La vérité sur le financement des syndicats

La vérité sur le financement des syndicats

Entretien avec Pierre Édouard du Cray
Directeur des études de
Sauvegarde Retraites

http://www.sauvegarde-retraites.org/

L’actualité a remis les syndicats sous le feu des projecteurs : sommet social, affaire Sea France et, en point d’orgue, la publication du fameux rapport Perruchot sur leur financement. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les règles en la matière ?

Ce sont l’opacité et le déni de nos libertés les plus élémentaires. Car, dans cette affaire Perru­chot, il y a, en réalité, deux scandales qu’il faut bien distinguer.
Le premier, bien sûr, c’est le contenu du rapport en lui-même, qui lève le voile, de manière assez complète, sur le financement public des syndicats patronaux et salariés.

Le second, c’est la manière dont l’enquête parlementaire s’est déroulée. Depuis 2007, les obstacles se sont multipliés pour étouffer l’initiative du député Perruchot et, ce, jusqu’à la censure du rapport.

Puis, le Président de l’Assem­blée nationale, Bernard Accoyer, a carrément menacé de 15 000 euros d’amende et d’un an de prison les personnes qui rendraient public le rapport et certains syndicats ont même osé demander des poursuites pénales contre les auteurs des premières fuites. Dans quel régime vit-on ?

Chez Sauvegarde Retraites, nous avons été outrés par cet interdit et ces menaces. Et nous avons encouragé les initiatives visant à ce que ce rapport caché soit publié et diffusé le plus largement possible…

L’hebdomadaire « Le Point » a bien voulu le rendre public. C’est une grande victoire pour nos libertés.

Que retenez-vous du contenu de ce rapport interdit ?

Tout d’abord, que l’État finance à coups de milliards les organisations syndicales qui, de ce fait, sont aujourd’hui complètement fonctionnarisées.

Par ailleurs, il se paie même le luxe de subventionner, plus ou moins directement, les organisations patronales. Pour les lecteurs des « 4 Vérités », ce constat n’est sans doute pas neuf, mais il faut bien admettre que le rapport Perruchot est, à ce jour, le seul rapport institutionnel qui en fasse état, de manière scientifique et détaillée. De ce point de vue, il est donc salutaire et innovant.
Ensuite, on peut noter que la main mise de l’État sur les négociations professionnelles et le « dialogue social » est une mauvaise exception française, sans équivalent en Europe.

Enfin, on peut ajouter que le rapport révèle des dérives particulièrement troublantes, comme la gestion des comités d’entreprise de la SNCF ou les pratiques de la FNSEA dans le monde agricole.

La France est l’un des pays développés où le « dialogue social » est le plus mauvais. Comment serait-il possible d’améliorer cette si­tuation ?

En mettant un terme au financement des syndicats par l’État et les organismes de Sécurité sociale et en rétablissant des élections dès que les syndicats sont en position de représenter les salariés.

L’argent public a contribué à tuer le vrai syndicalisme. Au­jourd’hui, les principales centrales sont très politisées et interviennent sans aucune légitimité dans la politique nationale. Et, quand elles interviennent, c’est presque exclusivement pour dé­fendre le statut de la fonction publique et, en particulier, les régimes spéciaux de retraite.

Si les syndicats patronaux et de salariés se finançaient exclusivement par les cotisations, ils seraient, comme chez nos voisins européens, plus représentatifs, beaucoup moins politisés et, surtout, plus en phase avec les réelles aspirations des salariés et des entrepreneurs.

Quelles sont les règles de la « démocratie syndicale » et du paritarisme en matière de retraite ?

Chez les salariés, il n’y a pas de réelle démocratie, puisque les administrateurs du régime gé­néral (CNAV) ne sont plus élus depuis 1983, mais « désignés »…

Ensuite, la branche retraite, dans son ensemble, représente une véritable aubaine pour les syndicats. Elle est encore constituée d’une multitude de régimes et de caisses, tous dotés de conseils d’administration, et, donc, de postes à pourvoir avec leurs avantages. Il y a largement assez de régimes pour que cha­que organisation puisse bénéficier de son pré carré… Évidemment, lorsque vient le temps des réformes, toutes s’opposent à la fusion des caisses qui entraînerait, de facto, une baisse de leur financement.

Dans ces conditions, il est évidemment difficile de réduire les nombreux gaspillages et de mo­derniser le système de retraite français !

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Comments (3)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    " aujourd’hui les centrales syndicales sont très politisées"  ?  ?    ?
    ah ! bon ! parce que avant elles ne l’étaient pas ou guère !

    Prenons l’exemple (patriote exemplaire nous dit N.S. )  de Guy Mocquet :
    Ce malheureux jeune homme ( car c’est un malheur que de mourir à cet âge quelles que soient ses convictions ) avait été condamné AVANT la Justice de l’Etat Français pour incitation au sabotage ( il distribuait des tracts aux ouvriers de l’Arsenal ) … C’était à l’époque du pacte germano-soviétique et ce jeune homme était membre du Parti Communiste et… de la C.G.T.  …plus tard il fut "désigné" comme otage et malheureusement fusillé en représailles d’un "attentat" commis contre un officier allemand

    27 février 2012 à 13 h 44 min
  • Toni Répondre

    Bon à part empoisonner la vie des gens, je me demande bien à quoi servent ces organisations.

    C’est curieux l’article a déjà une semaine et le syndicaliste n’est toujours pas intervenu.

    27 février 2012 à 10 h 32 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Pierre Edourd du Cray condense dans son article ce que la majorité des lecteurs des 4V savait déjà. Merci pour ce résumé précis qui permettra de le référencier à l’avenir.
    Quand je citais la majorité des lecteurs plus haut, j’omettais sciemment le syndicaliste. Il est vrai que le nombre d’intervenants de cet article étant réduit à la portion congrue cela ne l’a guère incité à y mettre son grain de KCN. Il est donc resté tout petit dans son trou de peur d’être dans la ligne de mire. Quel courage!

    25 février 2012 à 14 h 12 min

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