L’erreur de la monnaie unique

L’erreur de la monnaie unique

Dans le n° 849, j’ai évoqué les liens entre la politique monétaire européenne, d’une part, et le chômage et l’endettement, de l’autre. Il nous faut maintenant examiner le concept même de monnaie unique.

Maurice Allais avait mis en garde en 1992, dès connu le projet de Maastricht, et encore en 1999, dans les ouvrages déjà cités, contre le piège monétaire que représentait une monnaie unique dans le cas considéré.
Il n’était pas le seul : Jean-Jacques Rosa, Philippe Seguin, Milton Friedmann, Jimmy Gold­smith, Marie-France Garraud et bien d’autres ont essayé de donner de la voix. En vain.

La théorie d’une monnaie commune à plusieurs pays a été présentée par Robert Mullen en 1961.
Il établissait que, pour qu’une telle monnaie soit viable, plusieurs conditions devaient être remplies, rassemblées sous la dénomination de « zone monétaire optimale ».

Les pays considérés devaient être proches géographiquement et par leur niveau de développement, avoir une culture sociale et économique comparable, pouvoir assurer aisément la mobilité de la main-d’œuvre (mêmes langues), disposer de règles de droit proches, avoir des traditions semblables à l’égard de l’épargne et du recours au crédit, bref des cultures sociales et commerciales voisines ou compatibles.
L’échec des précédents, dans l’Antiquité comme dans l’His­toire plus récente, de Charles-Quint à l’empire austro-hongrois, invitait à la prudence dans le maniement de cet explosif.

Mais, décidément, la prudence n’est pas la vertu cardinale de l’Union européenne, et on a tôt fait de se convaincre que 11 pays, allant du Danemark au Portugal, bientôt 17, de la Fin­lande à la Grèce et de l’Irlande à Malte et à Chypre, feraient une zone cohérente et merveilleuse, promise à la prospérité et à la Pax Europeana.

Las, les faits sont têtus, et l’écart des taux structurels d’inflation de ces membres divers a fait son œuvre. Le fait que, par construction, toute dévaluation au sein de la zone euro soit impossible, a fait croire au bon peuple que cette monnaie nouvelle ne se déprécierait pas.

Or, non seulement elle continue de se déprécier (comme toutes les monnaies d’ailleurs, depuis que la monnaie existe), mais, de manière invisible, et à des vitesses différentes dans chaque pays de la zone. On a seulement caché ces dépréciations sous le tapis du mythe « monnaie unique ».
Circonstance aggravante, la BCE ne pouvant prendre qu’une seule décision sur les taux, et non 17, son choix est en permanence inadapté pour la plupart des membres, de sorte que certains sont bridés par des taux trop élevés, et d’autres poussés au laxisme par des taux trop bas.

C’est ainsi que, pendant des années, la croissance des meilleurs a été bridée, pendant que l’immobilier espagnol ex­plosait sans clients solvables, et que la Grèce vivait à crédit dans le plus grand désordre.

Ainsi, avec une petite exception pour l’Autriche et la Finlande, peut-être les Pays-Bas, tous les pays de la zone ont vu leur compétitivité diminuer constamment par rapport à l’Allemagne. Comme avant !.…
Mais, auparavant, cet écart était de temps à autre compensé par une dévaluation. Ce n’est plus possible. Une inondation de milliards ne peut en tenir lieu.

On voit donc que les trois leviers qui produisent ces résultats désastreux ont les caractéristiques communes suivantes :

– Ils résultent tous de décisions politiques libres et sans contrainte (acceptation du libre-échange mondial en 1974, refus du financement interne gratuit des États en 1973, création de l’euro en 1992) et non, comme on nous le serine à longueur de temps, d’une évolution naturelle, inévitable, et irréversible.
– Ces décisions ont souvent été prises en dehors des procédures démocratiques, à commencer par le Traité de Maastricht, et parfois contre elles, comme celui de Lisbonne.
– Toutes échappent aux autorités présumées, qui paraissent s’épuiser à chercher la solution où elle n’est pas, comme cet homme qui avait perdu ses clés dans une rue sombre, et les cherchait dans la rue voisine, où il y avait de la lumière…

Reste tout de même une question, que j’étudierai dans un prochain article : ces « autorités » ne peuvent ignorer ce que je viens d’écrire. Pourquoi donc tournent-elles en rond ?

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Comments (6)

  • ozone Répondre

    Pour que l’euro vive?

    Aussi refaire l’histoire économique de tous les pays,décréter un méme degré de compétitivité ,toutes les productions n’étant pas touchées de la méme façon par rapport a leurs concurrents hors zone euro ou CEE…
    Fastoche…

    Il faut sortir des considérations purement financieres.

    22 juillet 2012 à 21 h 29 min
  • pi31416 Répondre

    Je constate que depuis quelques semaines l’euro baisse lentement mais sûrement.

    A Bruxelles on dit même que l’euro s’effrite et puis démoule.

    22 juillet 2012 à 20 h 35 min
  • pi31416 Répondre

    Je constate que depuis quelques semaines l’euro baisse lentement mais sûrement.

    A Bruxelles on dit même que l’euro s’effrite et puis démoule.

    22 juillet 2012 à 15 h 10 min
  • MINUX75 Répondre

    Bonjour Pour que l’euro puisse fonctionner il aurait fallu que tous les pays européens marchent du même pas, que les fourmis dépensent autant que les cigales CAD que la fiscalité soit décidée au niveau européen,on voit très clairement que quand Hollande détricote les lois fiscales de Sarkozy c’est n’est sûrement pas de la fiscalité européenne avec un grand E, idem en ce qui concerne le contrôle, l’initiative des dépenses publiques qui sont décidés…en France seulement. Pour le droit de grève, c’est la même chose, il aurait fallu instituer un droit de grève européen, inutile de dire que les syndicats y sont totalement opposés. Idem en ce qui concerne les retraites qui devraient être normalisés au niveau européen, adieu la retraite à 60 ans et ne parlons pas du système de santé qui lui aussi devrait être aux normes européenne ce qui n’est bien sûr pas le cas en France ou nos hommes politique et les magistrats freinent des quatre fers, imposant en france un système de retraite que le monde nous envie tant. En plus, il aurait fallu normaliser le taux de prélèvements obligatoires ou la encore, règne une totale pagaille. Faute d’accéder à tous ces critères de convergences, l’euro ne peut être comme l’a dit charles GAVE qu’un FRANKENSTEIN financier bref une Prométhée moderne promise à un avenir des plus funestes. à bientôt

    21 juillet 2012 à 20 h 23 min
  • Paul Répondre

    très bel article! une petite erreur cependant: il s’agit de Robert Mundell et non Robert Mullen

    19 juillet 2012 à 18 h 06 min
  • ozone Répondre

    "Tournent -elles en rond"

    Vraiment?

    Ou nous tournent-elles en bourrique.

    Voyez  ce qu’elles ont obtenu,regard sur les budgets des nations donc plus d’indépendance réelle,Sarkozy a signé des accords dont nous n’avons aucune idée,masqués par de pompeuses dénominations,mais comme toujours avec l’UE les directives qui en découlent sortiront au fur est a mesure.

    Alors les gens auront bien des surprises.

    N’oublions pas que le but de ces gonzes est toujours la finalisation du "Doha round" avec son AGCS,dérniere brique dans le mur du libre échancisme absolue,un plantage de l’euro avec son corollaire politique a l’intérieur de l’union serait un obstacle insurmontable avec des pays décidés a faire valoir leurs intérets,comme au temps des discussions du GATT trainants en longueur.

    18 juillet 2012 à 20 h 55 min

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