Les vraies compétences de la BCE

Les vraies compétences de la BCE

L’article 108 du traité de Maastricht confie au Système Européen de Banque Centrale (SEBC) et à son organe exécutif, la Banque Centrale Européenne (BCE) la mission quasi unique de garantir la stabilité des prix à l’intérieur de l’Union.

Cette Union compte aujourd’hui 16 pays (et non 15, comme on le lit trop souvent). Le Conseil de la BCE est constitué des gouverneurs des Banques Centrales des États membres, sous la présidence d’un gouverneur de la BCE (M. Jean-Claude Trichet).

La stabilité des prix est supposée lorsque le taux annuel moyen de hausse des prix à l’intérieur de la zone est de 2 %, chiffre arbitrairement défini par ledit Traité.

Toute intervention de la BCE en dehors de cet objectif (limitation de la hausse moyenne des prix à 2 %) est donc réputée hors de ses prérogatives et compétences.

Les pays potentiellement candidats à l’euro étaient, en 1991, au nombre de 11, soit les membres de la CEE. Mais le traité leur enjoignait de satisfaire, pour être admis, à des « critères de convergence » :

– Taux d’inflation de 1,5 point maximum au-dessus des trois meilleurs pays de la zone ;
– Déficit budgétaire maximum de 3 % du PIB ;
– Dettes publiques inférieures à 60 % du PIB ;
– Taux d’intérêt de long terme maximum 2 % au-dessus des plus bas.

Au moins trois fautes graves ont entaché ce dispositif :

D’abord, les taux énoncés sont arbitraires et sans justification économique.

Ensuite, le taux de déficit budgétaire est sans intérêt : c’est le pourcentage du budget total qui détermine la qualité de la gestion.

Enfin, aucun objectif économique n’est fixé, comme si le système monétaire était une fin en soi.

Il en résulte que les 11 pays initialement programmés com­me membres, plus le nombre indéterminé des autres arrivants, étant à l’évidence fort différents (dimension, niveau d’industrialisation, niveau et nature des qualifications, langue, culture et habitudes de vie, préférences traditionnelles…), la convergence devait forcément se transformer en divergence.

Des spécialistes mondialement connus l’ont prévu dès l’origine, et l’expérience de 10 ans leur a donné raison. Les plus compétitifs et les plus réformateurs ont été chaque année meilleurs, et inversement.
Les prix des meilleurs ont augmenté lentement, voire baissé, tandis que ceux des autres augmentaient constamment, voire devenaient « hors marché ».

Dans cette situation, la BCE ne peut rien faire, et n’a le droit de rien faire : le Traité le lui interdit, et elle n’en a d’ailleurs ni les moyens ni les compétences.

Ses seules armes sont la maîtrise de la masse monétaire et des taux d’intérêt, mais comme elles s’appliquent indifféremment à tous les pays-membres, elles sont évidemment inefficaces à soutenir individuellement l’un ou l’autre. C’est l’inévitable conséquence dans une zone monétaire non homogène : la BCE ne peut, dans chaque circonstance, que prendre une seule décision (par exemple le taux d’intérêt), forcément inadaptée à tous les membres.

Les entreprises prospères le deviennent donc de plus en plus, et les autres périclitent. Les employés des premières augmentent en nombre et en revenu, et les autres deviennent chômeurs. Les pays compétitifs se renforcent et les autres s’affaiblissent…

Cette situation est de tous les temps. Ce qui est nouveau, c’est que l’ajustement des inévitables écarts de coût, qui se faisait par la dévaluation monétaire (comme l’a encore fait récemment la Grande-Bretagne), est désormais impossible, à moins de quitter la zone euro. Comme personne ne l’a encore fait, les chômeurs et les dettes s’accumulent dans cha­que pays à proportion de son manque de compétitivité.

Il n’y a aucune solution à base d’aides financières : la BCE n’en a pas le droit, elle n’a d’ailleurs pas d’argent, et cela ne reviendrait qu’à noyer des gens déjà submergés de dettes.

Jean-Pierre Delmau

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Comments (1)

  • JUNON Moneta Répondre

    OK globalement avec cet article (bonne synthèse) mais deux "réserves"  :

    1) Ce passage n’est pas clair : "Ensuite, le taux de déficit budgétaire est sans intérêt : c’est le pourcentage du budget total qui détermine la qualité de la gestion".

    2) Aucune critique sur la gestion de l’euro par le SEBC et de la BCE.

    • Les économies auraient pu converger et, au lieu de cela, elle divergent (ce que vous dites).
    • De plus, le sous-emploi et la pauvreté perdurent et même augmentent, surtout chez les jeunes, mais vous n’en parlez pas ; or, la BCE aurait pu éviter cela car elle pouvait contraindre les banques commerciales à financer le Crédit à l’Economie plutôt que de les encourager à spéculer.
    • La crise des prêts "subprime" aurait pu être évitée si la BCE et le SEBC avaient fixé des règles strictes en matière de détentions de créances (spéculatives) ;
    • La BCE, gardienne d’un taux d’inflation raisonnable?  mais au-delà de 2%, ce n’est pas de sa faute? Pas sérieux!
    • La masse monétaire M3 a explosé (plus d’une année de PIB), et ce n’est pas de sa faute non plus?
    • Nec plus ultra, tout le système bancaire et financier était en faillite à fin septembre 2008 ; la faute à qui? Vous n’en parlez toujours pas.

    En résumé, tous ces gens de la Haute Finance voulaient les pleins pouvoirs et leur indépendance totale (vis-à-vis des peuples), ils sont responsables de la plus grande crise monétaire et financière, jamais connue en Europe, ils ne sont jamais critiqués ni condamnés (même par vous, ils sont impunis et pire on leur a donné de nouveaux pouvoirs… Et vous ne concluez rien?
    Moi si, j’ai conclu, bien avant la découverte de la crise américaine des subprime, en écrivant et publiant deux livres (l’un en janvier 2007 et l’autre en janvier 2008) : "Le néolibéralisme? Un très vieux système… Pourquoi (faut-il) le combattre" et "La gestion (désastreuse) de l’euro".

    ALTER-EUROPA
    Pour une Autre Europe…
    Et (bien sûr) pour un Autre Euro… 
    16 septembre 2010 à 5 h 48 min

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