Le peuple et l’élite

Le peuple et l’élite

Monsieur Peyrelevade a livré dans le Figaro du 30 décembre un article intéressant, typique de la mentalité de la Haute Administration : ses décisions sont toujours bonnes. Si les résultats sont mauvais, c’est que l’expérience a été trop courte, ou la dose insuffisante.

C’est ainsi que, selon lui, il faut sauver l’euro à tout prix (c’est le mot).

L’euro n’est pas un moyen d’améliorer le sort des peuples, c’est un objectif autonome, et on ne doit pas mégoter sur les moyens. Il énonce ainsi sans rire que « seuls des transferts massifs de souveraineté au niveau européen fourniront à chacun des Etats qui constituent la zone euro un cadre de solidarité et de discipline dont nul ne pourra plus s’écarter. Ainsi la convergence des économies européennes sera-t-elle enfin assurée. Ainsi, pour le bien de toutes, chacune sera indissolublement liée aux autres ». Vive la liberté.

Peut-on attirer l’attention de l’auteur sur le fait que la convergence a été instituée en 1992, 8 ans avant l’euro, par l’instauration de critères « adaptés », puis renforcée en 1997 par le Pacte de Stabilité et de Croissance ? Que, d’autre part, les pays membres ont déjà entièrement abandonné leur souveraineté monétaire depuis près de 15 ans, sans parler du législatif, sans résultat positif notoire, et qu’on ne voit pas bien ce qu’ils pourraient transférer « massivement » de plus à « l’Europe », sinon ce qui leur reste d’indépendance, et l’endettement énorme que l’irresponsabilité générale instaurée par le système a poussé certains à creuser ?

Mais ce n’est pas tout : « le principe de solidarité des Etats de la zone euro doit être absolu » car « la mutualisation du risque permet à chaque emprunteur de payer un taux à peu prés identique… plus bas que celui auquel lui permettraient d’accéder ses mérites propres » ! Voilà, de la part d’un ancien banquier, un encouragement officiel et inattendu au laxisme financier, puisque les Etats vertueux devront financer les autres sans limite, et qui plus est à faible taux !

Or c’est justement la solidarité aveugle et automatique déjà instaurée de facto par la monnaie unique, qui a incité les uns à dépenser sans compter, et contraint les autres à financer sans s’en apercevoir… Jusqu’au jour où le volcan de dettes a fait trembler les créanciers, que les débiteurs ont alors traités de sauvages. Ben voyons !

Les contraintes hors de prix et hors d’atteinte suggérées ne visent qu’à empêcher de s’écrouler une architecture mal conçue.

Ne vaudrait-il pas mieux revoir l’architecture, pour qu’elle tienne debout toute seule ?

Le problème est que, au fond, Monsieur Peyrelevade a raison : une monnaie unique ne peut fonctionner que dans une zone absolument homogène. Puisqu’au lieu de converger, les économies des membres divergent, il faut donc l’homogénéiser de force si les peuples, qui n’y comprennent rien, s’y opposent.

Montesquieu disait : « J’aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour manquer de jugement. »

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Comments (3)

  • sas Répondre

    Traduction française:

    « Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques  priveront les gens de  toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession,  jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis »

    Thomas Jefferson (1802)

    2 novembre 2011 à 17 h 14 min
  • Daniel Répondre

    quinctius … "
    Tous ces "européïstes" ont en commun de vivre dans un monde fait au mieux d’illusions au pire d’hypocrisies , ce qui a leurs yeux leur donne le DROIT pour ne pas dire le DEVOIR de s’estimer d’une "moralité" supérieure à celle trop prosaïque du "vulgaire troupeau" qui cependant les nourrit …
    Fort bien exprimé : soit des cons soit des criminels en bandes organisées usant de la préméditation et autres circonstances aggravantes.

    La citation de Montesquieu par ailleurs trop méconnue  devrait être la devise des citoyens

    1 novembre 2011 à 21 h 37 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    Les propos tenus dans "le Fifgaro" par Monsieur Peyrelevade , qui a un "lourd" passé de gestionnaire de "créances pourries" , ne me surprennent pas pas davantage que ne m’étonnait sa proximité avec Monsieur François Bayrou … Tous ces "européïstes" ont en commun de vivre dans un monde fait au mieux d’illusions au pire d’hypocrisies , ce qui a leurs yeux leur donne le DROIT pour ne pas dire le DEVOIR de s’estimer d’une "moralité" supérieure à celle trop prosaïque du "vulgaire troupeau" qui cependant les nourrit …
    La citation de Montesquieu par ailleurs trop méconnue  devrait être la devise des citoyens

    31 octobre 2011 à 14 h 34 min

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