Le faux modèle « libéral » irlandais

Le faux modèle « libéral » irlandais

Il aura fallu une débâcle financière sans précédent, 32% de déficit et une chute du PIB de 7%, pour que les inconditionnels du libéralisme débridé, qui nous bassinaient à longueur d’année avec le flamboyant modèle irlandais, réalisent enfin que le Tigre celtique n’était en fait qu’un tigre de papier. Car pendant toutes ces années du « miracle irlandais », qui fit passer ce pays du rang le plus pauvre de l’Europe des 15 au rang le plus riche des 27 ( avec le Luxembourg ), personne ne s’est demandé sur quoi reposait véritablement cette croissance digne d’un dragon asiatique.

Or, quand on regarde de plus près ce « modèle de libéralisme », on voit qu’il a bénéficié d’une aide colossale de l’Europe, soit plus de 41 milliards nets en vingt ans, c’est à dire 520 euros par habitant et par an. Cette manne européenne, équivalente en moyenne à 2% du PIB chaque année, a permis à l’Irlande de pratiquer un dumping fiscal inéquitable et d’exporter son chômage sur le dos du contribuable européen. A titre de comparaison, si la France, au lieu de contribuer au budget européen à hauteur de 1% de son PIB, avait reçu proportionnellement la même aide que l’Irlande, ce sont 1 200 milliards que Bercy aurait pu économiser et notre dette actuelle ne serait pas de 1 600 milliards mais de 400 milliards, soit 20% du PIB au lieu de 80%.

Nous aussi nous aurions pu ramener notre impôt sur les sociétés à 12,5% en le faisant financer par nos voisins. Par conséquent il n’y a pas de quoi s’extasier sur le miracle irlandais qui n’est qu’un mirage, une illusion financée en grande partie par le contribuable européen. Ajoutons à cela un système bancaire à l’agonie et une bulle immobilière à l’américaine, et nous avons un tableau beaucoup moins enchanteur que celui qu’on nous dépeint depuis dix ans.

La fuite en avant des banques irlandaises

Car les banques irlandaises, comme dans la fable de la grenouille et du bœuf, ont prêté sans discernement pour atteindre un bilan ahurissant égal à 11 fois le PIB du pays ! De 2000 à 2010, ce bilan a été multiplié par 5. En comparaison, la BNP, la Société Générale et le Crédit Agricole totalisent un bilan global inférieur à trois fois le PIB français !

Cette fuite en avant des banques irlandaises est d’autant plus hallucinante qu’elle s’est faite sur des crédits immobiliers à haut risque, y compris aux Etats Unis. Quant à la dette des ménages, elle représente 120% du PIB. Par conséquent, avec un nouvel emprunt de 85 milliards au taux de 6% environ, soit presque la moitié de son PIB, il y a fort à parier que le Tigre celtique ne rugira plus de sitôt !

N’en déplaise aux libéraux, l’Irlande n’est qu’un pitoyable modèle d’assistanat, à des années lumière d’un véritable modèle libéral. Pratiquer un dumping fiscal sur le dos des Européens tant que tout va bien et socialiser ses pertes quand tout va mal, en nationalisant les banques et en appelant l’Europe à l’aide, ça n’a rien de libéral, ça ressemble plutôt au modèle économique du tiers monde qui tend sa sébile tous les six mois.

Mais ce naufrage irlandais, qui illustre à merveille l’incompétence des politiques et des banquiers, n’est malheureusement qu’un nouvel épisode de la crise économique mondiale qui ne fait que commencer. Dans la cordée des 27 pays européens, le monde entier attend de savoir qui sera le prochain à dévisser.

Jacques Guillemain

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Comments (17)

  • OLIVIER Répondre

    @Cyrano34 “Pourquoi les Français ne feraient-ils pas l’effort de s’aligner par le bas, sur le système irlandais ?” Ben, parce qu’ils n’ont pas spécialement envie de finir comme les Irlandais !! Alors on fait quoi, Cyrano ? On laisse tomber l’Irlande ? Ou bien on utilise une deuxième fois la fiscalité européenne pour sauver une deuxième fois le soldat Irlandais ? Bon au pire, si on choisit la première solution (la seule vraie libérale, c’est vrai), on aura eu le mérite de sortir l’Irlande de la famine pour 25 ans… Allez au bout de vos idées.

    9 décembre 2010 à 20 h 38 min
  • Anonyme Répondre

    Quelqu’un aurait-il acheté récemment des actions de l’Allied Irish Banks, (AIB) ? Non?

    Mancney

    8 décembre 2010 à 14 h 56 min
  • Anonyme Répondre

    Commentaire sympa et de bon sens, Cyrano34. Bravo et merci.

    Mancney

    8 décembre 2010 à 10 h 39 min
  • Anonyme Répondre

    Florin : " Subventions à l’Irlande : comme d’hab, le con, ce n’est pas celui qui les reçoit, mais bien celui qui les donne …"

    –      A propos de subventions… quelqu’un aurait-il acheté récemment des actions de la Banque d’Irlande (IRE) ? Non?

    Mancney

    7 décembre 2010 à 20 h 43 min
  • Frédéric Bastiat Répondre

    <<<Cela me rappelle les discours communistes au moment de l’effondrement soviétique qui nous expliquaient que ce pays n’était que la caricature du communisme, alors que quelques années plus tôt, certains affirmaient que bientôt les chômeurs français iraient y chercher du travail.>>> La gauche française par exemple?

    7 décembre 2010 à 20 h 17 min
  • Cyrano34 Répondre

    L’accusation de “dumping fiscal” à l’encontre des Irlandais est particulièrement stupide. D’abord parce que le terme de “dumping” est ici impropre. Il y aurait dumping si l’Irlande avait remplacé l’impôt par une subvention aux entreprises. Ce n’est pas le cas. L’impôt sur les bénéfices des sociétés, bien que “seulement” de 12%, est tout de même un impôt. En France l’Etat taxe les entreprises d’un côté (à 33%), mais de l’autre lui et surtout les collectivités locales les subventionnent pour les attirer: il y a près de 3000 dispositifs d’aides diverses aux entreprises en vigueur en France. En avant les usines à gaz ! Fi de la cohérence ! Les Irlandais taxent moins les entreprises, mais davantage les particuliers : en Irlande l’IRPP est nettement plus élevé qu’en France. Du point de vue des particuliers, c’est la France qui ferait du “dumping fiscal”. Quand on apprend aux Irlandais qu’en France la motié des ménages ne paient aucun impôt sur le revenu, ils sont stupéfaits. A juste titre. Après tout, chaque nation a le droit de choisir son système fiscal, non ? Pourquoi faudrait-il s’aligner par le haut, sur le système français, le plus spoliateur ? Pourquoi les Français ne feraient-ils pas l’effort de s’aligner par le bas, sur le système irlandais ? Pourquoi ne pas réduire à deux comme en Irlande, et non à quatre, les niveaux d’administration étatique et locales ? Par exemple ? L’accusation de “dumping fiscal” est tout aussi imbécile que les condamnations des paradis fiscaux. Car s’il existe des “paradis fiscaux”, c’est bien parce qu’il y a aussi des “enfers fiscaux”, comme la France, non ? Ces accusations ne sont que la manifestation de l’envie, fondement psychologique du socialisme, qu’éprouve le quidam jaloux du confrère qui se débrouille mieux que lui, et qui voudrait que l’égalisation se fasse par le pire : plutôt un essorage maximum égalitaire, plutôt qu’une inégalité permettant aux plus débrouillards d’échapper aux excès du fisc.

    7 décembre 2010 à 19 h 56 min
  • grepon Répondre

    "A lire aujourd’hui les libéraux, l’Irlande qu’ils avaient encensée, choisie comme modèle, serait devenue subitement un pays social-démocrate, étatiste."

    Jaures, ce que j’ai ecrit ci-dessus, c’etait que l’Europe est un pays etatiste.   Les distortions du type sousventions de tant d’euros par irlandais sont venu du monstre de Bruxelles, OK?  

    Bien sur que le taux d’echange de l’euro avec d’autres monnaies n’est pas venu d’Irelande non plus.  Dire le contraire serait proposer que la queue du chien qui fait flageller le chien, alors que le chien a maintes fois plus de masse que sa queue.

    Finalement, qu’esce qui forcaient, a votre avis, des monstrueusement grosse banques nominalement privees de France, d;Allemagne, et d’autres grosses pays, a se decider de faire leur placements d’argent en dehors de chez eux?    La reponse ====>  Il cherchaient un retour sur investissement qu’ils ne croyaient pas pouvour trouver, Monsieur Syndicaliste, chez eux.   

    Eh oui, ca s’est passe exactement comme si le trop d’etatisme europeen a eu pour resultat des bulles impressionnante dans de petits pays peripherique ayant choisi pour eux memes moins d’etatisme.   Si vous voudriez sauver la France, ben, apres tant de decennies de prescriptions socialistes, ca ne pourrait pas faire de mal a essayer quelque chose d’inverse, pour voir un peu si Francais et etrangers augmentiraient soudainement leur investissements en France.

    7 décembre 2010 à 17 h 32 min
  • Jaures Répondre

    A lire aujourd’hui les libéraux, l’Irlande qu’ils avaient encensée, choisie comme modèle, serait devenue subitement un pays social-démocrate, étatiste.

    Pourtant, dans son livre "Français, n’ayez pas peur du libéralisme"(2007), Pascal Salin donne son "tryptique gagnant" européen pour la croissance: l’Irlande, l’Estonie et l’Espagne !

    Cela me rappelle les discours communistes au moment de l’effondrement soviétique qui nous expliquaient que ce pays n’était que la caricature du communisme, alors que quelques années plus tôt, certains affirmaient que bientôt les chômeurs français iraient y chercher du travail.

    7 décembre 2010 à 10 h 38 min
  • Florin Répondre

    Subventions à l’Irlande : comme d’hab, le con, ce n’est pas celui qui les reçoit, mais bien celui qui les donne …

    7 décembre 2010 à 0 h 53 min
  • ozone Répondre

    ça change pas,quand leur systéme se plante,et en général cela plante les pays avec,ils nous sortent toujours la méme sornétte,"c’est pas le vrai,il y en avait pas assez".

    Il y en à plutot trop…..

    7 décembre 2010 à 0 h 33 min
  • grepon Répondre

    "N’en déplaise aux libéraux, l’Irlande n’est qu’un pitoyable modèle d’assistanat, à des années lumière d’un véritable modèle libéral. Pratiquer un dumping fiscal sur le dos des Européens tant que tout va bien et socialiser ses pertes quand tout va mal,….."

    Tiens, et tout cec, ou du moins beaucoup de ceci, a ete rendu possible par…l’etatisme a l’echelle europeenne.   Le comble, l’auteur s’en prend aux liberales avec cet argument.

    Pour en finir avec, ce genre de distortions stupides, il faudrait revoir la redistributionisme qui est au centre du projet europeen depuis le temps que les aides a Ireland persiste…..ET refuser plus d’assistance du type "socialiser les pertes" MAINTENANT.    Ce serait la position d’un veritable liberale.   Ce qui rend toute l’article hallucinant.

    6 décembre 2010 à 20 h 14 min
  • Euréka Répondre

    L’Irlande s’est rendue coupable du brigandage le plus opportuniste  offert sur un plateau par L’UE et  elle nous a escroqué en pratiquant du dumping fiscal. Quelle honte ! et personne ne s’est élevé contre ces manoeuvres frauduleuses ?  l’Irlande attirait les sociétés étrangères grâce à son taux d’imposition de 12%, nuisant gravement à la compétitivité des entreprises françaises obligées de se délocaliser, et aucune personnalité politique française ou européenne n’a mis le doigt sur cette concurrence déloyale ! Les contribuables français sont décidément bien dociles puisqu’ils acceptent de bosser dur pour entretenir des danseuses…

    Cette Europe est une charge insupportable pour un pays comme la France. Je ne vois pas ce que ça peut nous rapporter de subventionner l’entrée de nouveaux pays.  C’est une hérésie. Un suicide.

    Nos subventions aux nouveaux entrants se retournent contre nous puisque ces pays seront infiniment plus compétitifs que nous, et que nos entreprises installeront leur production chez eux,  achevant de détruire le tissu industriel français et mettant au chômage des cohortes de salariés.

    6 décembre 2010 à 19 h 28 min
  • OLIVIER Répondre

    ça fait du bien un article qui ne se cache pas derrière l’idéologie ! Bravo pour votre courage. Juste une question: sait-on à peu près quelle marge de manoeuvre aurait pu avoir l’état Irlandais s’il avait recouvré un IS aux alentours de 30% ?

    6 décembre 2010 à 18 h 10 min
  • OLIVIER Répondre

    ça fait du bien un article qui ne se cache pas derrière l’idéologie ! Bravo pour votre courage. Juste une question: sait-on à peu près quelle marge de manoeuvre aurait pu avoir l’état Irlandais s’il avait recouvré un IS aux alentours de 30% ?

    6 décembre 2010 à 18 h 10 min
  • Jaures Répondre


    "Quant à l’Irlande, j’ai maintes fois expliqué que ce pays bénéficie de subventions importantes de l’U.E qui lui permettent de réaliser un scandaleux dumping fiscal. Si l’économie irlandaise fonctionne si bien, qu’elle rembourse à l’U.E ce qu’elle lui a ponctionné depuis 20 ans. Avec la même somme par habitant, la France pourrait multiplier par 10 son budget alloué à la recherche et à l’enseignement supérieur! Alors arrétons ces petits éditoriaux qui feraient mourir de rire un lycéen de première ES."
    Jaures (Les 4V le 24/12/2006 commentaire de l’article de B.Tremeau).

    I

    6 décembre 2010 à 17 h 54 min
  • R. Ed. Répondre

    Correction …

    … Si la France avait pu bénéficier de la même aide que l’Irlande, ce sont 1200 milliards de plus qu’elle aurait  pu GASPILLER et la dette serait toujours de 1600 milliards… ou plus encore.

     

     

    Avec les mêmes au pouvoir, les mêmes résultats, et une Rolex à chaque politicien en prime.

    6 décembre 2010 à 13 h 38 min
  • Cyrano34 Répondre

    Si les subventions européennes sont la cause principale de la croissance irlandaise, comment se fait-il que la Grèce et le Portugal, qui en ont reçu tout autant par rapport à leur population, soient restés aussi loin derrière ? Selon ce critère, la Sicile qui a reçu pendant plus de 40 ans un pactole au titre des fonds structurels régionaux, devrait être la région la plus riche d’Europe. Reconnaissons au moins aux Irlandais le mérite de n’avoir pas gaspillé les aides. En fait la forte croissance irlandaise a démarré après la période des subventions européennes, lorsque l’Irlande a adopté une politique économique libérale, ne vous en déplaise. Les problèmes actuels de l’Irlande sont uniquement liés aux excès de leurs banques dans les prêts immobiliers, excès encouragés d’ailleurs par les prêts considérables que leur ont octroyé les banques allemandes, britanniques et françaises.

    6 décembre 2010 à 11 h 56 min

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