Les riches et les pauvres

Les riches et les pauvres

Depuis quelque temps, des éditoriaux dévelop­pent des thèses étonnantes sur l’inégalité des conditions sociales, remises d’actualité par le mouvement des Gilets Jaunes.

On suggère que, dans les revendications sur le système fiscal, « la gauche » manque de jugement, en ignorant qu’il a toujours existé des pauvres et des riches, qu’il est donc vain de se dresser contre cet état de fait, et que, d’ailleurs, les fameux milliardaires sont ceux qui créent la richesse et les emplois.

Pour que l’on comprenne bien, ces commentateurs demandent parfois en quoi la disparition des très grandes entreprises honnies servirait la cause publique. Comme si une telle disparition était réclamée par qui que ce soit …

J’ai aussi lu que, si l’accroissement récent des inégalités de fortune était indéniable, il ne s’est pas fait au détriment des moins favorisés. Un éditorial rappelle même, en appui de cet argument, que la Banque Mondiale « recense quatre fois moins de très pauvres qu’il y a trente ans ».

Application du mot de Churchill : « Je ne crois qu’aux statistiques que j’ai moi-même manipulées » !

Mais il ne faut pas changer de sujet au milieu d’un paragraphe.

Nous parlons des Français, pas de l’Afrique ou de l’Asie. Or, en France, personne ne nie la baisse constante depuis vingt ans du pouvoir d’achat et du revenu médian, ni que le nombre de foyers passant sous le seuil de pauvreté est estimé à 800 par jour : phénomènes jamais relevés dans un pays civilisé en temps de paix. Il est donc normal que les « classes moyennes », qui en sont victimes, finissent par s’en rendre compte.

Mais pourquoi cette jalousie à l’égard de ceux qui en sont préservés ?

Simplement parce qu’on considère que les « riches », chefs des grandes entreprises, sont responsables du chômage de masse, ce qui est faux, et qu’ils en tirent profit, ce qui est vrai.

Les riches ne sont pas responsables du chômage. C’est la conséquence des délocalisations industrielles, imposées par la brutale concurrence des pays à bas salaires, qui pouvait provoquer la faillite générale, et autorisées par la libre circulation des capitaux et l’abolition des frontières fiscales.

Deux décisions de l’Union européenne.

Mais les riches sont bien bénéficiaires, involontaires, de la forte baisse de leurs prix de revient, qui ont pu tripler leurs résultats. Contrairement à ce qui est répandu, le rapide et fort enrichissement des plus riches et l’appauvrissement de la majorité, sont les deux faces d’une même réglementation européenne, à quoi s’ajoutent, pour les premiers, des facilités d’exil fiscal.

On aurait pu imaginer que la situation sociale de la masse de la population, un objectif prioritaire pour des responsables publics, ait à l’époque préoccupé les décideurs, et que, en contrepartie des avantages financiers donnés aux uns, un relèvement de la rémunération des autres, rendu possible par l’accroissement des marges, aurait été prévu.

Mais c’est, au contraire, une pression constante sur le SMIC, et donc sur l’échelle des salaires, qu’imposent les Grandes Orientations de Politique Économique de la Commission de Bruxelles.

Ainsi, chaque année, par le jeu de l’inflation et de nouvelles délocalisations, la situation des uns s’aggrave, et celle des autres s’améliore.

Dans ce contexte, l’affaire de l’ISF est pour le moins maladroite. Cet impôt idiot a fait fuir beaucoup de grandes fortunes, et a fini par rapporter moins que les impositions antérieures. Il ne fallait donc pas l’instaurer. Mais, à l’évidence, c’est une maladresse insigne de l’avoir réduit dans le contexte social actuel. Là encore, une pression de Bruxelles. Double peine pour l’État, double gain pour les exilés fiscaux, et cadeau indécent, aux yeux des autres, qui devront, d’une façon ou d’une autre, payer à la place des gagnants … La bêtise le dispute à l’arrogance.

Si l’on veut vraiment rétablir l’équité, redresser la situation économique et sociale, et sortir d’un climat de tension insupportable, il faudra bien un jour ou l’autre, y réfléchir, et se poser les bonnes questions.

D’autant que l’aspect purement financier, s’il a été le premier à apparaître dans les revendications, a rapidement été rejoint par celui de la dignité des conditions d’existence, mises à mal par le chômage de masse. Cet aspect ne peut pas être atténué par une simple hausse d’indemnisation, mais par des emplois stables, qui concrétisent l’utilité des personnes.

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Comments (6)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    ” le meilleur ennemi du pauvre c’ est le pauvre [ lui -même ] ”

    ( Martin Hirsch )

    ce qui veut signifier que l’ ennemi du pauvre c’ est avant tout sa propre bêtise !

    25 février 2019 à 13 h 55 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      ” le meilleur ennemi du pauvre c’ est le pauvre [ lui -même ] ”

      ( Martin Hirsch )

      ce qui veut signifier que l’ ennemi du pauvre c’ est avant tout sa propre bêtise !

      ou sa ” paresse ” [ principalement intellectuelle ]

      25 février 2019 à 13 h 57 min
  • IOSA Répondre

    Tous les pauvres aspirent à devenir riches même très riches, mais l’inverse jamais !
    Ne me posez pas la question du pourquoi les riches ne veulent pas devenir pauvres, je ne suis pas encore devenu riche.
    Mais ce que je sais des pauvres c’est qu’ils savent partager le peu qu’ils possèdent (sauf leurs femmes) et l’inverse toujours pas.
    Alors la question est : Est ce que la richesse rend les personnes déviantes ?

    20 février 2019 à 22 h 09 min
  • De Sorne Répondre

    En fait, ce dont on manque le plus, ce sont des riches… des petits riches, des grands et très grands riches.
    J’ai adoré ce type qui est entré dans la boutique hier et a acheté pour 1650 E de bouffe dont une caisse de Mum … il est mon ami.
    Mon voisin mâcon qui refait la cagnât du gara à la Mercedes est ravi d’aider son riche client a se débarrasser de ses Euros…
    Je le dis: On manque de riches……

    20 février 2019 à 18 h 10 min
  • goufio Répondre

    Quand on parle de riches il faudra s’appuyer sur des bases financières solides, ainsi le dixième décile des revenus les plus élevés commence à 47.030 euros par an et le 1% des plus aisés ont un revenu fiscal supérieur à 118.491 euros, bien entendu avant impôts. Il faudra aussi convenir un jour que l’on ne vit qu’avec un revenu (flux) et non le capital (stock). Le monde ira aussi beaucoup mieux avec un peu, beaucoup …de pédagogie

    20 février 2019 à 11 h 58 min
  • goufio Répondre

    Le grand rééquilibrage Nord-Sud a été voulu et contraint par nos deux “grands” hommes politiques qu’ont été F. Mitterrand et J. Chirac. F. Bastiat avait bien dit au début du XIXe siècle “il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas” et je rajouterais “ce qu’on ne veut pas voir”

    20 février 2019 à 11 h 54 min

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