 3-4% correspondent au coût du travail chinois, donc ces seuls 3-4% vont gonfler. Même si le yuan doublait demain sa valeur, on ne s’en apercevrait pas.

    Les autres 96-97% du prix, ce sont des frais de transport, de douane, commissions de toutes sortes, plus les marges démentielles des commerçants (appellatif techniquement neutre et politiquement correct pour "requins" et "vautours"), y compris ceux de la grande truand… pardon, grande distribution.

    Alors, si demain votre chère chemise vous revient encore plus chère … sachez que ni les Chinois, ni le yuan, ni l’euro N’Y SONT POUR STRICTEMENT RIEN !!!!

    Faites un tour au hypermarché le plus proche, et chaussez vos lunettes : l’autre jour, il y a deux mois de cela,  je vois les chemises habituellement vendues 15-20 euros, tombées mystérieusement , non pas du camion, mais presque : à 4 euros pièce ! Sachant que la loi interdit la vente à perte hors période des soldes (et on n’y était pas !) essayez d’estimer la marge brute du commerçant (arrosé par ailleurs copieusement par l’Etat, au titre des 35 h, pour maintenir en esclavage le petit personnel, maintenu dans les temps partiels forcés pour bénéficier des aides d’Etat et bien entendu payé une misère).

    On a beau être de droite … 1917 arrive à grands pas !!! (et, à vue de nez, commencera par un contrôle comptable … hé oui …).

    9 juin 2010 à 23 h 23 min

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