Les deux fonctions d’une monnaie

Les deux fonctions d’une monnaie

La crise grecque et le débat sur l’euro ont montré que, comme toute monnaie, l’euro remplit deux fonctions :
– une fonction patrimoniale,
– une fonction commerciale.

Les peuples peuvent avoir des attentes contradictoires vis-à-vis de la monnaie, selon qu’ils privilégient l’une ou l’autre fonction.

La fonction patrimoniale

Dans cette fonction, la monnaie est garante de la valeur des biens et des supports de l’épargne, notamment des liquidités.

Il faut rappeler la fantastique dévaluation qu’a connue le franc avant l’introduction de l’euro. Exprimés en monnaie actuelle, les salaires d’ouvriers et d’employés des années 1920 seraient de l’ordre de 0,6 à 1 euro par mois ! Il faudrait donc les multiplier par 1 500 à 2 000 pour obtenir des salaires actuels.

Pour des objets courants, il faudrait multiplier leurs prix 1920 par 700 à 1 000. (La plus forte inflation des salaires traduisant l’élévation du niveau de vie).

Pour simplifier, on peut dire que le pouvoir d’achat du franc a été divisé par 1 000 au cours du XXe siècle.

Quant aux Allemands, ils restent traumatisés par la faillite monétaire de la république de Wei­mar !

La qualité fondamentale que les utilisateurs attendent de la fonction patrimoniale d’une monnaie est que celle-ci reste aussi stable que possible sur la longue durée.

Depuis sa création, l’euro a relativement bien rempli cette condition.

La fonction commerciale

Une monnaie sert également de support aux échanges commerciaux entre différents pays (im­portations, exportations).

Lors de la création de l’euro, le rapport entre cette nouvelle monnaie et chacune des monnaies nationales a été fixé à partir des taux de change réellement observés antérieurement. Au départ, tous les pays de la zone euro étaient donc sur un pied d’égalité en terme de compétitivité.

L’euro ayant été imposé comme monnaie unique, chaque pays savait qu’il ne pourrait plus recourir à des modifications de taux de change. Les dirigeants auraient donc dû se fixer la règle impérative de ne pas laisser la compétitivité de leur pays se dégrader par rapport aux autres. Hélas, ce fut loin d’être le cas…

Un seul pays important, l’Al­lemagne, s’est imposé des réformes profondes qui ont maintenu et même amélioré sa compétitivité. Aujourd’hui, elle bénéficie d’un avantage compétitif majeur face à ses partenaires de la zone euro. Elle a une balance commerciale largement positive. L’euro actuel constitue, pour l’Allemagne, un « taux de change » très avantageux qui lui permet de gagner des parts de marché sur ses concurrents européens.

Si l’Allemagne sortait de l’euro, sa monnaie s’apprécierait. Les produits importés seraient moins onéreux pour les Alle­mands et donc les importations augmenteraient. Au contraire, les exportations allemandes deviendraient plus coûteuses pour les acheteurs étrangers y compris européens et diminueraient en volume.

La situation actuelle de la zone euro apporte à l’Allemagne une rente de compétitivité.

Il en va tout autrement pour les « pays cigales » qui, pour diverses raisons, ont vu leur compétitivité se dégrader. Leurs coûts de production se sont alourdis par rapport à ceux de l’Allemagne. Leurs exportations, devenues plus onéreuses pour les acheteurs étrangers, ont diminué, et leur activité s’est ralentie.

L’introduction de l’euro monnaie unique aurait dû être précédée, au minimum, par la mise en place de politiques fiscales et sociales convergentes, ce que les peuples n’étaient pas prêts (et, apparemment, ne sont pas encore prêts) à accepter.
La zone euro regroupe donc des pays aux performances économiques très disparates. L’euro ayant été imposé comme monnaie unique, il n’existe aucun mécanisme pour corriger les taux de change des pays à faible productivité par rapport aux pays à forte productivité.

La dévaluation externe étant interdite, la seule variable d’ajustement reste la « dévaluation interne », c’est-à-dire la baisse généralisée du niveau de vie des habitants, afin de faire baisser les coûts de production.

Devant cette perspective inquiétante, les habitants peuvent donc regretter de ne pas pouvoir dévaluer, ce qui reviendrait à sacrifier temporairement la fonction patrimoniale de leur monnaie pour redonner de l’efficacité à sa fonction commerciale.

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Comments (2)

  • DE SOYER Répondre

    Que la dévaluation soit interne ou externe, le niveau de vie d’un pays baisse. Quand un pays accumule les déficits comme la France, les remèdes sont: stopper l’immigration, diminuer la redistribution et les impôts frappant les entreprises, afin de remettre des gens au travail et relancer la croissance.

    18 février 2016 à 13 h 00 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    un bon article sur l’ euro vs le franc, la responsabilité des politiques fiscales ( et par effet d’ aval sociales ) ” nationales “. l’ auteur semble regretter que les dirigeants [ français dans son esprit ] n’ aient pas mis le garde-fou du réajustement des parités pour que les nations conservent leur compétitivité … ce qui est effectivement LE problème … pour nous ! quand on se refuse à ” épurer ” sa propre comptabilité nationale sous prétexte d ‘ une redistribution en corne d’ abondance on devient effectivement moins productif ( sauf en chômeurs ) et aussi moins compétitifs … le problème est donc avant tout celui de la gabegie comme par exemple celui de la formation professionnelle … on bricole, on bidouille, on rafistole et le réajustement des parités ( entre monnaies ) c’ est justement ça

    17 février 2016 à 17 h 14 min

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