Le fiscalisme : doctrine officielle de la Cour des Comptes

Le fiscalisme : doctrine officielle de la Cour des Comptes

La part des prélèvements obligatoires dans le produit intérieur brut, qui mesure officiellement la création de richesses, va encore augmenter, en France, en 2005. Non seulement sous l’effet d’un Budget de l’État qui ne comporte aucune remise en cause sérieuse de la fonctionnarisation grandissante de notre pays, ni aucune des réformes de structure, pourtant nécessaires et urgentes (notre Chronique de la semaine dernière) mais aussi, et surtout, sous l’effet de la dérive du Budget social de la nation, plus important encore que le Budget et l’État (365 milliards d’euros en 2005 pour le premier contre 288 pour le second), qui augmente actuellement au rythme de 5 % par an, frôlant, pour la première fois de son histoire, la barre fatidique des 30 % du PIB.
Tous les transferts sociaux sont concernés par cette explosion à caractère cancéreux : aussi bien les dépenses au titre des prestations liées à la vieillesse et à la maladie, que celles liées au chômage puisque, en 2003, le coût des indemnités versées aux chômeurs a augmenté de près de 15 %.
Au regard de cet État-providence qui coûte de plus en plus cher – et que le chef de l’État propose, clairement, d’élargir encore, avec son soutien ostensible au plan Borloo dit de « cohésion sociale », dont le coût est évalué à plus de 10 milliards d’euros sur 6 ans – la paix comme la cohésion sociale sont chaque année en recul, si l’on en juge par les statistiques de la délinquance ou si l’on se penche, en détail, sur les études d’opinion. Tout se passe, très logiquement, comme si, en grossissant, en devenant obèse, l’État-providence affichait des performances économiques et sociales de plus en plus faibles. C’est ainsi, comme le disent si joliment les économistes et technocrates que le taux de croissance est devenu, chez nous, structurellement plus faible qu’ailleurs et aussi, plus faiblement créateur d’emplois.
Il existe, rue Cambon, une vénérable institution, dont l’origine remonte au XIIIe siècle, qui s’appelle la Cour des Comptes. Comme elle réunit en son sein plus de 200 hauts fonctionnaires parmi les plus agiles de nos technocrates sortis de l’ENA (modèle Jacques Chirac, promotion 1959…), plutôt que de se contenter de lui confier la seule vérification des comptes des organismes et entreprises publics, sur la base de leurs pièces comptables ou d’enquêtes diligentées sur place, l’habitude s’est développée de lui confier de vastes études économiques. Comme celle qui fait l’objet du 22e rapport, au Président de la République, du Conseil des Impôts,qui n’est, en fait, qu’un autre nom de la Cour des Comptes.
Ce document intitulé « La concurrence fiscale et l’entreprise » est entièrement consacré à un sujet d’une chaude actualité médiatique : les délocalisations. Le texte est disponible sur internet.
Comme toujours dans ce genre de rapport on trouve un grand nombre de données chiffrées, sous forme de tableaux, qui n’ont pas de raison d’être contestés, encore que, comme on sait, les statistiques, forcément sélectives, sont toujours une forme élaborée du mensonge…
La liste des personnes auditionnées par le Conseil des Impôts est instructive. À l’exception du président de la CGPME, par définition stipendié – comme le sont tous les présidents de syndicats – et des représentants du MEDEF, dont un ancien directeur général des impôts (sic !) on n’y trouve que des hauts fonctionnaires en activité ou un ancien haut fonctionnaire devenu avocat, ou bien encore les trois représentants d’un lobby patronal, l’AFEP, qui vit en concubinage notoire avec l’Administration. Mais à part ça, aucun inventeur, aucun investisseur privé, aucun chef d’entreprise indépendant n’a été entendu. Les rapporteurs ont bien auditionné quelques cadres supérieurs d’entreprise mais, pour la moitié d’entre eux, ce sont encore d’anciens fonctionnaires…
On comprend mieux alors la surprenante conclusion du Conseil des Impôts : « les expatriations d’entrepreneurs redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune ne constituent pas à ce jour un problème majeur pour l’État ».
Le rapporteur général du Sénat, un autre inspecteur des finances, Philippe Marini, dans les colonnes du Figaro, daté du 5 octobre, a facilement contredit les conclusions du Conseil. Le mouvement de délocalisations entraîné par l’ISF est beaucoup plus important qu’on ne le dit rue Cambon, car les entrepreneurs concernés quittent la France avant d’être taxés, plutôt qu’après… Le plus altruiste des capitalistes ne supportera jamais de payer un impôt supérieur à son revenu. Les entrepreneurs qui quittent la France enrichissent, notamment, les pays étrangers voisins et concurrents…
Le fiscalisme tue l’économie française, mais fait au moins prospérer la Cour des Comptes.

Télécharger le rapport :

http://www.ccomptes.fr/organismes/conseil-des-impots/rapports/concurrence/rapport.pdf

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Comments (2)

  • BONJOUR Répondre

    Qu’elle est l’origine du mot fiscalisme.

    Ma femme de ménage m’a repris et dit que ce terme n’existait pas.

    En effet ne retrouve pas ce terme dans ma grande encyclopédie Larousse des années 80.

    Est-ce un néologisme? dans ce cas de quand date son apparition (qui l’a employé pour la première fois par exemple).

    En vous remerçiant de votre réponse.

     

     

    PS: le petit personnel n’est vraiment plus ce qu’il était.

    27 septembre 2007 à 15 h 47 min
  • Jean-Claude Lahitte Répondre

    Il y a des années que l’on sait que les rapports de la Cour des Comptes ne servent ni à sancionner, ni à réformer. Supprimons donc les “comités Théodule” qui engraissent des fonctionnaires (parfois de “haut rang”) et ne servent qu’à endormir les électeurs/CON-tribuables qui s’imaginent que, parce qu’un organisme officiel dénonce les abus, ceux-ci finiront bien par être supprimés. Cela fera peut-être quelques économies… Bien cordialement vôtre, Jean-Claude Lahitte P.S. sans la nommer, une Association que vous connaissez bien et que j’appelle la “Cour des Comptes-Bis” dénonce également, année après année, sans que cela change rien au système, les mêmes abus. Faudra-t-il une révolution des honnêtes gens pour que l’argent des CON-tribuables soit enfin dépensé utilement et à bon escient ?

    12 octobre 2004 à 17 h 55 min

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