Le gaspillage des complémentaires santé

Le gaspillage des complémentaires santé

UFC-Que Choisir vient de publier une intéressante étude sur les frais de gestion des complémentaires santé.

Selon elle, ces dépenses ont atteint 7,2 Md€ en 2016, dont près de 40 % consacrés aux « frais d’acquisition » engagés pour convaincre les particuliers et les employeurs de s’adresser à l’institution A plutôt qu’à B.

Nous allons nous appuyer sur ces données, sur celles de la DREES et sur les comptes de la Sécurité sociale, pour étudier la superposition des organismes complémentaires et de la sécurité sociale, pour évaluer la gabegie qu’elle engendre, et pour proposer des solutions permettant de rendre un meilleur service à un prix plus raisonnable.

En 2015, les prestations servies par la CNAM se sont élevées à 148 Md€, si l’on se limite aux dépenses relevant de l’ONDAM (Objectif national de dépenses d’assurance maladie), et à 159 Md€ pour l’ensemble des prestations versées par la CNAM.

Les cotisations, impôts et taxes ayant abouti dans les caisses de la CNAM se montent à 160,5 Md€. Les charges, quant à elles, ont atteint 5,7 Md€. Elles représentent donc 3,85 % des dépenses au sens le plus restrictif, et 3,55 % des recettes. Face à 20 % de frais de gestion pour les complémentaires santé, la CNAM en est à un peu moins de 4 %.

La CNAM dépense donc un peu moins pour sa gestion que l’ensemble des organismes d’assurance santé complémentaire, alors qu’elle sert 4,5 fois plus de prestations. Ce double dispositif, dont l’un rembourse peu mais avec des frais élevés, complique la vie des patients et pèse lourdement sur le budget des Français. Nous sommes donc en présence d’un gaspillage considérable. Ne pourrait-on pas y remédier ?

La première solution qui vient à l’esprit est : rendre inutile les complémentaires santé en augmentant la prise en charge des soins par la Sécurité sociale. La généralisation des complémentaires qui vient d’être réalisée, au prix d’un gros effort demandé aux entreprises, ayant été une décision très critiquée, et en effet stupide, ce retour en arrière radical serait concevable. Mais il y a mieux à faire.

En effet, l’assurance maladie n’est pas un modèle absolu d’accueil du public, de bonnes relations avec les professionnels de santé, ni même de gestion au moindre coût. Un peu de concurrence ne lui ferait probablement pas de mal. Ce qui est important pour le patient et ceux qui le soignent, c’est de ne pas avoir à faire deux fois les démarches pour la même opération.

Dans une certaine mesure, la solution existe déjà : quelques complémentaires gèrent les dossiers maladie pour le compte de la sécurité sociale comme pour leur propre compte.

Le particulier retire un autre avantage de cette façon de faire : il peut souscrire auprès d’un organisme tel qu’une institution de prévoyance, qui est généralement équipée pour, une formule d’épargne en vue de la retraite, ou une assurance dépendance.

Voyons encore plus loin : pourquoi ne pas ouvrir la possibilité de passer par une telle institution pour vendre en viager son domicile ou percevoir des prestations familiales ? Bref, il serait possible de renouer avec l’idée de la caisse unique qui avait été un objectif en 1945, objectif hélas rapidement abandonné en dépit de l’intérêt qu’il présente pour l’assuré social : être client d’un prestataire de services capable de lui offrir toute la gamme des produits de protection sociale, que leur usage soit imposé par la loi ou laissé au libre choix du client.

L’assurance chômage elle-même pourrait être traitée par un tel prestataire, qui connaîtrait bien ses clients et ne les abandonnerait donc pas dans un univers parfois kafkaïen.

Au moment où les banques dé­laissent de plus en plus le service personnalisé, au nom d’une conception ridicule du tout numérique érigé en panacée universelle, ces prestataires pourraient gérer des comptes d’épargne, notamment salariale, et peut-être même pratiquer le micro-crédit pour des entrepreneurs individuels ou le crédit à la consommation.

Pour ne pas voir disparaître leur fonds de commerce, les caisses de Sécurité sociale pourraient elles-mêmes se transformer en organismes sociaux multiservices : telle caisse d’assurance maladie, telle caisse d’allocations familiales, diversifierait ses activités en devenant l’interlocuteur privilégié de certains de ses anciens « administrés » devenus clients. Les mentalités et les pratiques évolueraient ; la Sécurité sociale nouvelle génération entrerait, non pas dans la sphère marchande, qui n’est pas sa vocation, mais dans celle d’un véritable échange non marchand.

 

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Comments (1)

  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    //la Sécurité sociale nouvelle génération entrerait, non pas dans la sphère marchande, qui n’est pas sa vocation, mais dans celle d’un véritable échange non marchand.//

    L’assurance auto est bien dans une sphère marchande et pourtant il y a des vies humaines en jeu.
    J’ai toujours eu l’impression que les gens pensent que c’est la Sécurité Sociale qui les soigne, alors qu’elle ne fait que les assurer et moins bien qu’une assurance privée.

    La vocation d’une assurance c’est d’assurer, peu importe pour quoi.

    26 juin 2018 à 18 h 32 min

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