Les vraies raisons de la crise : un capitalisme sans capital

Les vraies raisons de la crise : un capitalisme sans capital

Entretien avec Michel de Poncins

Michel de Poncins, vous portez un regard sans concession sur la crise financière et vous l’expliquez en partie par l’idée d’un capitalisme sans capital. Pouvez-vous nous expliquer cela ?

La grande presse évoque une économie de casino. Il s’agit en fait d’un capitalisme sans capital et déconnecté de la réalité. C’est bien le propre des joueurs au casino de voguer sur des rêves sans se contrôler eux-mêmes et c’est fort dangereux ! Le capital est la pierre angulaire de la vie économique. Certains seraient choqués d’une telle expression qui semble reléguer le travail au second plan et, pourtant, elle est essentielle pour comprendre. Le capital est du travail accumulé et, de tout temps, pas de travail sans capital.

Les banquiers de jadis prêtaient sur les dépôts de leurs clients : c’était de la création de monnaie permettant d’amplifier la prospérité générale. Souvent propriétaires de la banque, ils le faisaient avec prudence ; s’ajoutait l’effet de proximité, chacun se connaissant plus ou moins dans la ville. Les comptes étaient clairs et faciles à établir. L’imprudence se payait cher : le XIXe siècle a vu beaucoup de faillites bancaires. Aux USA, des banquiers ont dû être pendus comme de vulgaires voleurs de chevaux.

Le fait relativement nouveau est l’envol de la « planète financière ». Ne se contentant pas de transformer les dépôts des entreprises et particuliers, les banquiers se sont prêtés entre eux dans le monde entier, ceci dans un nuage de complications de plus en plus extravagantes. Plus du tout d’effet de proximité pour se protéger des folies, mais un entrelacs de contrats complexes entre banques ne se connaissant pas et gérés par des cohortes de juristes. Dans la folle agitation, le drame fut d’oublier le capital, cette pierre angulaire du capitalisme : c’était la faute à ne pas commettre. L’obscurité des comptes s’est ajoutée, plus personne ne les comprenant…

Vous accusez aussi le contact incestueux avec le pouvoir politique.

Toujours dans l’esprit d’un capitalisme sans capital, il s’est trouvé que, pendant de longues années, la FED, ou banque fédérale américaine, fut dirigée par Alan Greenspan, surnommé le Maestro. Il inonda d’argent bon marché l’économie des USA, développant lui-même la bulle financière et dissuadant les gens de créer du capital par l’épargne : le Maestro avait découvert la baguette magique ! Aux USA, toujours, les idéologies prétendument antiracistes, sous la pression des pouvoirs publics joints aux médias, ont conduit et même contraint les banques américaines à prêter largement aux minorités visibles en vue d’acheter des logements ; de très nombreux membres de ces minorités ont obtenu des prêts qu’elles n’auraient pas dû ou pu contracter dans un système complètement libre : ce sont les célèbres subprimes.
Le plus drôle, si l’on peut dire, est que ce système pervers s’est développé au États-Unis d’Amérique, lesquels se sont fondés justement sur le respect de la propriété privée, l’entreprise privée et une hostilité marquée vis-à-vis de l’intervention étatique.

Vous dénoncez aussi, et d’une façon surprenante, l’effet de levier, qui pourtant a fait les délices de nombreux étudiants.

L’effet de levier est facile à expliquer et il va dans le sens du capitalisme sans capital. Si nous investissons 100 000 euros dans un projet devant rapporter annuellement 10 000 euros, le rendement sera de 10 %. Pour augmenter la rentabilité nous pouvons nous endetter. Si nous empruntons 50 000 euros au taux de 5 %, les intérêts annuels seront de 2 500 e et le projet ne rapportera plus que 7 500 e. Mais nous n’aurons prélevé sur notre fortune que 50 000 e pour le réaliser et 7 500 e rapportés à 50 000 e, nous donnent une rentabilité de 15 %. C’est, évidemment, une présentation simplifiée, car, dans la réalité, les chiffres sont souvent plus compliqués.

Mais attention, si le projet ne rapporte pas les 10 % prévus ou même génère des pertes, il faudra rembourser les intérêts ainsi que l’argent emprunté non avec les profits du projet mais en prélevant sur les autres éléments de la fortune s’ils existent. Il se produira ce que j’ai dénommé, naguère, l’effet de massue.

Dans les difficultés actuelles, il y a une très forte dose d’effets de levier. J’accuse, à cet égard, les grandes universités américaines, dont la Havard University, qui ont inspiré à tant d’écoles commerciales des plus prestigieuses dans le monde entier d’incorporer dans leur enseignement d’une façon excessive l’effet de levier, méthode d’enrichissement rapide pour jeunes gens pressés.

Vous avez même écrit que les dirigeants de ces universités pourraient être des malfaiteurs de l’humanité !

Chacun peut répondre bien entendu comme il l’entend à cette question « amusante ». De toute façon, le nombre de malfaiteurs de l’humanité en circulation dans les postes les plus élevés et les plus divers est immense et leur secte est parfaitement honorable et honorée!

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Comments (1)

  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Quand on cherche des articles scientifiques sur Internet ou dans des revues spécialisées internationales on ne voit pratiquement rien du CNRS. On peut se demander ce que fabrique ce machin? Une chose est sûre il doit coûter une fortune pour un rendement quasi nul.

    Par comparaison les Instituts Fraunhofer et Max Planck en Allemagne sont réputés sur le plan mondial et leurs publications sont très nombreuses.

    8 novembre 2008 à 18 h 34 min

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